La Table ‘Fons ascendens’ : une lemmatisation théologique médiévale de la Catena aurea. Introduction histoire et édition partielle (Toulouse, BM, ms. 47, 14e siècle)

page créée par Martin Morard le 26 décembre 2022; mise à jour le 27.3.2023

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La table Fons ascendens appartient au genre des répertoires d'autorités (Tabulae auctoritatum) qui fleurirent surtout au 14e siècle. Ces instruments de travail pour théologiens et prédicateurs sont représentatifs des évolutions méthodologiques de la pratique de la théologie à la fin du Moyen Âge.

Fons ascendens  se présente comme un répertoire alphabétique de termes lemmatisés qui renvoient à des définitions et sentences extraites de la Catena aurea. Elle est le fruit d’une analyse lexicographique et sémantique intégrale du contenu de la Catena qu'elle cite assez littéralement. Elle met en oeuvre un système de renvois qui établissent des équivalences entre les termes retenus et le vocabulaire biblique et patristique transmis par Thomas d’Aquin. Témoin de la tradition textuelle indirecte de la Catena aurea, elle illustre une étape de la réception historique des héritages anciens qui caractérise l'exégèse doxographique médiévale dont la Catena est un des fleurons. Elle offre surtout à la sémantique historique une importante base de donnée lexicographique.          

Fons ascendens
est un unicum inédit, élaboré peu après la canonisation de Thomas d’Aquin, probablement entre 1323 et 1350/60, par un dominicain anonyme d’origine méridionale ou italienne. Son exécution, soignée et coûteuse, indique  un commanditaire qui disposait de revenus, probablement un évêque ou cardinal proche de la curie pontificale d’Avignon. Si l’unique manuscrit conservé (
Toulouse, BM, ms. 47) a peut-être appartenu à la bibliothèque du couvent des Jacobins de Toulouse, il en a été distrait avant la fin du 17e siècle, pour passer dans un autre fond conventuel de la ville, probablement celui des Augustins où il est resté jusqu’à la Révolution.    

Le prologue rend compte du statut épistémologique de la
Catena et du rôle Thomas d’Aquin dans l’histoire de la théologie. Dans un second temps il rend compte de la méthode de lemmatisation et de renvois.   

L’étude analyse le prologue et cherche à préciser la date et la fonction de la Table. Elle est suivie de l’édition du prologue, également traduit en français, ainsi que du relevé des entrées de la table, complet pour les lettres A B E G H Q U X Y Z (environ 1000 termes) ; les autres lettres seront complétées au fil des collations préparatoires à l’établissement critique du texte de la Catena.   

 


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1.      Le manuscrit 47 du fonds patrimonial de la bibliothèque municipale de Toulouse, volume de parchemin de 199 feuillets (350 x 210 mm), contient index thématique et lexical alphabétique sophistiqué, destiné à l’exploitation intellectuelle de la Catena par les prédicateurs et les théologiens. Cet exceptionnel exemple d’intertextualité prénumérique nous est parvenu dans un manuscrit anonyme unique, commandé probablement par un prélat dominicain proche de la Curie pontificale d’Avignon dans le second quart du 14e siècle. Il constitue le seul cas connu d’instrument de travail codicologiquement indépendant du texte de la Catena et spécifiquement destiné à sa consultation. Mal décrit, confondu parfois avec la Catena aurea, il était passé inaperçu ou son intérêt n’a pas été noté.

2.      La préface et le guide d’utilisation qui lui fait suite le présentent tour à tour comme une « table », un « répertoire d’autorités » (titre), une « concordance » verbale, un index des matières ou index rerum. L’ouvrage répond effectivement à ces qualifications. C’est un répertoire dans la mesure où il permet, à partir de motsclés, de retrouver la référence des passages de la Catena qui traitent des termes lemmatisés. C’est une concordance dans la mesure où des renvois permettent à partir d’associations verbales, de rebondir d’un lemme extrait d’un passage donné de la Catena à d’autres lemmes auxquels sont associés d’autres passages de la Catena. C’est un recueil de sentences parce qu’il reproduit un grand nombre d’extraits de la Catena, très légèrement transformés pour leur donner l’aspect de propositions doctrinales ou exégétiques, assimilables aux sentences, qui ont fait le génie du 12e siècle des écoles ; c’est même un recueil de sentences ‘au carré’ puisque Thomas d’Aquin avait déjà luimême fait ce travail de transformations des originalia en sentences au moment de la rédaction de la Catena. Enfin, c’est un recueil d’"autorités" parce qu’il permet de remonter aux originalia des sentences à partir d’un système de références à la Catena qui mentionne le lemme attributif complet des sentences citées (auteur et titre). Le mot auctoritas revient à six reprises dans les pièces liminaires. Dans le contexte de la fin du 13e et du 14e siècles en particulier, il désigne non des individus mais des textes, plus précisément des sentences attribuées à des auteurs anciens qui, associés l’un à l’autre, font autorité dans l’argumentation des théologiens.

3.      L’oeuvre de Thomas d’Aquin, les débuts difficiles de sa réception et ensuite son succès, ont donné lieu à la composition de concordances visant à le mettre en contradiction avec luimême ou à lever les contradictions que lui opposaient ses détracteurs à partir de sentences extraites de ses oeuvres spéculatives[1]. Mais les répertoires d’autorités exégétiques qui nous occuppent ici sont d’un autre ordre. La nouveauté de Fons ascendens est d’exploiter la Catena aurea de Thomas d’Aquin comme relai des traditions anciennes du patrimoine de la foi. On lui permettait ainsi de rejoindre la grand courant du retour aux sources qui accompagne les évolutions de la théologie des 12e et 13e siècle, depuis Abélard jusqu’à la Catena. La table Fons ascendens est la première tentative de recomposition systématique de la Catena dans un contexte où le commentaire continu des Ecritures commençait à céder le pas, même dans les écoles de théologie, au profit de recompositions nouvelles, thématiques et surtout liturgiques (voir ici: tradition indirecte 1).

4.      Par ailleurs, les répertoires d’auctoritates n’étaient pas une nouveauté au 14e siècle, loin s’en faut. Elles y sont particulièrement à la mode[2][2]. Fons ascendens permet à la Catena de ‘rester à la page’ en montrant qu’elle peut aussi répondre au besoin de citations d’auteurs destinées à alimenter les disputes théologiques et doctrinales. Pour éviter toute ambiguité, dans la tradition du prologue qui suit nous avons cependant délibérément remplacé autorité par sentence. On notera que Thomas d’Aquin luimême utilise les deux termes pour désigner la même réalité[3].

