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Absent du Psautier canonique hébreu, le Psaume Pusillus eram (voir texte ci-après) est constamment attesté dans les manuscrits grecs de la LXX. Il a par contre été retrouvé à Qumran (11QPSa = 11Q5 col. 28) dans un psautier qui comprend d’autres compositions deutérocanoniques, sous la forme d’une composition hébraïque plus longue que la version grecque, placée à la suite d’autres psaumes apocryphes mais qui conclut le rouleau. Seuls les versets 2 à 5 y correspondent au texte grec[1][18]. Le titre grec, qui en fait le seul Psaume «autographe» (’ιδιόγραφος) de David et le désigne comme «hors-nombre», est remplacé par «Alleluia, de David fils de Jessé» (les Esséniens attribuaient en effet à David la composition de quelque trois mille six cents psaumes)[2].
Ce psaume, certainement postérieur à l’exil babylonien, appartient à la littérature intertestamentaire née de la rencontre des cultures hébraïque et grecque. En le plaçant à la fin du psautier, alors qu’il s’agit du seul psaume dont un verset évoque explicitement le rôle de David dans la rédaction du psautier, la LXX lui assigne le rôle d’une quasi signature[3][20], rôle parfaitement saisi par l’éditeur du psautier de Nonantola qui remplace le titre traditionnel par «Titulus in libro ipsius David» (Va84). Mais l’absence de mention de son caractère surnuméraire dans la version essénienne et le style du titre gréco-latin – qui tranche avec celui des titres bibliques traduits de l’hébreu – suggèrent une réécriture du titre postérieure à la première rédaction du psaume. Entreprise peut-être à l’occasion d’une restructuration du psautier, elle eut pour conséquence de repousser Pusillus au-delà de la cent cinquantième division canonique, alors qu’auparavant il était inclus dans ce nombre. L’argument des commentaires du Moyen Âge n’est donc pas un pas de clerc, puisque la critique moderne est arrivée à la même explication de la fonction initiale de ce poème.
En domaine chrétien, grec, saint Athanase est le premier à citer le Ps. 151 au ive siècle[4][21]. Transmis non seulement par la plupart des psautiers grecs, il se retrouve dans la tradition copte[5][22] et Syro-Hexaplaire. Son passage au monde latin remonte aux premières traductions pré-hiéronymiennes, africaines ou italiennes (Ps-α et Ps-γ de nos apparats). Pourtant saint Jérôme n’en fait jamais état dans ses écrits et le Ps. 151 ne fait pas partie du texte du Psautier gallican[6][23].
L’analyse de près de étude de d’une centaine de témoins dont je donne ici la liste (non exhaustive, mais qui inclut tous les manuscrits des éditions critiques des trois psautiers gallican, romain, iuxta Hebreos et wisigothico-mozarabe[7][24]) permet de mieux comprendre son histoire et les remarques des commentateurs médiévaux.
Tradition manuscrite latine du Ps. 151 (répartition par versions)
|
mss.[8][25] |
vetus latina |
Ps.-R |
Ps.-G |
Ps.-MO |
Ps.-H |
vie-viie s.: |
2 |
2 |
|
|
|
|
viiie s.: |
6 |
|
2 |
2 |
1 |
1 |
ixe s.: |
20 |
1 (Ps.-Mi) |
1 |
19 |
|
1 |
xe s.: |
15 |
|
1 |
6 |
7 |
2 |
xie s.: |
13 |
|
2 |
8 |
3 |
|
xiie s.: |
17 |
|
4 |
13 |
|
5 |
xiiie s.: |
12 |
|
1 |
8 |
|
2 |
xive s.: |
1 |
|
|
1 |
|
1 |
xve s.: |
7 |
|
1 |
5 |
|
1 |
Total |
102 |
3 |
11 |
62+3[9][26] |
11+[10][27] |
13 |
D’après ce tableau, Pusillus eram est associé quasi simultanément à quatre versions latines différentes (Ps.-Africain, Ps.-H, Ps.-R, Ps.-Mo) avant d’être intégré au Ps.-G auquel il sera majoritairement attaché à partir de la fin du viiie siècle. Dans six témoins antérieurs au xiie siècle (A S K T B X), le Ps. 151 clôt le Ps.-R mais les rares commentateurs du Psautier romain de cette époque, Bruno de Segni par exemple, ne le mentionnent même pas et il est ignoré du cursus des psalmodies latines liturgiques et dévotionnelles[11][28]. Par contre, on le trouve dans 13 témoins à la suite du psautier Iuxta Hebreos La tradition est inaugurée par l’Amiatinus dès le début du viiie siècle. Par la suite, Pusillus sera copié avec Ps.-H plus souvent qu’avec le Ps.-R mais l’écart est trop peu important et le recensement des témoins encore trop incomplet pour qu’on puisse tirer des conclusions définitives. Son intégration dans la Bible d’Alcuin (Ps.-G), originaire de Northumbrie comme l’Amiatinus, lui a assuré une forte latinisation autant qu’une large diffusion avec le psautier gallican.
