Les extensions du Psautier glosé : le symbole 'Quicumque'

page rédigée par : M. Morard, créée le : 27.4.2023 ; dernière mise à jour : 25.11.2024 (version 5)

©Hildesheim, Dombibliothek, Psautier de St-Alban, f. 399r

Le symbole Quicumque*, est une profession de foi anonyme, attribuée dès le vie siècle à saint Athanase d’Alexandrie (†373)[1]. Ce symbole très développé explicite la foi trinitaire et le dogme christologique dans un style simple et axiomatique. Césaire d’Arles (†542) l’insère dans la préface du recueil de sermons destinés à la cathéchèse paroissiale qu’il fait pour son clergé, recommandant de le lire fréquemment et de la faire connaître[2].

usages : Ce symbole  fait partie intégrante de l’ordinaire de l’office de prime du cursus de la liturgie des heures tant à l’office monastique qu’à l’office romain (clergé séculier, chanoines, ordres mendiants), dans tout l’Occident latin jusqu’au concile Vatican II. La règle de saint Benoît ne le mentione pas.

La fréquence et les occasions de sa récitation ont varié selon les diocèses, les ordres, et les temps. Il est récité à Prime:

1. Quicumque quotidien. Les moines et les chanoines à partir du 10e siècle  le récitent le Quicumque chaque jour à la fin de la psalmodie des Psaumes en semaine, et à la place du symbole baptismal ou symbole des apôtres (Credo in Deum) avec les preces le dimanche où la psalmodie des petites heures est empruntée au Ps. 118. Les clunisiens ont observé cet usage du jusqu’au 10e siècle, les chartreux jusqu’à nos jours[3].

2. Quicumque dominical. Le clergé séculier et les congrégations de type canonial, y compris les ordres mendiants, en réservent l’usage à la liturgie dominicale et festive, sauf durant l’octave de Pâques[4].

A partir d’Amalaire (†850), il était psalmodié sans antienne mais sous forme alternée, à la manière des Psaumes et pièces psalmodiées assimilées[5]. Prévôtin de Crémone fait observer au début du 13e siècle, à Paris, qu’il n’est pas chanté dans tous les diocèses « conformément à l’ordo primitif de l’office ». Ce qui suppose que sa récitation était considérée comme de tradition, mais que l’observance s’était relachée[6].

codicologie : Les Psautiers manuels augmentés, destinés à la récitation quotidienne du Psautier intégral tiennent lieu d’ordinaire de la liturgie des heures bien au-dela de la vulgarisation de l’usage du bréviaire. Au plus tard à la période carolingienne, il a donc été intégré aux libelli precum et surtout aux psautiers manuels augmentés, en raison de son mode d’exécution et de son appartenance à l’ordinaire de l’office. Le symbole y fait suite aux cantiques bibliques vétérotestamentaires de Laudes, aux cantiques du Nouveau Testament ainsi qu’aux hymnes assimilées (Te Deum, Gloria de la messe), à l’oraison dominicale (Notre Père) et aux autres symboles de foi (Symbole des apôtres et de Nicée Constantinople). Copié sur les derniers feuillets des psautiers, il y est souvent dégradé, mutilé, incomplet ou perdu.

texte et éditions : Une édition critique du texte a été procurée par Turner à partir d’une douzaine de témoins antérieurs à 850  :

Ed1896 : ed. E. A. Burn, in The Athanasian Creed and its Early Centuries, Cambridge, 1896, p. 4-6.

Ed1910 : C. H. Turner, « A Critical Text Of The ‘Quicumque Vult », The Iournal of Theological Studies 11, n. 43 (1910), p. 401–411.

Ed1974 : Ce texte est à compléter par les leçons relevées dans un témoin complémentaires par  Valerie M. Lagorio, « The text of the ‘Quicumque vult’ in codex Ottob. Lat. 663 », The Iournal of Theological Studies 25, no. 1 (1974), p. 127–129.

Cf. A. E. Burn, An Introduction to the Creeds and to the Te Deum, London, 1899.

Pour le Moyen-Âge central, j’édite à la suite du Psautier de la Bible latine du Moyen-Âge tardif (Biblia Communis) le texte d’usage établi à partir de 7 témoins ainsi que quelques gloses associéesn dans le but de faciliter le catalogage et le classement des versions glosées qui circulent avec d’assez nombreux Psautiers glosés augmentés, certains exemplaires de la Glose ordinaires, de la Glossa media (Klo815) et même de la Glossa magna.  

Textus :

manuscrits collationés pour l’édition Sacra Pagina (gloss-e)


1.  CP341 (12e siècle 2/3) : psautier manuel glosé de Rebdorf (collationné le f. 167v)

2.   Re4 (9e siècle 4/4) : psautier manuel de St-Thierry de Reims ;

3. R2B5 (10e siècle) : psautier manuel insulaire avec glose latine marginale et traduction interlinéaire en vieil anglais.