5.      A Toulouse, les bibliothèques possédaient d’autres instruments de conception similaire à Fons ascendens. Il faut citer le Milleloquium augustinien de Bartolomeo d’Urbino (OESA, + 1350) préparé à Bologne et offert à Clément VI en 1343/1344. L’exemplaire du fonds des Jacobins, plus nettement méridional que Fons ascendens, est datable par son écriture et son décors de la décennie 13451355. Le style de l’épître dédicatoire et les est datable par son écriture et son décors de la décennie 13451355.

6.      Un autre exemple, de facture plus modeste mais directement exégétique, est apporté par le ms. 60. Postérieur aux années 1360[4], il classe le contenu des postilles de Nicolas de Lyre par lettres de l’alphabet et, pour chacune d’entre elle, par livre biblique: « A: Genesis…. Apoc. ».

7.      Un autre exemple, de facture plus modeste mais directement exégétique, est apporté par le ms. 60. Postérieur aux années 1360[5], il classe le contenu des postilles de Nicolas de Lyre par lettres de l’alphabet et, pour chacune d’entre elle, par livre biblique: « A: Genesis…. Apoc. ».

8.      Pour chaque livre, une série de sentences y résume un argument ou une information avec indication de la référence biblique. L’auteur du répertoire est certainement franciscain comme on peut le déduire de la mention de « la règle de notre père saint François » citée dans les quelques lignes que je transcris ici pour faciliter la comparaison avec Fons ascendens (voir f. 90). Le texte original du prologue sur les Psaumes de la postille de Nicolas de Lyre se contentait d’écrire « in regula frarum minorum »[6].        
f. 3va […] « § Absalon patris persecutor significat tiranum aposthatem a fide persequens /f. 3vb/ Christum patrem suum in membris suis qualis fuit Iulianus aposthata, 3° capitulo[7].      
« § Almut secundum hebreos habet triplex significantionem uno modo est nomen instrumenti musici ; alio significat iuventutem ; tertio modo significat occultationem, et hoc modo accipitur ab Augustino et Cassiodoro et aliis doctoribus. 9° capitulo tractatur. » 
f. 4a […] « § Apostoli a monte Syon exierunt ad predicandum verbum Dei per orbem ubi erat templum in quo Christus pluries personaliter predicavit precepta moralia Dei 2° capitulo.
§ Apostoli dicuntur celi metaphorice quia fuerunt excellenter illuminati et in deum elevati et etiam sic vocantur multi homines ut habetur 18° capitulo.        
§ Apostoli in monte Syon spiritum sanctum recipientes exierunt divisi per orebem ad predicandum gloriam christi ut notatur 109° capitulo. » […] [f. 90rb] […]    
§ Psalterium ter fuit translatum a beato Ieronimo primo secundum septuaginta interpretes quod dicitur psalterium Romanum de quo fit mencio in Regula beati patris nostri Francisci, 2° fecit aliam translationem que vocatur psalterium gallicanum de quo dicitur in regula eadem clerici faciant divinum officium secundum ordinem sancte romane ecclesie et illo utimur in ordine nostro, 3° fecit aliam translationem ad preces Sophonii et illud vocatur psalterium Ieronimi iuxta hebraycam veritatem quod declaratur in prohemio in fine. »

9.      Contrairement à la table de Nicolas de Lyre du ms. 60, la table Fons ascendens est d’exécution très soignée, copiée dans une grosse libraria française de la première moitié (2e quart ?) du 14e siècle, dans une encre brune claire, décorée par un ornemaniste professionnel. La préface est ornée d’une lettrine peinte à motifs végétaux or, bleu, vert, rose, se prolongeant le long du cadre de justification et terminée au coin supérieur droit par un dragon ailé happant une grappe de raisins (voir image ci-dessus), tandis que l’élément inférieur du cadre supporte un autre dragon dressé sur ses pattes arrières dans l’entrecolonne, la gueule ouverte, la langue tirée, en train d’avaler un gland tombant de sa cupule encore attachée au rameau de chêne du cadre supérieur ; le mouvement est figé comme par un instantanné photographique[8][7]. Un second gland est représenté en train de tomber en tourbillonnant, figé à la manière d’une manicule, à la hauteur de la titulature emphatique de « saint Thomas d’Aquin, glorieux et docteur sans pareil de l’ordre des frères prêcheurs » (Figure 51). Le décor sur fond d’or éclatant est trop bien conservé pour avoir traversé les siècles dans la bibliothèque des Jacobins dont les manuscrits sont globalement plus marqués par le temps. L’introduction et les premières initiales de chaque lettre de l’alphabet sont traitées en « puzzle » à découpage arrondis, alternativement rouge et bleu, avec – une seule fois (f. 1v) – un motif de filigranes en pelotes d’où s’échappent des faisceaux qui esquissent le mouvement d’une roue à aube tournant de gauche à droite. Les initiales secondaires sont filigranées plus sobrement, avec fils plus courts, peu développés et vrilles serrées.

10.  L’écriture du manuscrit est typique des habitudes graphiques de la fin du premier tiers du 14e siècle[9]. Le style des initiales ornées est plus difficile à situer. Il est caractérisé par des contours précis et des couleurs franches associant au rouge et bleu clair de l’influence parisienne, mais timidement encore, le bleu canart et le violet qu’on retrouve fréquemment dans les manuscrits médiévaux copiés et conservés dans le midi de la France et spécialement à Toulouse.

11.  Les initiales filigranées du ms. 47 sont aussi à comparer à de celles du ms. 332 des postilles sur les évangiles du Carême de l’augustin Philippe de Moncalieri (fl. 1345) qui cite abondamment la Catena aurea. La table n’a pourtant pas été utilisée. Malgré plusieurs sondages, il n’a pas été possible de retrouver les sentences citées sous les lemmes concernés de la table Fons ascendens[10].