Voilà cependant qu’au titre originel est ajoutée une étrange mise en garde qui n’est pas propre à Alcuin: «On ne trouve pas ce psaume dans les manuscrits hébreux et il n’a pas non plus été édité par les LXX; il faut donc le rejeter»[12][29].
De fait, on constatera un siècle plus tard (vers 909) l’absence du texte grec du psaume 151 dans la quatrième colonne des psautiers quadruples de Salomon III de St-Gall; le Psaume y est intégré au Ps.-G[13][30]. La mise en garde s’adressait sans doute davantage aux liturgistes qu’aux copistes, mais il se peut aussi que par «LXX» il faille entendre le Psautier romain, conformément à ce qu’on a vu plus-haut au sujet des traductions[14].
Malgré la monition carolingienne, Pusillus latin continua de circuler, y compris avec son titre pur. Cependant il semble que la dépréciation critique impliquée par l’interpolation qui vient d’être rapportée conduisit à une mise à l’écart plus fréquente. Au milieu du Moyen Âge, la confusion paraît totale au sujet de son origine. Plusieurs psautiers multiples copient le Psaume 151 à la suite des trois versions hiéronymiennes, tantôt avec d’infimes variantes – tel ce psautier triple de Cambridge (liste n°66#) où ne sont repérables que trois divergences mineures[15][32] – tantôt dans trois versions distinctes, comme dans l’exemplaire cistercien du psautier quadruple de Salomon III conservé à Graz, où quelques leçons nouvelles, réparties entre les trois psautiers hiéronymiens, sont empruntées aux variantes repérables dans la tradition antérieure[16][33].
Peu à peu, la stabilité liturgique et une meilleure connaissance du texte grec rendirent caduque la monition carolingienne qui cessa alors d’être attestée[17][34]. La translittération du texte grec est même de retour dans la quatrième colonne du psautier quadruple de St-Amand (Valenciennes, BM 14) copié entre 1143 et 1150 ; elle s’y étale sur la largeur des deux colonnes du Ps.-G et du Ps.-R, sans équivalent dans la colonne du Ps.-H. À partir de la seconde moitié du xiie siècle, le psaume est de plus en plus associé au Ps.-H; on verra qu’il y a là une possible coïncidence avec certains usages de la communauté juive.
Si on observe aucun consensus au sujet de l’origine de la version latine à laquelle le Ps. 151 appartenait à son origine (Ps-R, Ps-G ou Ps-H), sa quasi exclusion du standar des bibles à la mode de Paris et des instruments du travail théologique vaut accord. Les correctoires du Psautier, dès le dernier tiers du xiie siècle, l’ignorent totalement. La liturgie romano-franque a sans doute fortement contribué à cette mise à l’écart qui sera confirmée par l'édition Sixto-Clémentine.
