Les extensions du Psautier glosé : le symbole 'Quicumque'

page rédigée par : M. Morard, créée le : 27.4.2023 ; dernière mise à jour : 15.5.2023

©Hildesheim, Dombibliothek, Psautier de St-Alban, f. 399r

Le symbole Quicumque*, est une profession de foi anonyme, attribuée dès le vie siècle à saint Athanase d’Alexandrie (†373). Ce symbole très développé explicite la foi trinitaire et le dogme christologique dans un style simple et axiomatique. Césaire d’Arles (†542) l’insère dans la préface du recueil de sermons destinés à la cathéchèse paroissiale qu’il fait pour son clergé, recommandant de la lire fréquemment et de la faire connaître.

usages : Ce symbole  fait partie intégrante de l’ordinaire de l’office de prime du cursus romain (clergé séculier, chanoines, ordres mendiants) et monastique de la liturgie des heures de tout l’Occident jusqu’au concile Vatican II. La règle de saint Benoît ne le mentione pas. La fréquence de sa récitation a varié selon les diocèses et les temps. Il est récité

1. quotidiennement chez les moines et les chanoines à partir du 10e qui le récitent avec les Psaumes en semaine et à la place du symbole baptismal avec les preces le dimanche où la psalmodie des petites heures est empruntée au Ps. 118. Les clunisiens ont observé cet usage jusqu’au 10e siècle, les chartreux jusqu’à nos jours[1].

2. dans le cadre de la liturgie dominicale et festive, sauf durant l’octave de Pâques par le clergé séculier et les congrégations de type canonial, y compris les ordres mendiants[2].

Prévôtin de Crémone fait observer au début du 13e siècle, à Paris, qu’il n’est pas chanté dans tous les diocèses « conformément à l’ordo primitif de l’office »[3].

A partir d’Amalaire (†850), il était psalmodié sans antienne mais sous forme alternée, à la manière des Psaumes et pièces psalmodiées assimilées.

codicologie : Les Psautiers manuels augmentés, destinés à la récitation quotidienne du Psautier intégral tiennent lieu d’ordinaire de la liturgie des heures bien au-dela de la vulgarisation de l’usage du bréviaire. Au plus tard à la période carolingienne, il a donc été intégré aux libelli precum et surtout aux psautiers manuels augmentés, en raison de son mode d’exécution et de son appartenance à l’ordinaire de l’office. Le symbole y fait suite aux cantiques bibliques vétérotestamentaires de Laudes, aux cantiques du Nouveau Testament ainsi qu’aux hymnes assimilées (Te Deum, Gloria de la messe), à l’oraison dominicale (Notre Père) et aux autres symboles de foi (Symbole des apôtres et de Nicée Constantinople). Copié sur les derniers feuillets des psautiers, il y est souvent dégradé, mutilé, incomplet ou perdu.

texte et éditions : Une édition critique du texte a été procurée par Turner à partir d’une douzaine de témoins antérieurs à 850  : C. H. Turner, « A Critical Text Of The ‘Quicumque Vult », The Iournal of Theological Studies 11, n. 43 (1910), p. 401–411. Ce texte est à compléter par les leçons relevées dans un témoin complémentaires par  Valerie M. Lagorio, « The text of the ‘Quicumque vult’ in codex Ottob. Lat. 663 », The Iournal of Theological Studies 25, no. 1 (1974), p. 127–129.

Pour le Moyen-Âge central, j’édite à la suite du Psautier de la Bible latine du Moyen-Âge tardif (Biblia Communis, sigle BIC) le texte d’usage établi à partir de 7 témoins

stichométrie :

1.       L’édition Turner divise le texte en 22 paragraphes non numérotées et en 42 propositions numérotées.

2.       L’édition Sacra Pagina reproduit reprend la numérotation Turner, mais reproduit la division en versets de l’usage liturgique attesté par les témoins concernés. Elle ne présente que deux variations :
19+20 = forment 1 verset sauf pour Gz748 (psautier glosé) qui les distingue ;       
25+26 forment  1 verset sauf pour Fi179 qui les distingue.