12.  L’exécution de Fons ascendens, sans aucun trait italianisant[11], porte des traces de l’influence indirecte du vocabulaire stylistique de l’ornemaniste parisien Jacquet Maci [Mathey / Macy] dont notre manuscrit se distingue pourtant avec netteté. Le fait que Maci ait orné la grande collection des oeuvres de Thomas d’Aquin et Armand de Belvézer commanditée par Jean XXII à l’époque de la canonisation de Thomas incite à regarder avec attention ce qui peut s’y rapporter de près ou de loin. Selon François Avril, le style de Maci est caractérisé par trois signatures graphiques: la demi fleur de lys répétée le long des bandes d’I, la fleur de lys, l’angle bicéphale et le dragon dessinés par un champ d’entrelacs[12]. Les bandes d’I du ms. 47 de Toulouse sont parfois piquées de demi fleurs de lys à la manière de Maci (f. 2v)[13]. On trouve quelques initiales à champs réticulés ajourés qui rappellent certains éléments de la grammaire de Maci (Figure 60 et Figure 59). Un autre clin d’oeil à Jacquet Maci est le dragon deux fois répété sur la première page mais de manière figurative, réaliste et partiellement anthropomorphe, alors que les dragonssignatures de Maci sont à peine esquissés[14]. Tandis que le Maci de la maturité travaille à main levée et que ses filigrannes foisonnent en chignons ébouriffés ‘à la bonne française’ comme aurait dit François de Sales en sa langue fleurie, l’artisan de Fons ascendens applique un traitement des filigranes plus sobre, plus appliqué, avec une préférence ponctuelle pour des débordements à angles droits terminés par des clés pendantes (f. 1va, 7v). Les vrilles drues qui s’échappent dans la marge sont différentes de celles de Maci: elles se terminent avec précision par une boucle fermée en forme de noeud coulant, similaires à celles de Toulouse, BM, ms. 365 Figure 62 Toulouse, BM, ms. 365, f. 13, legs de Guillaume de Pierre Godinlégué au couvent de Toulouse par le cardinal Guillaume de Pierre Godin en 1336 et donc exécuté avant cette date (Figure 62). La forme encore très arrondie des lobes des feuilles de vigne indique un style, sinon une datation, bien différent de celui des décors de Maci, très tourmentés, ou des manuscrits de la fin du 14e siècle, très découpés. Si Maci est actif dans le second quart du 14e siècle voir audelà[15][14], tout indique que l’ornemaniste de Fons ascendens a un style à la fois proche et propre qui pourrait être le fait d’un ancien apprenti de Maci.

13.  Avouonsle: il y a comparaisons stylistiques plus concluantes, bien que les classements relatifs, permettant de situer la manière d’une ornementation en relation avec une autre, sont souvent plus fiables que des datations millésimées qui ne se réfèrent qu’à l’estimation des oracles pythiques de la science du moment. Quoiqu’il en soit, il sera toujours difficile de choisir ici entre la poule et l’oeuf. Puisque tout pousse à dater la rédaction du texte au plus tôt dans la décennie 13261336, ou, pour simplifier dans le second quart du siècle, force est d’admettre que la comparaison avec Maci ne doit pas conduire à situer nos manuscrits avant ou après lui mais à constater au sud de la France, en dehors des influences parisiennes, l’existence simultanée de systèmes d’ornementation secondaire des manuscrits très différents des pratiques parisiennes mais néanmoins inspirées d’elles à la marge.

14.  Il faut distinguer ici la question de l’auteur du texte de celle de son commenditaire ou donateur. Commençons par examiner – et éliminer certaines pistes ouvertes par les observations qui précèdent.

15.  Le ms. Rossi 259 du Vatican décoré par Maci et son apprenti est décicacé dans les festons supérieurs du premier feuillet à Grégoire (de Rimini), théologien, futur maître général de l’ordre des Ermites de SaintAugustin (+1358). Il est suivi par la table des autorités extraites des lettres de saint Augustin préparée par ce même Grégoire, copiée et ornée par une main italienne[16]. Elle est précédée d’une courte introduction pratique et factuelle qui justifie le système de référence utilisé. On y retrouve pas le style ampoulé et les périodes interminables du prologue de Fons ascendens. Les lemmes sont traités plus sobrement que dans Fons ascendens avec des sentences courtes et sans renvois secondaires. Seuls les deux premiers livres du commentaire des Sentences de Grégoire de Rimini ont été conservés. Les tables de l’édition critique ne laissent pas entrevoir l’influence des auteurs grecs caractéristiques de la Catena aurea de Thomas d’Aquin dont le contenu concerne davantage, il est vrai, la matière des 3e et 4e livres des Sentences[17]. On peut donc écarter Grégoire des auteurs et des utilisateurs potentiels de Fons ascendens, tout comme on a écarté tout à l’heure son confrère et contemporain Philippe de Moncalieri. Leur appartenance au même ordre que les Augustins de Toulouse, possesseurs de Fons ascendens, laissait espérer des rapports plus étroits.

16.  Les documents sur la succession du cardinal dominicain Guillaume de Pierre Godin, mort en Avignon en 1336 et enterré à Toulouse, ne mentionnent ni la Catena ni la table Fons ascendens. Le cardinal avait disposé de ses livres par trois documents conservés. En 1304, avec la permission du maître de l’ordre dominicain, il donne au couvent de Bayonne, où il avait fait profession, des livres acquis hors du contexte de sa formation religieuses[18]. Parmi eux se trouvent des « tabule super originalia ». Il reconnaît également avoir gardé en sa possession des livres empruntés dont des « auctoritates sanctorum sub ordine alphabeti ». En cas de non respect de ses dispositions par un bénéficiaire, la donation des livres serait transférée à la communauté provinciale de Toulouse, c’estàdire au couvent des Jacobins, résidence du prieur provincial. En 1335, son testament fait peu de place aux livres et ceux qui y sont mentionnés ne concernent en rien notre question[19]. En 1336, un codicille dispose d’un lot de plus de 25 volumes en faveur de plusieurs bénéficiaires, couvent et personnes physiques. De Catena il n’y est pas question, de table ou de recueils d’autorités non plus[20]. Si le système graphique et l’ornementation du ms. 47 de Toulouse, la mention de Thomas comme saint, excluent que le manuscrit – sa préface tout au moins -  ait pu être copié dans les premières années du 14e siècle, rien interdit de dater l’état que nous lui connaissons des dernières années de la vie de Guillaume Godin. Il faudrait alors supposer qu’il ait été confectionné et offert à sa demande de son vivant comme un cadeau à un confrère ou à un couvent.