La péninsule espagnole paraît plus homogène. C’est là, pour commencer, que se situe la première attestation littéraire du Psaume, entre les lignes d’un poème de Prudence, né sur les bords de l’Ebre (†405)[18][35]. La version wisigothique est la seule dont quasiment tous les témoins anciens reproduisent le Ps. 151. On le retrouve à la suite de 10 psautiers wisigothiques sur 19 (dont 9 du xe / xie siècle), 4 Ps.-H et autant de Ps.-G copiés en Espagne, mais aucun Ps.-R avant le xve siècle[19][36]. Le titre interpolé de la version alcuinienne, qui jetait le discrédit sur le Psaume, n’y a pas été reçu. L’Espagne n’a toutefois pour elle ni l’ancienneté des manuscrits proprement dite, ni la spécificité des leçons (hormis les variantes des notes 544, 560, 566 qui attestent une certaine proximité avec les versions vieilles latines). Je ne crois pas qu’on puisse soutenir, avec l’éditeur du Psautier wisigothico-mozarabe, que le Ps. 151 appartienne davantage à la tradition espagnole qu’à celle du Ps.-G[20][37]. Tout au plus l’Espagne wisigothique a-t-elle conservé un état ancien du texte. Mais dès la reconquista et l’adoption en Espagne des principes de la réforme grégorienne et de la liturgie romaine, le Ps. 151 disparaît des psautiers liturgiques. À une exception près, tous les Ps.-M où se trouvent le psaume sont des témoins manuscrits liturgiques wisigothiques antérieurs à la romanisation de la liturgie espagnole. Au nord des Pyrénées, je n’ai par contre jamais rencontré le Ps. 151 dans un bréviaire ou un livre de chœur[21][38].
Toutes les combinaisons possibles paraissent donc avoir été attestées. En domaine latin, le Ps. 151 ne s’est pas diffusé dans la dépendance exclusive d’une version du Psautier ou d’une aire géographique. Mais si sa traduction latine originelle fut plus vieille latine que romaine, si Jérôme l’ignore et le psautier ambrosien ne le connaît pas davantage, comment rendre compte de l’histoire de sa diffusion? À quand remonte la version latine qui fut diffusée simultanément au viiie siècle à la suite de psautiers des trois versions hiéronymiennes?
Une convergence de facteurs invite à regarder en direction de la Northumbrie et des pratiques insulaires. Cela expliquerait la faveur d’Alcuin, la présence du psaume dans l’Amiatus, les résistances continentales dont l’interpolation du titre est le témoin. L’unique commentaire connu de ce Psaume appartient à une glose irlandaise rédigée vers 683-686 (le manuscrit est plus tardif de deux ou trois siècles)[22][39]. Mais d’autres signes de l’influence irlandaise sont clairement perceptibles.
De toutes les listes de titres chrétiens évoquées plus haut, seule la seconde, dite italo-insulaire, propose un titre pour le Ps. 151, dont la longueur et la thématique ascétique tranchent avec le reste de la liste[23][40], beaucoup plus sobre[24][41]. Or le plus ancien témoin de cette liste, où plusieurs leçons bibliques sont proches du Ps.-R, est le psautier dit ‘d’Augustin de Canterbury’, Ps.-R copié en Angleterre au viiie siècle (n°7 de la liste des témoins). La présence d’un titre du Ps. 151 dans des listes de tituli suppose un véritable usage dévotionnel qui dépasse la simple conservation textuelle mais n’implique pas une pratique liturgique. Cet usage n’est pas attesté en Italie, ni à Rome mais clairement dans les îles britanniques, et, plus tard, au xe siècle, en Espagne[25][42].
À la fin du viiie siècle, le prologue de la Glosa ex traditione seniorum écrit par un moine irlandais établi en Gaule du Nord, fait état de l’essentiel de l’argumentation concernant les Ps. 1, 2 et 151 que l’on retrouvera par la suite et ne fait pas de réserve à l’égard de la canonicité de ce dernier:
«Nam hebrei Beatus vir et Quare fremuerunt gentes pro uno psalmo esse voluerunt, eo quod titulum non videntur habere; et unus a beatitudine incipit et alter in beatitudine terminatur. Nam ad numerum psalmorum conplendum hebrei illum psalmum addunt de quo dicitur: ‘Pusillus eram inter fratres meos.’»[26][43]