3.       nous indiquons la ponctuation médiante et finale des manuscrits collationnés en privilégiant le consensus des liturgies cisterciennes et dominicaines.

titres :

Césaire donne au symbole  le titre de Fides catholica sancti Athanasii episcopi, d’où les titres qu’il a reçu de Fides catholica, Foi catholique, Expositio catholicae fidei[5], Canticum ou Symbolum Athanasii, Firmiter, Symbolum sancti Athanasi, Fides (sancti) Athanasii... 

Au Moyen Âge central, le symbole ne porte pas toujours de titre. Il arrive qu’il soit simplement qualifié de «psalmus» en raison de son mode de récitation[6]. Le plus souvent, son incipit suffit à le désigner : «Quicumque vult salvus esse ante omnia opus est ut catholicam fidem teneat »[7].

Les témoins collationnés par Turner et notre éditions portent les titres suivants (par ordre chronologique) :

9             Exemplar fidei catholicae sancti Athanasii episcopi r

9              Fides catholica sancti Athanasii episcopi : R = Hilaire de Poitiers

9             Fides sancti Athanasii  episcopi Alexandriae : C

9              Fides sancti Athanasii episcopi Alexandrini : l

9              Incipit exemplar fidei catholicae sancti Atanasi episcopi Alexandrinae Ecclesiae : F f

9              Incipit fides catholica beati Athanasi episcopi : L

9              Incipit fides catholica quam sanctus Athanasius dictavit : V

9              Incipit fides catholicam U

11-4/4    A sancto Athanasio episcopo est hec fides catholica : D30

12-2/2    Fides catholica sancti Athanasii Alexandrini episcopi Fi173

12-2/3    Fides catholica secundum Athanasium Hi

13-3/4    Psalmus ΩP

13-3/4  <sine titulo> Δ

 

commentaires : Par mimétisme, il a aussi été copié à la fin des psautiers glosés  de première génération, et même de certains exemplaires de la Glossa parva et de la Glossa magna sur les Psaumes dans lesquels il est assorti de commentaires souvent lacunaires, parfois très brefs, parfois plus prolixe. Le matériau exégétique des exemplaires glosés du Quicumque  attend encore une étude sérielle. A titre indicatif le Repertorium biblicum, t. 11, p. 350-352 signale 47 incipit différents de commentaires du Quicumque répartis en plus de 50 entrées, jusqu'à la fin du 15e siècle. Le commentaire de Bruno de Würzburg a souvent servi de sources aux gloses marginales du Quicumque. L’origine des gloses interlinéaires est plus variable.

Pour faciliter aux catalogueurs le repérage et l’identification du matériau exégétique des exemplaires manuscrits, i’en  reproduis ici deux versions la version carolingienne de Bruno de Würzburg et le commentaire de Simon Tournai.         
Bruno de Würzburg (Herbipolensis) : Repertorium biblicum, n° 1837 : Un des commentaires parmi les plus anciens du symbole Quicumque, ed. PG 28, 1595-1604; PL 142, 557-568.      
Simon de Tournai : Repertorium biblicum, n° 7691 : Je donne aussi  ici quelques extraits du commentaire de Simon de Tournai dans la version Cas210,p. 367-372 et 207-21 (relié par erreur avant le début du texte). Ce manuscrit composite, d’assemblage moderne (17e s.) contient le commentaire des Psaumes Flebat Iohannes de Pierre le Chantre (Repertorium biblicum, n° 6475 ). La dernière unité codicologique contient les cantiques bibliques de laudes glosés auxquels ont été aioutés, par une autre main, un  commentaire anonyme du Quicumque identifié avec celui de Simon de Tournai. Son éditeur N. Häring ne semble pas avoir noté que ce même commentaire a été également diffusé par le véhicule des Psautiers glosés.

histoire et attribution : Cf. G. Morin, « L’origine du Symbole d’Athanase »,  The Iournal of Theological Studies 12, n. 46 (1911), p. 161–190. Martene, De antiquis ritibus Ecclesiae, lib. 1.4.10, p. 17a, 8, p. 19. M. Laporte, Aux sources de la vie cartusienne, t. 5 : Commentaire des Coutumes de Chartreuse, 7.3, Grande Chartreuse, p. 123-124. Notice rédigée d’après M. Morard, La harpe des clercs, thèse de doctorat, Paris-IV Sorbonne, 2008, 1 : Le livre des Psaumes, chap. 2 : Morphologie du Psautier médiéval, 2.9 : ajouts et extension.