4. D30 (131v-132v) : Molesmes, s11 4/4. Psautier de Robert de Molesmes, quasi prototype pour la liturgie cistercienne, à partir de la fin du 12e s

5. Hi : Psautier dit de Saint-Alban ou Hildeshein. Initialement daté entre 1135 et 1146[7].

6. Gz748 : Psautier glosé, Italie, s12 2/3

7. Fi173 (141v-142v) : psautier manuel abbatial, Italie s12 2/3 ;

9. Nal2195 : Paris, BnF, NAL, 2195, psalterium quadruplex auctum, Saint-Martin de Tournai, 1105, f. 117r : sparsim contuli

  1. Utrecht, Bibliotheek der Rijksuniversiteit 32, f.90v
  2. ΩP (221r) : France (N), s13 ¾ : office de prime séculier d’un diocèse du Nord de la France intégré de première main au psautier de la Bible Porta.
  3. Δ = Ecclesiastica officia ordinis predicatorum secundum editionem Magistri Humberti de Romans =
    • ω1 (Roma, Santa Sabina, f. 84vb)
    • ω² (exemplaire du maître de l’ordre, London, BL, Add. ms. 23935, f 138vb-139ra : Paris, 1260-1270 c.

Glossa ou commentaires associés:

<Glossa anglicana> R2B5 f. 184-188       
<Glossa parva italica> locatim contuli Gz748. -   
<Glossa germanica> locatim contuli CP341 (collationné  interl. f. 167v)  
<commentarius Brunonis Herbipolensis>  PL 142, 561B-568.
<commentarius Simonis Tornacensis> Cas210 ; Ed2 = Häring, N. M., « Simon Of Tournai’s Commentary On The So-Called Athanasian Creed », Archives d’histoire Doctrinale et Littéraire Du Moyen Âge, 43 (1976), p. 135–199. – Ed1 : Ed. Florilegium Bibliothecae Casinensis, t. 4, 1880, p. 322-346.

A identifier : Kobenhague, KRB, Fragm. 2044 (fragment d’un commentaire du Quicumque datable du 12e siècle)

En préparation :

<commentarius Gilberti> RB-2532 : Klosterneuburg, Augustiner-Chorherrenstift, Cod. 815, f. 145-149, attribué à Gilbert de la Porrée : « R<ubrica> : Incipit expositio magistri Gilberti in Quicumque vult. Ad heresim compescendam et fidem cathilicam defendendam, synodales conventus celebrari Papa Silvester instituit.... - ... quem misit salvare mundum » (d’après RB). Ed.: N.M. Häring, A Commentary on the Pseudo-Athanasian Creed by Gilbert of Poitiers. Mediaeval Studies 27 (1965): 23-30, éd. 30-53. L’attribution ne semble pas authentique. Tout au plus pourrait-on considérer ce commentaire comme le fait d’un disciple ou comme un écrit de jeunesse de Gilbert. Son éditeur n’y retrouve pas le style de Gilbert (cet argument me paraît décisif, tant le style de cet auteur est unique et facilement reconnaissable à sa façon de paraphraser les textes qu’il commente)[8]. L’édition électronique normalise les graphies du ms. unique ; celles qui sont susceptibles d’être signifiantes sont signalées en note (le ms. écrit toujours simbolum, sinodus nihil, etc...).



[1] Une attribution presque homonyme à « Anasthase », circulait au 12e siècle. Cf. Glossa gilbertina in Quicumque § 5 (Anasthase évêque d’Aquilée), et (1182 c.). Ioannes Beleth, Summa de divinis officiis, c. 40, CCCM 41A, p. 75.34-36: « Secundum est, quod in prima dicitur, scilicet Quicunque uult ab Athanasio Alexandrino patriarcha compositum contra hereticos Arrianos, nec fuit Anastasius, ut quidam mentiuntur, immo Athanasius ». Cf. Glossa germanica (Psautier de Rebdorf), § 1 : « ... a beato Anastasio (!) Alexandrino conscripta » ; Sept manuscrits sur 9 du commentaire de Simon de Tournai écrivent aussi Anasthase d’Alexandrie. Seul la Glossa gilbertina, qui est un unicum, fait référence à un auteur qui aurait été évêque d’Aquilée. [MM2024]

[2] Caesar Arelatensis, Sermo 244, PL 39, 2194-2196.

[3] Depuis les réformes de Vatican II il peut être remplacé par un autre symbole de foi.

[4] Par exemple, Ecclesiastica officia OP, Breviarium: Dom. Ia post Epiphaniam (Roma, Santa Sabina, XIV-L-1, f. 93vb) ; Exemplaire portatif London, BL, Add. 23935, Ordinarium, f. 25va : «Quicumque vult dicatur semper in dominicis nisi festum ‘totum duplex’ evenerit».

[5] Pour plus de détails sur la diversité des modalités d’exécution de Quicumque, cf. Waterland 1728, p.

[6] Prévôtin de Crémone, Tractatus de officiis, 4, 10 (1969, p. 220.74) : « Non tamen in omnibus ecclesiis cantatur Quicumque vult ex primaria institutione ».

[7] P. Stirnemann, « Quand le programme fait fausse route : les psautiers de Saint-Alban et de saint Louis », Cahiers du Léopard d’Or, 12 (2011), p. 165-168 ; voir aussi ead., « The St Albans Psalter : One Man’s Spiritual Journey » in : dans Der Albani-Psalter. Stand und Perspektiven der Forschung. The St Albans Psalter. Current Researchand Perspectives, ed. Joschen Beplet, Christian Heitzmann, Zürich – New-York, 2013, p. 96-129.

[8] Häring 1965, p. 23-24.


Comment citer cette page ?
Martin Morard, Les extensions du Psautier glosé : le symbole 'Quicumque' in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2025. Consultation du 02/04/2025. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=168)