17.  Je n’ai pas su en trouver la trace du manuscrit dans les archives des collecteurs pontificaux du droit de dépouille[21]. Les donations et legs écrits connus qui ont été faits à l’intention des couvents de la province dominicaine de Toulouse ne le mentionnent pas.

18.  Le manuscrit a peutêtre appartenu au fonds des dominicains de Toulouse ou à un prélat de cet ordre, bien qu’il ne soit pas possible d’en avoir l’assurance, faute d’exlibris ou d’inventaire ancien[22]. Les feuillets de garde, notamment la première garde volante inférieure, mutilée en son centre (avant restauration), laissent supposer une ou plusieurs marques de provenances anciennes développées, peutêtre aussi une clause interdisant son aliénation, disparues à la suite d’un transfert de propriété. Ce manuscrit pourrait n’avoir appartenu aux Jacobins que précocement. On n’en trouve pas mention dans le catalogue de 1683 qui recense les manuscrits les plus importants de la bibliothèque des Jacobins de Toulouse[23]. Les autres sources de l’histoire de la bibliothèque, toutes postérieures au 15e siècle, n’en portent aucune trace. Le manuscrit pourrait avoir été acquis par un autre fonds ecclésiastique toulousain, comme le fonds des Augustins qui sont entrés en possession, avant le 18e siècle, et dans des circonstances qui restent à éclaircir, de plusieurs manuscrits médiévaux d’auteurs dominicains, certains provenant initialement du couvent des Jacobins[24]. Le seul exemplaire manuscrit de la Catena aurea conservé à Toulouse est un recueil factice incomplet de la CMT et de la CIO qui appartenait au fonds des augustins dès avant le catalogue qui en a été dressé en 1764. Le même catalogue mentionne un volume d’«auctoritates pro qualibet materia in fol. » qui pourrait bien correspondre à la table Fons ascendens (AD H 127, p. 328). Encore ces attestations tardives ne disentelles rien des possesseurs initiaux. Les marques de possession antérieures des manuscrits ont été intentionnellement mutilées ou arrachées avec les premiers et derniers feuillets des corps d’ouvrage[25]. Elles prouvent par leur absence que ces manuscrits n’appartenaient pas initialement au fond des augustins. Par ailleurs on observe les même mutilations dans certains manuscrits d’auteurs augustins possédés par les jacobins à la Révolution (par ex. BMT332 et le splendide Milleloquium en 4 volumes cité plus haut). L’hypothèse d’échanges ou de mises en gage sans retour dans des périodes de vaches maigres ne saurait être exclue. Celui qui aura la patience d’éplucher et de comparer les documents comptables des deux couvents entre la fin du 15e et la fin du 17e siècle y trouvera peutêtre la clé de cette énigme.

19.  L’origine du manuscrit demeure donc un mystère. On peut raisonnablement admettre qu’il a été conçu et préparé dans les milieux de la cour pontificale, à destination d’un haut prélat – peutêtre un des maîtres de la Curie pontificale dominicain du 14e siècle qui en aura fait don à la bibliothèque de la maison mère de l’ordre des prêcheurs.

20.  Le contenu des pièces liminaires – prologue et mode d’emploi n’apporte guère plus de lumière, sauf qu’il s’agit encore d’une pièce unique que son style et son contenu ne permettent guère de rattacher à d’autres textes du même genre.

21.  La titulature de Thomas d’Aquin, mentionnée par le prologue « gloriosus vir et doctor egregius sanctus Thomas de Aquino, predicatorum ordinis » (§ 4) oblige à dater le texte après la canonisation de 1323. Le titre de « docteur egregius » lui est appliqué au moins depuis la déposition de Bathélemy de Capoue au procès de canonisation de Naples en 1319[26]. L’expression « Sanctus Thomas de Acquino ordinis predicatorum doctor egregius » est l’incipit même de la Vita de saint Thomas rédigée par le même Bernard Gui, source des leçons de l’office de saint Thomas adopté entre 1228 et 1334[27].

22.  L’auteur parle à la première personne (« ego ») mais tait son nom ; il s’exprime comme un fervent admirateur de Thomas. Le titre de Doctor communis est omis, contrairement à l’usage d’Armand de Belvézer et de Dominique Grima qui en faisaient état déjà avant la canonisation[28]. Dans Fons ascendens, l’auréole de la canonisation éclipse le bonnet doctoral non pour le discréditer mais parce qu’elle l’inclut dans la cohorte des sancti homines et doctores ecclesiastici (§ 14).

23.  Certaines graphies des lemmes de la tables pourraient aider à localiser l’auteur de la table. Ainsi puplico puplicare pour publico publicare sont des graphies plutôt caractéristiques d’usages méridionaux ou italiens.

24.  L’ensemble de ces paramètres oriente vers la fin du premier tiers du 14e siècle. La qualité du manuscrit suggère un ouvrage exécuté pour un prélat de haut rang proche des dominicains ou dominicain luimême comme l’est probablement l’auteur même de la table. Il est bon, somme toute, que Fons ascendens ne puisse être attribuée à un personnage connu. Le document n’en apparaît que mieux comme la réalisation emblématique de l’école biblicothomiste du 14e siècle méridional. Dominique Grima, Armand de Belvézer, Guillaume de Pierre Godin pourraient en être chacun l’auteur. Guillaume de Pierre Godin est pour ainsi dire le seul de sa génération, dans la période 13301340, à pouvoir faire exécuter un ouvrage aussi soigné. L’absence d’épître dédicatoire dont auteurs et bénéficiaires sont très friands à cette époque, pourrait indiquer que la table a été financée par son auteur. Le premier cahier étant complet (8 f.) on peut difficilement supposer qu’elle ait été perdue.

25.  Gageons que la lecture du texte du prologue et spécialement du mode d’emploi suggèrera au lecteur érudit des comparaisons stylistiques et des hypothèses nouvelles.

Le prologue

26.  L’ouvrage est muni d’une préface et d’un long discours de la méthode que nous éditons et avons cherché à traduire.

27.  Le prologue est une introduction théologique à la Table, à ce dont elle traite et comment elle le fait. L’allégorie de la source et du fleuve est un écho direct aux derniers mots de l’épître dédicatoire de la Catena sur Matthieu (CMTprol.33), citation de Eccl. (Qo.) 1, 7: «Omnia flumina intrant mare et mare non redundat. Ad locum unde exeunt flumina revertuntur ut iterum fluant»[29]. Dans la foulée, Fons ascendens développe un schéma néoplatonicien d’exitusreditus appliqué à l’histoire de la Révélation, à l’aide d’une métaphore hydraulique inspirée du thème des fleuves du Paradis mentionnés dans Gn. 2, 1014. Le processus de la révélation part de la création, source de la connaissance du divin et première opportunité pour l’intelligence humaine de connaître Dieu par la contemplation de l’univers créé selon l’exemplarité du Verbe.