Enfin, le dernier des argumenta in Psalmos extraits de Théodore de Mopsuseste, compilés à l’époque carolingienne à partir de la traduction latine de Julien d’Eclane attribuée à Bède le Vénérable, ajoute une allusion au Ps. 151. On constate qu’elle est sans lien organique avec le reste du texte[27][44]. La préface qui précède cette série de titres dans certains des manuscrits post carolingiens est un recueil de fragments patristiques sur les auteurs, les titres et le nombre des psaumes; elle se termine par un fragment de la préface Origo prophetie David, très fréquemment attestée[28][45], mais dont la finale, après avoir réaffirmé l’authenticité davidique des 150 Psaumes, fait également appel à la signature davidique du cent cinquante-et-unième par l’ajout d’une clausule propre: «… et unum extra numerum, id est, psalmus David proprie sibi scriptus».[29][46] Enfin – sans préjuger d’autres textes dont je n’ai pas connaissance – le Ps.-R de Nonantola (Va84) propose cette préface originale en tête du Ps. 151 (non suivi de collecte):
«Iste psalmus quotidianus Christiano est qui castitatis cupit propositum custodire ut quotidie pugnet contra carnem suam quam armat diabolus contra Spiritum Sanctum. Unde Apostolus dicit : «Macero carnem meam et servituti subicio ne, dum aliis predico, ipse reprobus inveniar». Quotidie ergo adversum carnem tuam pugna qui diabolum cupis suo gladio iugulare. Ipsius enim gladius est luxus carnis, quod evicto dicis ‘ : "impulsus versatus sum ut caderem et Dominus suscepit me quia fortitudo mea et laudatio mea Dominus et factus est mihi in salutem’’ ». [MM1] [MM1]
Le parcours du Ps. 151 pourrait donc s’expliquer par l’hypothèse suivante. Les traductions italo-africaines furent introduites lors de la première latinisation chrétienne des îles britanniques, comme elles le furent en Espagne et dans le royaume Franc (le plus ancien témoin était en usage à Paris au temps de saint Germain: voir Tableau 21 n°2). Lors de la difficile romanisation des usages et de la liturgie insulaire initiée par l’action d’Augustin de Canterbury au vie siècle, celui-ci importa de Rome le psautier romain à 150 psaumes et la façon de le réciter. Le Ps. 151 qui était déjà connu des chrétiens insulaires resta en usage dans la récitation privée, fut retraduit en latin, recopié avec les nouveaux psautiers. Le psautier de saint Augustin, amendé et orné des titres adaptés, repartit sur le continent avec les moines missionnaires du viiie siècle et se diffusa par capilarité grâce aux réseaux monastiques carolingiens. L’influence augustinienne de la symbolique du chiffre 150 fit omettre de numéroter le dernier titre de la série insulaire par les quatre plus anciens témoins. Les six autres témoins qui associent le Ps. 151 au Ps.-R sont indirectement issus de ce fruit hybride de la romanisation des îles britanniques et de l’insularisation du Ps.-R. Le psaume 151 aurait ainsi suivi le parcours bien connu des livres liturgiques romains, gallicanisés ou francisés avant de retourner à Rome et d’y être réadoptés[30][47]. Mais le Ps.-R insularisé se heurta sur le continent au choix préférentiel du Ps.-G qui brisa son élan.
Le Psaume 151 fait donc partie de la culture biblique cléricale; son existence ne pouvait être une surprise pour personne, mais il échappait à l’usage dévotionnel et liturgique. Au xiie siècle, en même temps que l’on constate une recrudescence de sa copie – en particulier à la suite du Ps.-H – il est évoqué par plusieurs de nos commentateurs, presque toujours à propos du nombre des Psaumes et de la distinction des Psaumes 1 et 2. Les passages le concernant se trouvent tantôt dans le prologue, tantôt dans le commentaire de l’un ou l’autre de ces psaumes[31][48]. Il est même exceptionnellement recopié à la fin d’un des plus anciens exemplaires du commentaire d’Ives de Chartres[32][49], mais se trouve totalement absent du texte officiel des grandes gloses (GAL, GGP, GPL[33][50]). Dans les commentaires proprement dits, l’attestation la plus ancienne du Ps. 151 semble être un recueil d’accessus sur les titres des Psaumes connus par deux exemplaires seulement, d’origine probablement parisienne, dont le plus ancien témoin est datable des années 1150-1175, soit quelques décennies avant la rédaction supposée de celui de Prévôtin[34][51]. Il se contente de noter que le Ps. 1 est hors comput, parce que les «Hébreux» le considèrent comme la préface générale du Psautier et qu’un psaume qui commence par Pusillus eram permet de rétablir le nombre canonique. Comme dans la Glosa ex traditione seniorum, l’unité des deux psaumes est acceptée.