[1] Depuis les réformes de Vatican II il peut être remplacé par un autre symbole de foi.

[2] Par exemple, Ecclesiastica officia OP, Breviarium: Dom. Ia post Epiphaniam (Roma, Santa Sabina, XIV-L-1, f. 93vb) ; Exemplaire portatif London, BL, Add. 23935, Ordinarium, f. 25va : «Quicumque vult dicatur semper in dominicis nisi festum ‘totum duplex’ evenerit».

[3] Prévôtin de Crémone, Tractatus de officiis, 4, 10 (1969, p. 220.74) : « Non tamen in omnibus ecclesiis cantatur Quicumque vult ex primaria institutione ».

[4] P. Stirnemann, « Quand le programme fait fausse route : les psautiers de Saint-Alban et de saint Louis », Cahiers du Léopard d’Or, 12 (2011), p. 165-168 ; voir aussi ead., « The St Albans Psalter : One Man’s Spiritual Journey » in : dans Der Albani-Psalter. Stand und Perspektiven der Forschung. The St Albans Psalter. Current Researchand Perspectives, ed. Joschen Beplet, Christian Heitzmann, Zürich – New-York, 2013, p. 96-129.

[5] Concilium Aachen (Aix), a. 809 – eMGH Conc. 2, Suppl. 2, Arnonis Salisburgensis testimonia ex sacris voluminibus collecta, p. 268.7 : « VIIII. Auctor Athanasius 26. Beatus igitur Athanasius reverentissimus Alexandriae urbis episcopus, qui summo eiusdem urbis pontifici Alexandro suo etiam praeceptori devotus adiutor in Niceno fuit concilio, in expositione catholicae fidei quam ipse egregius doctor conscripsit et quam universalis confitetur ecclesia, processionem spiritus sancti a patre et filio declarat ita dicens: Pater a nullo est factus nec creatus nec genitus; filius a patre solo est, non factus nec creatus, sed genitus; spiritus sanctus a patre et filio non factus nec creatus nec genitus, sed procedens ». > Anon., Speculum Ecclesiae, 3.6.2., éd. Andrea Pistoia, dactyl., thèse EPHE, Paris, 2023, p. 315.

[6] Cf. Raimond Lulle, Liber super Psalmum Quicumque seu liber Tartari et Christiani, composé à Rome en 1285 (RB-07156,4).

[7] Caesarius Arelatensis, Sermones Caesarii uel ex aliis fontibus hausti, sermo 2, Praefatio libri sermonum (SL 103, l. 34). – Canticum Athanasii: v. g. Prévôtin de Crémone, Tractatus de officiis, 4, 10 (1969, p. 220.74); Fides sancti Athanasii: v. g. Concilium Leudegarii (a. 663-680) (SL 148A, p. 319.1); Casa Generalizia dei Padri Maristi, cote inconnue, f. 109v et 114v: Lyon, 798-814; Köln, Dombibl. 015, f. 276r: Autriche, 1150 c. (psautier de bréviaire); Foi catholique: Lyon, Bibl. Univ., section Médecine, H 43/n°47: «Li Psalmes en romant, que ont dit la foy catholique», et passim. Editions: C. H. Turner, éd., «Symbolum Athanasianum», Journal of Theol. Studies, 9 (1909), p. 401-411; cf. Mansi 2, col. 1355; PL 88, 586A; Denzinger-Schoemetzer, n. 75-76; cf. Bloomfield.


Comment citer cette page ?
Martin Morard, Les extensions du Psautier glosé : le symbole 'Quicumque' in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 02/05/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=168)