28.  L’exitus se prolonge par la révélation aux apôtres transmise par la pluralité des quatre évangiles. Il se heurte alors aux difficultés herméneutiques que la profondeur du message pose aux limites de l’intelligence humaine.

29.  Les médiations humaines du reditus sont multiples: 1° l’intelligence créée qui remonte de la compréhension de la contingence ontologique à la connaissance de la cause première ; 2° la prédication apostolique et les quatre évangiles ; 3° l’exégèse patristique ; 4° la théologie de Thomas par le biais de la Catena aurea ; 5° la table Fons ascendens ellemême.

30.  Tout se passe comme si un seul élan d’exitus se diffractait en plusieurs étapes, chacune suscitée par l’insuffisance de la réponse de l’étape antérieure. Chaque élan de reditus supplée aux limites du précédent sans pour autant le remplacer.

31.  La force suggestive de la métaphore hydrologique renforce le concept de l’homogénéité du flux noétique qui part de Dieu et retourne à lui au fil des étapes, distinguées mais indissociées, de l’histoire du salut et de l’intelligence théologique. Le temps de la prédication de l’évangile n’est pas coupé de celui des étapes de la révélation. Il est présenté au contraire comme la poursuite d’une même dynamique initiée par l’acte créateur, prolongée par la révélation évangélique, poursuivie dans les efforts herméneutiques et méthodologiques de la théologie. Même les pratiques de l’écrit (Catena, tables de la Catena) sont intégrées dans la dynamique de ce reditus. La survalorisation des médiations ecclésiastiques qui en découle ne doit pas échapper. Elle s’intrège au contexte culturel et sociale de l’émergence des professionnels de la Parole comme corps social: prédicateurs et théologiens. Leur médiation est présentée comme indissociable de la sublimité – ici de la profondeur – de la doctrine qu’ils ont mission de diffuser, de rendre intelligible et surtout de ramener à l’unité concordante qui fonde l’unité de l’Eglise et – par elle – du corps social. Ce faisant l’auteur apporte une justification théologique à un phénomène sociologique.

32.  La structure littéraire du prologue s’inspire des schémas classiques mis en oeuvre dans les prologues scolaires sur la Bible[30]. La similitude avec certains accents de l’épître dédicatoire du commentaire des évangiles du franciscain Ponce Carbonell (entre 1329-1334) intrigue. Ponce Carbonnel et l’auteur de Fons ascendens décrivent un même parcours à l’aide d’expressions et de références bibliques proches. Au-delà de la possibilité d’une consultation de Fons ascendens par Carbonell, ce rapprochement est révélateur d’une conception commune de la structure du flux noétique de la Révélation qui part de Dieu et ramène l’homme à lui par le triple vecteur de l’Incarnation de Dieu assumant le langage humain, prolongée par les évangélistes et l’oeuvre herméneutique des docteurs ecclésiastiques:          
« Inter omnia, ac super omnia, que debent Christiane menti esse infixa, precipua sunt vita et doctrina Salvatoris. Que quidem pulchre explicat Discipulus ille, qui ea vidit, audivit et scripsit, scilicet beatus Ioannes dicens in Apocalypsi: Vidi angelum volantem per medium coelum, habentem evangelium eternum, ut evangelizaret sedentibus terram. Christus enim Dominus noster est super ; est magni consilii Angelus, ut in Isaia secundum Septuaginta scribitur et in Ecclesia decantatur. Qui quidem volavit per medium celi, id est Ecclesie, conversando scilicet vita celica et ab omni terrestreitate elevata habuitque Evangelium eternum, id est in eternum perdurans et ad eterna perducens in sua anima beatifica et evangelizavit omnibus predicatione publica et mirifica. Ut vero id ipsum, quod facto et Verbo evangelizavit pro salute omnium, sincerum et inviolatum ad omnes pertingere posset, dans voci suce vocem virtutis, conscribi illud inspiravit a quatuor Evangelistis, de toto mundo electis, iuxta quatuor mundi climata distinctum in quatuor Evangelia, tanquam quatuor flumina terram irrigantia quibus evangelizantibus dedit verbum virtute multa ipse Dominus Rex virtutum, in tantum quòd omnibus Evangeliis scriptis a quibuscumque aliis decidentibus , hec sola ab his quatuor scripta, divina et Ecclesiastica auctoritate fulta, immobilia, et solida in perpetuum perseverant. Hec autem Sacrosancta quatuor Evangelia a quam pluribus sacris doctoribus copiosissime sunt exposita et luculentissime declarata de quorum expositionibus cum grandi labore et studio aliqua , ut brevius potui , excerpsi, et in unum collegi, ut a me et mei similibus citius et facilius possit sacrorum Evangeliorum intentio apprehendi... »[31].

33.   Après le traitement du thème biblique sur le mode allégorique (24), Fons ascendens déploie la métaphore des quatre fleuves ; les quatre causes aristotéliciennes sont sousjacentes mais notre texte en évite élégamment le jargon:

la cause ‘matérielle’ ou le sujet traité:

le Verbe divin (2)

ses diffractions évangéliques (3)

la difficulté de sa compréhension (4)

les causes efficientes au service de son intelligence

la tradition ancienne (5)

Thomas d’Aquin (6)

les causes formelles

modus: la méthode de la Catena (7)

usus ou utilitas:

utilité pratique de la Catena (89)

utilité de la Catena par rapport à l’intelligence des héritages anciens (10)

la cause finale: la construction de l’unité doctrinale permet de rejoindre l’unicité de la source première.

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Le guide d’utilisation


34.  La suite du texte, introduite par un titre rubriqué, est un guide d’utilisation de la table qui en explique la composition (§ 1824). La table se veut être une concordance à la fois réelle et lexicale.

35.  Fons sapientie prétend réorganiser l’intégralité de la Catena aurea de Thomas d’Aquin selon l’ordre alphabétique des lemmes qui en sont extraits. Elle réalise en fait une véritable lemmatisation dont l’auteur explique les principes et la méthode (§ 19). L’ordre alphabétique est celui de l’époque (nombreux mots commençant par Y au lieu de I, classés sous X au lieu de Ch, absence de différence entre U et V). Quelques entrées ne sont pas à leur place alphabétique correcte (Garrulus entre Grex et Gubernatio, etc.)