Il en ira tout autrement, quelques décennies plus tard, si je ne me trompe, lorsque Prévôtin traite à nouveau l’argument, cette fois-ci de manière plus originale et dans le contexte d’un commentaire intégral. Il constate d’abord que la tradition juive n’est pas unanime. Certes, les deux premiers psaumes ne font qu’un aux yeux des juifs, selon Gamaliel – allusion au Talmud mentionné tout à l’heure – mais dans les psautiers hébreux, il a pu constater que les psaumes sont numérotés avec les lettres de l’alphabet et que le psaume Quare fremuerunt y porte bien le numéro 2; l’objection ne tient pas aux yeux des juifs eux-mêmes. Cependant, et quand bien même les deux premiers psaumes ne feraient qu’un, le Psaume 151 ne permet-il pas de rétablir l’équilibre?
«Sed, quod in fine Ieronimus, post omnes psalmos, ponit «Pusillus», ibi dixit mihi Hebreus meus: non est proprie psalmus sed est quasi quidam canticum quod frequentant Iudei sicut nos frequentamus «Benedictus Dominus Deus Israel» et «Magnificat[35][52]«et huiusmodi».
Puisque ce n’est pas un vrai psaume, il faut donc s’en tenir à la structure du psautier des LXX. Telle est donc la conclusion. Le maître y affirme tenir son information d’un juif, «Hebreus meus», dont les propos ne manqueront pas de surprendre[36][53].
Il y a de fortes chances pour que Prévôtin ait trouvé ce psaume à la fin d’un psautier gallican ou iuxta Hebreos, comme on sait maintenant qu’il s’en copiait particulièrement à cette époque. En tout cas, écrivant à la fin du xiie siècle, il n’utilisait pas encore de ces bibles standardisées dont on attribue la capitulation à Étienne Langton et la mise au point à l’université de Paris. La comparaison avec les cantiques bibliques chrétiens est évocatrice pour un utilisateur du Psautier médiéval[37][54]. Mais l’affirmation d’un usage du Ps. 151 par les «Hébreux» est surprenante, s’il est vrai que son usage s’est perdu dans les sables du désert avec la communauté essénienne à la fin du ier siècle, comme l’assure, peut-être à tort la critique moderne. On ne saura jamais l’exacte étendue des pertes occassionnées par les brûlements du ‘Talmud’ du milieu du 13e siècle.
L’exégèse latine médiévale était informée depuis Hilaire et Jérôme qu’il existe une tradition juive selon laquelle les deux premiers psaumes ne formeraient qu’une seule unité. Origène avait signalé le fait dans de rares bibles hébraïques, corroboré par certaines versions grecques et des manuscrits de la Vetus Latina de Act. 1[38][1]. Le nombre des Psaumes ainsi réduit ne permettait plus de justifier la symbolique que les Pères avaient associée au nombre cent cinquante ; symbolique orientale (7 x 7) = 49 + 1 = 50 x 3 = 150 ou symbolique latine (7 + 8) x 10 canonisée par Augustin[39][2]. C'est notamment pour cette raison que la distinction des Psaumes 1 et 2 a été maintenue par la tradition latine. La référence trinitaire implicite qui permettait de distinguer ainsi le Psautier chrétien du Psautier des communautés de confession juive serait ainsi une des raisons de l'attachement de la tradition chrétienne au Psautier de 150 Psaumes subdivisé en trois cinquantaines [40][3].
Néanmoins, certains psautiers syriaques, grecs et latins se terminent par un psaume surnuméraire, portant le numéro 151 lorsqu’il est copié à la suite du psautier vulgate divisé en 150 psaumes. Je n’ai pas vu dans la littérature exégétique médiévale que ce texte soit formellement qualifié d’apocryphe à cause du titre qui l’attribue à David et en fait comme une signature authentifiant la paternité davidique du psautier. Il a traversé le Moyen Âge, jusqu'à la Renaissance, accroché aux basques de tous les véhicules codicologiques du Psautier. Citons, par ordre décroissant de leur fréquence par type de psautier : les psautiers multiples ou psautiers synoptiques, en particulier les psautier triplex de Salomon III de Saint-Gall, copiés jusqu’en plein 13e siècle, les psautiers manuels, les psautiers manuels glosés pré-laonnois, les psautiers bibliques en général sans oublier les bibles atlantes. Leur fréquence chute avec les bibles pandectes du 13e siècle ou bibles portatives. Chiara Ruzzier en a compté une cinquantaine sur 1739 bibles portatives du 13e siècle (2,8 %) avec une présence légèrement inférieuredans les bibles du standard parisien (2,5%) par rapport aux autres témoins du texte de même format (3,4%) et une présence nettement plus importante en Angleterre (7,4%) et en Italie (2,2%) qu’en France (1,4%)[41][4]. La diffusion du texte biblique ne se mesure cependant ni enpour centages, ni en nombre de centimètres. Même écarté des versions nouvelles de la Vulgate, Pusillus eram a continué d'être lu à partir des témoins anciens. On observe qu'il y a circulé en Allemagne, dans la péninsule ibérique comme en France, en Angleterre et en Italie, en dehors des bibles portatives, dans des bibles pandectes de taille supérieure, dans les psautiers polyglottes ou de simple dévotion. Quand la Bible se fait livre, elle revêt de multiples livrées qui habillent la Révélation de travers toutes les formes de la mise par écrit et de l’actualisation mémorielle.