36.  Chaque lemme est illustré par une ou plusieurs sentences qui en expriment l’idée maîtresse. Les entrées les plus importantes sont subdivisées par des lettres de l’alphabet grâce auxquelles un système de renvois internes, signalés par la lette Q. (Quere), évite les répétitions: par exemple: « ARCHA. quere IUDEUS.a. SAPIENTIA.g. » (f. 12ra).

37.  Les entrées de la Table n’ont pour ainsi dire aucun rapport avec les index rerum des éditions imprimées postérieures. Les entrées principales prennent la forme de bref regestes analytiques de plusieurs lignes. L'auteur s'est ingénié à extraire de l'oeuvre tout ce qui pouvait avoir forme de définitions et de sentences. Certaines font l’objet de longs développements :  VERBUM (3 col.), VERBUM DEI (4 col.), etc. Le choix des termes, plus que les textes cités, est évidemment très révélateur des intérêts et schémas mentaux de l’auteur.

38.  Sa relatve fidélité à la lettre de la Catena en fait un instrument lisse dont l’utilisation laisse peu de trace. Il est cependant suffisamment sélectif pour qu’on ait pu constater avec déception qu’il n’avait servi ni à Philippe de Moncalieri, ni même à Dominique Grima qui utilise luimême la Catena comme un répertoire à partir duquel il remonte aux originalia des auteurs à partir desquels il fait ses citations[32] [30].

39.  Le style du mode d’emploi est d’une particulière pesanteur. Il se caractérise notamment par de longues périodes de propositions subordonnées juxtaposées, voire enclavées, des séries parataxyques et le goût des appositions. La lecture est rendue difficile par d’incessantes répétitions et redondances. Plusieurs sens sont parfois possibles. Restituer les périodes et le rythme des phrases latines en aurait inutilement empesé la substance. Nous nous sommes donc volontairement affranchi du souci de la littéralité, sans nous écarter de la moelle du sens, autant que la faiblesse de notre esprit nous l’a permis. La fréquentation de la table elle-même a beaucoup aidé à comprendre ce que son auteur a cherché à nous en dire.

40.  On notera que les § 19 à 24 semblent être soit un ajout postérieur complétant après usage certains manques de la première version , soit la compilation d’une autre version du même mode d’emploi, soit un emprunt au prologue d’une autre table. Le § 24 est une répétition du § 18.

41.  Le vocabulaire, surtout celui du mode d’emploi, exploite plusieurs champs lexicaux spécifiques au premier rang desquels celui de la terminologie des instruments de travail des professionnels de la parole et des pratiques de l’écrit (littera, alphabetum, auctoritas, flores, tabula, expositio, excerpo, capitulum, pars, portiuncula, compilatio, concordantia, concordantia realis, concordantia vocabularis, liber, tractatus, homelia, remissio = renvoi) et le vocabulaire linguistique (significatum, dictio, vox, oratio, vocaliter, realiter).

42.  La simple transposition des termes en français pourrait prêter à confusion soit avec le sens qu’ils prennent ailleurs au Moyen Âge, soit avec d’autres emplois homonymes en français, soit avec le sens que nous donnons aujourd’hui aux mêmes termes vernaculaires, spécialement dans le cadre des études techniques sur la Glose et les chaînes. J’ai volontairement remplacé la traduction littérale de ces mots par le terme technique correspondant, en usage dans la taxinomie moderne quand ce terme désigne rigoureusement la même réalité:            
1.
 dictio est traduit par lemme quand le terme désigne un mot lemmatisé, c’estàdire morphologiquement neutralisé pour servir d’entrée à la table alphabétique. Parfois le mot peut se traduire simplement par « parole ».        
2.
      auctoritas est traduit par sentence. Le prologue utilise le terme auctoritas / autorité au sens de texte extrait d’un auteur reçu comme une autorité et non au sens de l’auteur qui donne au texte sa valeur. C’est le texte qui est reçu comme une autorité, non la personne qui l’a initialement rédigé. On notera que le terme latin sententia n’est utilisé qu’une fois à partir de Thomas d’Aquin pour désigner la proposition ou l’affirmation raisonnée de la vérité et jamais au sens d’unité textuelle que lui donne le vocabulaire des glossateurs et maîtres des 12e et 13e siècle. En lui préférant auctoritas, l’auteur signe son appartenance au 14e siècle. 
3.
      portiuncula désigne la partition artificielle d’une unité textuelle. Le mot prend deux sens dans le § 14:            
 segment quand il désigne la partie d’une sentence extraite par l’auteur de la table pour illustré un lemme.            
sous
partie quand il désigne la 6e partie du commentaire d’une péricope de la Catena que l’auteur de la table divise mentalement en fonction des six premières lettres de l’alphabet (a b c d e f), quelle que soit la longueur du commentaire de Thomas et le nombre des sentences de la division concernée, à la manière des concordances bibliques. Rappelons que les divisions de la Catena peuvent compter de 4 à une soixantaine de sentences. Je ne connais pas de témoin de la Catena où les sentences soient identifiables avec ce système de lettres ni avec une telle précision[33]. Pour permettre la référenciation scientifique qui faisait défaut jusqu’ici, la Catena aurea electronica est la première édition à proposer une numérotation continue des sentences, recommencée à chaque divisio textus.

L'édition

43.  J'édite et traduis le prologue intégralement. Pour la table proprement dite, accessible en format image par hyperliens, je me suis contenté de transcrire partiellement à titre d'exemples quelques lemmes et certaines entrées.  

44.  Pour faciliter les recherches informatiques, j'ai inséré entre crochets les graphies modernisées, soit à la suite des mots concernés soit, sous forme de renvoi, à la lettre de l'alphabet où le mot est attendu (par ex. Italia est à chercher sous "Ytalia", Christus à Xristus etc.).      
La table ne distingue pas les lettres U et V.     
Les chiffres romains sont convertis en chiffres arabes.

 



[1] Outre l’article fondamental consacré par Grabmann 1923 aux instruments de travail consacrés par le Moyen Âge à l’analyse du corpus thomasien, cf. M. Grabmann, Die geschichte der scholastischen methode, t. 2, Berlin, 1957, p. 83-94 ; Grabmann M.-7). Torrell 1993, p. 472 et R.-A. Gauthier, « Les « Articuli in quibus frater Thomas melius in Summa quam in Scriptis », Recherches de théologie ancienne et médiévale, 19 (1952), p. 271-326. Grabmann 1923 ne mentionne pas la table Fons ascendens. Pour la mise en table moderne des oeuvres de Thomas d’Aquin, cf. B.-G. Guyot, T. Sterli, « La Tabula aurea di Fra Pietro Maldura da Bergamo O.P. entro la storia del tomismo », Angelicum, 80, 2003, p. 597-660.

[2] Citons, parmi une littérature abondante, Etienne Anheim, « Le chancelier de l’université de Paris roberto de’ Bari et la curie au milieu du 14e siècle », dans ‘Universitas scolarium’. Mélanges offerts à Jacques Verger par ses anciens étudiants, réunis par Cédric Giraud et Martin Morard, Paris, 2011 (École pratique des Hautes études. Sciences historiques et philologiques 5), p. 507-528, en particulier, à propos de l’intérêt des milieux intellectuels du milieu du 14e siècle pour les tables et répertoires d’autorités, p. 509-519. À propos des tabule originalium au 13e siècle, voir D. A. Callus, « The Contribution to the Study of the Fathers made in the xiiith century Oxford Schools », Journal of Ecclesiastical History 5 (1954), p. 139-148 ; Id., «The Tabulae super Originalia Patrum of Robert Kilwardby O. P. », in: Studia mediaevalia in honorem admodum reverendi patris Raymundi Josephi Martin, Bruges, 1948, p. 243-270 ; Id., « New Manuscripts of Kilwardby’s Tabulae super originalia patrum », Dominican Studies 2 (1949), p. 38-45.

[3] V. g. Thomas de Aquino, Contra impugnantes Dei cultum et religionem, c. 2, § 3, Leonina 41A, p. 57: « Primo ergo inducatur auctoritas Hieronymi ad rusticum, quae habetur 16 qu., primo capitulo: sic vive in monasterio, ut clericus esse merearis: multo tempore disce ut postmodum doceas ».

[4] Le recours dominant à l’écriture cursive apparaît au 14e siècle à partir des années 1360 (Maria Gurrado, IRHT, communication orale, 4 mars 2021).

[5] Le recours dominant à l’écriture cursive apparaît au 14e siècle à partir des années 1360 (Maria Gurrado, IRHT, communication orale, 4 mars 2021).

[6]Édition: Morard 2008, p. 2595.7010: « ... secundo fecit aliam translacionem, non multum distantem a prima, et tamen magis appropinquantem hebraico. Et vocatur ‘Psalterium gallicanum’ eo quod Damasus papa ad rogatum Ieronimi illud fecit cantari in ecclesiis gallicanis. Propter hoc dicitur in regula frarum minorum: «Clerici faciant divinum officium secundum ordinem romane Ecclesie, excepto psalterio», quia fratres utuntur psalterio gallicano ».

[7] ubicumque capitulum hic debet esse psalterium add. sec. m. marg. sup.

[8] Le thème du dragon avalant un besant d’or se retrouve déjà, par exemple dans le Psautier d’Henri VIII (Branner 1977, fig. 382).

[9] Pour justifier cette datation paléographique effectuée à l’aveugle (sans information sur les éléments de critique interne), Maria Gurrado (IRHT) signale à mon attention 1° l’absence de cursivité qui exclut une datation dans la seconde moitié du 14e siècle ; 2° la survivance de s longs en milieu et fin de mots (bouts de ligne exceptés), faible mais significative (f. 74rb14, f. 79vb: quisquis). Leur usage régulier s’affaisse après 1315 et disparaît quasi totalement après 1336 ; voir par exemple Toulouse, BM, ms. 490, f. 374v2.4 et passim ; 3° la survivance, plus fréquente encore, de t à haste montante rases, qui s’élèvent peu au-dessus de la barre horizontale, caractéristiques du 13e siècle. Je remercie Maria Gurrado (IRHT) d’avoir attiré mon attention sur ces critères objectifs de mise en perspective chronologique du document.

[10] Voir ici: Tradition indirecte.

[11] Il faut distinguer ici l’origine de la table de son exécution manuscrite.

[12]Cf. Avril 1971, p. 249-264 ; Dondaine 1975, p. 127-152. Voir par exemple Paris, BnF, lat. 11935.

[13][Ce motif fait partie du vocabulaire original de Maci d’après Avril 1971, p. 259 et 260 n. 1 (par ex. Paris, BnF, lat. 4975, f. 96); il a fait école au 14e. siècle ;.

[14]Selon Branner 1977, p. 81, le dragon est une figure importée « clairement du nord » au 13e s. (Nord de la France et Flandres) ; mais notre dragon n’a rien à voir, sauf le nom, avec les dragons de l’iconographie parisienne de la fin du règne de Louis IX. Voir en revanche ici Catalogue des manuscrits de la Catena, Na3 et ici figure.

[15] Aux manuscrits identifiés par F. Avril, on peut, je crois, associer le supplément (f. 1-17v) ajouté au 14e siècle au ms. London, BL, Add. 23935, témoin des offices ecclésiastiques de la liturgie dominicaine à l’usage du maître de l’ordre, copié au début du 3e tiers du 13e siècle. Le rapprochement avec le style de Maci a échappé à tous jusqu’ici. Malgré l’absence du dragon et de l’aigle, il est caractéristique sinon de l’artiste lui-même, du moins d’un émule travaillant à son école, comme l’indique la présence de demi-fleurs de lys sur les bande d’I (f. 7, 15v etc.). Or les ajouts liturgiques de ce cahier relèvent de décisions capitulaires datables avec précision qui permettent de poser des jalons chronologiques nouveaux. D’après le tableau analytique de M. Huglo, la plus récente de ces additions correspond à une prescription du chapitre général de 1262 (Antoine de Padoue), la plus tardive de 1355/1357: saint Procope. A part deux additions des années 1355/1357, les fêtes de ce supplément ont été promulguées dans les années 1330-1340 (cf. M. Huglo, « Comparaison du ‘Prototype’ du couvent Saint-Jacques de Paris avec l’exemplaire personnel du maître de l’ordre des prêcheurs », dans Boyle-Gy 2004, p. 197-214). L’absence de la fête de la translation de Thomas à Toulouse (1369/1376) fixe le terminus ante quo. Fr. Avril pensait que 1345 correspondait à la fin de la carrière de Jacques Maci. Le ms. Add. 23935 la prolonge encore de 10 ans, à moins qu’il ne s’agisse, ce qui est plus probable, de l’oeuvre d’un apprenti analogue au « Laurent » qui signe avec lui le ms. BAV, Rossi, 259 (cf. Avril 1971, p. 256).