Comme le montre le tableaux de la tradition du Ps. 151, il circule non seulement dans les bibles, mais aussi dans les psautiers manuels augmentés, destinés à la dévotion extra liturgique, dans les psautiers multiples des savants, dans les psautiers glosés. En même temps, il est absent des textes de la ligurgie. Il est totalement ignoré par les correctoires bibliques, les trois Gloses scolaires (parva, media, magna), les postilles dominicaines (postilles d’Hugues de St-Cher et Glose dominicaine de Pierre de Poitiers). Cet ostracisme est plus fort encore au 14e siècle où la postille de Nicolas de Lyre ne lui fait plus aucun écho.
Si les mentions restent marginales, le silence n’est pas total, loin s’en faut. Son absence du cursus de la récitation liturgique hebdomadaire du psautier intégral n’avait pas suffi à le faire oublier de la récitation dévotionnelle. Nombreux sont les psautiers manuels, contenant le psautier biblique augmenté des cantiques bibliques de l'office, qui continuaient à proposer Pusillus à la récitation surérogatoire du Psautier intégral quotidien, pratique antique dont l’usage s’est maintenue jusqu’à la fin du 13e siècle, bien qu’oubliée ou négligée par l’historiographie moderne[42][5].
Mais il y a plus. Le souvenir du Psaume 151 s'est maintenu dans les écoles. Sorti par la porte, puisque les glossateurs, auteurs des Gloses support de l’enseignement théologique, ne le mentionnent pas, il rentre par la fenêtre avec une tradition d’école, attestée dans les scholies marginales de plusieurs exemplaires de la Magna glossatura de Pierre Lombard sur les Psaumes. Jusqu’à la fin du 13e siècle, à Paris comme à Naples, l’enseignement en a ainsi conservé la mémoire dans un contexte bien précis : la justification du nombre canonique des psaumes et de son symbolisme.
A ceux qui objectent que la fusion des Psaumes 1 et 2, avancée par une certaine tradition juive, porte atteinte à la symbolique chrétienne byzantine (origénienne) du nombre 150, Thomas d’Aquin et la doxa parisienne des commentaires de la Grande Glose de Pierre Lombard répondent que l’unité ainsi perdue est compensé, dans le judaïsme hellénique, par le Ps. 151 et que, par conséquent, le nombre 150 est un donné de tradition qui prouve par son symbolisme trinitaire implicite la valeur « modulaire » du Psautier comme témoin prophétique de la foi dans le sens de l’histoire et la révélation trinitaire: (7 x 7) = 49 + 1 = 50 x 3 = 150
Les commentaires des Psaumes, destinés à la formation élémentaire du clergé grégorien, se sont multipliés à partir de la fin du 11e siècle. Leurs prologues rendent systématiquement compte du nombre des Psaumes et de sa signification. À propos du Psaume 2, ils invoquent l’existence d’un Psaume surnuméraire commençant par Pusillus eram, qui permettrait de rétablir le nombre d’or au cas où la fusion des deux premiers psaumes s’imposerait.
Ces constats posent question à l’histoire de la Vulgate et à celle de la réception du Psautier latin. Le Psaume 151 n’est pas qu’une curiosité philologique, il fonctionne comme une clé ou un révélateur concernant le sens symbolique du nombre des unités du Psautier canonique, élément de première importance dans un contexte théologique qui considère le Psautier comme la plus remarquable des prophéties par sa structure autant que par son contenu.