[16] BAV, Rossi., 259, f. 283r-306, attribué f. 303v.

[17] D. Trapp, V. Marcolino et alii, ed., Gregorii Ariminensis OESA Lectura super primum et secundum Sententiarum, 6 vol., Berlin-New-York, 1981-1987.

[18]Pau, AD des Pyrénées-Atlantiques, H 55 ; éd. Laurent 1932, p. 107-111 ; cf. Morard 2015b.

[19] Pau, AD des Pyrénées-Atlantiques, H 60 ; éd. Laurent 1932, p. 114-143 ; cf. Morard 2015c.

[20] Pau, AD des Pyrénées-Atlantiques, H 60 ; éd. Laurent 1932, p. 143-154 ; cf. Morard2015d.

[21] Cf. Williman (Daniel), Bibliothèques ecclésiastiques au temps de la Papauté d’Avignon. I. i. Inventaires de bibliothèques et mentions de livres dans les Archives du Vatican (1287-1420) - Répertoire ; ii. Inventaires de prélats et de clercs non français - Edition, index établis par Marie-Henriette Jullien de Pommerol, Paris, 1980 (DER, 20 ; HBM, 3). Jullien de Pommerol (Marie-Henriette) - † Monfrin (Jacques), Bibliothèques ecclésiastiques au temps de la Papauté d’Avignon. II. Inventaires de prélats et de clercs français - Edition, Paris, 2001 (DER, 61 ; HBM, 12).

[22] La provenance dominicaine du manuscrit indiquée par Auguste Molinié dans le Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques publiques de France, Paris, t. 7, 1885 n’est confirmée par aucun document ancien.

[23]Toulouse, BM, 883, éd. M. Morard, 2021, à paraître dans le Corpus des inventaires anciens de la France médiévale (libraria.fr). Sur cette bibliothèque, son histoire et ses sources, cf. Morard 2013.

[24]Morard 2013 (« La bibliothèque évaporée... » et  notre étude inédite « D’une bibliothèque à l’autre. Les leçons sur la Bible de frère Dominique Grima (Toulouse, 1319) ».

[25]Il s’agit de notre T46. Le catalogue ne mentionne que la Catena sur Jean et aucune édition imprimée ; cf. Catalogue alphabétique pour trouver facilement les livres qui sont dans la bibliothèque, à Toulouse, 1764, p. 51 (manuscrit conservé aux Archives départementales de la Haute Garonne, fonds des Augustins, H-127); les autres manuscrits jugés importants sont catalogués à part, ibid. p. 274-275.

[26]Processus canonizationis Neapoli, éd. Laurent, RT, n. 84: « Item dixit dictus testis quod de vita, conversatione, doctrina et sanctitate dicti fratris Thome est vox et fama publica, quasi ubicumque, per Regnum, specialiter apud magnates, bonos et litteratos viros, et quasi communiter maior pars bonorum virorum et intelligentium dicti Regni credit, tenet et sentit quod dictus frater Thomas fuerit vir Dei electus, doctor egregius, virgo, purus et integer, humilis et devotus et a quibuslibet implicationibus secularibus abstractus ».

[27]Ed. D. M. Prümmer, Saint Maximin, 1931, p. 1 ; par ex. Ecclesiastica officia, addition à l’exemplaire du maître de l’ordre dominicain, London, BL, Add. 23935, f. 18ra-18v. Je transcris la première phrase de la première leçon reprise de Bernard Gui, hormis les mots en italiques: « Beatus [Sanctus P1052] Sanctus Thomas de Aquino ordinis fratrum Praedicatorum doctor egregius, de illustri prosapia comitum Aquinorum in confinibus Campanie et regni Sicilie originem, claram duxit. Hujus sancti ortus et vite progressus; anteque ex utero nasceretur fuit divinitus premonstratus » = Bréviaire de Charles V (BnF, lat.1052, f. 348v-349). Pour la date de 1333, cf. Bonniwel 1945, p. 235.

[28] Cf. Morard 2000, Morard 2006b

[29] Il y aurait matière à étudier le goût de Thomas pour l’hydrographie qui l’aurai conduit jusqu’à commencer un traité sur l’art des aqueducs, comme le signale la lettre de condoléance adressée par la faculté des arts de Paris au chapitre général de Lyon (2 mai 1274) : « ... quedam scripta ad philosophia spectantia, Parisius inchoata ab eo, in suo recessu reliquerit imperfecta [...] ... nobis benivolentia vestra cito communicari procuret et specialiter [...] De aquarum conductibus et ingeniis erigendis, de quibus nobis mittendis speciali promissione fecerat mentionem » (ed. M. H. Laurent, Fontes vitae S. Thomae Aquinatis notis historicis et criticis illustrati, 6: Documenta, Revue Thomiste, Saint Maximin, 1937 § 31, p. 585).

[30]Cf. A. Minnis, Medieval Theory of Autorship. Scholastic literary attitudes in the later Middle Age, [London, Scolar Press, 1984], 2e éd., Aldershot, 1988.

[31][29] Cf. édition dans Castaño 1790, p. 128-129 ; cf. t. 7 : Toledo, Castilla-La Mancha, ms. 220, f. 11r, prov. OFM (San Juan de los Reyes de Toledo).

[32] Voir Dominique Grima, Principium biblicum, § 2.3.1 et CMTprol.33 in: M. Morard, « Domique Grima ou l’Ecriture sainte en ses traditions: d’une bibliothèque à l’autre » (inédit).

[33]L’édition Piana (Ed1570) divise les feuillets – et non les péricopes - par les 10 premières lettres de la Catena (A-K) dans l’entrecolonne, mais ne propose pas de tables propres à la Catena.


Comment citer cette page ?
Martin Morard, La Table ‘Fons ascendens’ : une lemmatisation théologique médiévale de la Catena aurea. Introduction histoire et édition partielle (Toulouse, BM, ms. 47, 14e siècle) in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 02/05/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=154)