L’exégèse des écoles, à partir de la fin du 12e siècle surtout, a été, pour certains théologiens, l’occasion d’une confrontation entre les traditions patristiques et les données bibliques textuelles. À partir du troisième quart du xiie siècle, jusqu’à Thomas d’Aquin compris, plusieurs commentateurs médiévaux latins ont ressenti le besoin d’évoquer l’existence du Psaume 151 et de tenter de montrer qu’il ne mettait pas en cause la symbolique patristique puisqu’il n’était pas surnuméraire si on admet l’unité des deux premiers Psaumes scellée par le parallélisme des versets Beatus vir et Beati omnes qui, respectivement ouvrent le Psaume 1 et concluent le Psaume 2. Pour ces commentateurs, le Psaume Pusillus ne s’ajoute pas à la division vulgate du Psautier hexaplaire en 150 psaumes ; il a servi à compenser le déficit numérique entraîné par la fusion des Psaumes 1 et 2 chez ceux qui avaient adopé cette partition. La symbolique chrétienne du nombre des Psaumes serait donc de ce fait – ou par ce subterfuge – compatible à la fois avec la Veritas hebraica selon laquelle les Psaumes 1 et 2 ne faisaient qu’un, et avec les églises byzantines qui lisent Pusillus eram en grec à la fin du Psautier de la LXX. Quand on sait l’attention de Thomas d’Aquin à la réalité des traditions byzantines de l’Italie méridionale où il commente les Psaumes, l’allusion ne surprend plus. Quand on observe qu’elle se lit également et même plus à Paris qu’à Naples, on s’oblige à rester prudent sur les motivations profondes du rappel de Pusillus eram, qui sont avant tout théologiques et symboliques, plutôt qu’oecuméniques ou pastorales. Il faut en conclure pour le moins que Pusillus eram était beaucoup plus largement connu au 13e siècle que ne le laissent penser les statistiques codicologiques des vestiges de sa tradition manuscrite parvenus jusqu’à nous.
Le Psaume 151 a donc fonctionné comme une justification, par la référence à la tradition grecque du Psautier, de la tradition juive selon laquelle les deux premiers Psaumes ne feraient qu’un. On doit ici se demander pourquoi la référence au Psaume 151 se fait particulièrement insistante à partir du dernier quart du 12e siècle. Depuis longtemps déjà, une large tradition latine considérait le Psaume Beatus vir (Ps. 1) non comme un psaume à proprement parler mais comme une sorte de prologue biblique, synthèse de tout le message théologique du Psautier.
Le souci de rééquilibrer le nombre total des Psaumes pour ne pas perdre l’apport de la symbolique du nombre 150 aurait dû se manifester plutôt. Il coïncide en réalité avec le regain d’intérêt pour la Veritas hebraica qui se fait jour dans l’exégèse latine des Psaumes à la fin du 12e siècle et au 13e siècle. Plus exactement, il coïncide avec l’intensification des relations entre théologiens chrétiens et juifs, conséquence du développement des communautés juives dans la France du Nord de la fin du 12e siècle. On pense bien sûr à André de Saint-Victor (†1175) et surtout, à propos des Psaumes, au commentaire du Psalterium iuxta Hebraeos d’Herbert de Bosham (†1194), à l’édition de la Magna Glossatura de Pierre Lombard (†1160) sur les Psaumes dans laquelle Herbert reproduit l’intégralité du Psalterium iuxta Hebreos en regard du Psautier gallican, bien que les trois Gloses (parva, media et magna) ne se préoccuppent guère de la traduction de Jérôme sur l’Hébreu. D’autres textes contemporains font spécifiquement allusion à cette problématique du nombre des Psaumes « chrétien » distingué et opposé au psautier hébreu des juifs[43][6].
Thomas d’Aquin a le mérite d’articuler la question de l’unité des premiers Psaumes à celle du Psaume 151 dans son commentaire des Psaumes été enseigné à Naples entre l’automne 1272 et décembre 1273. Interrompu par la mort de Thomas (7 mars 1274), il ne couvre que les Ps. 1 à 54 et nous est parvenu sous forme d’une reportatio détériorée par les éditions imprimées. A propos du Psaume 2, il renvoit à l’opinion de « rabbi Gamaliel ». Je le cite d’après le texte restauré de l’édition en préparation pour le mettre ensuite dans la perspective plus générale de l’exégèse médiévale et de la diffusion du Psaume 151[44][7] :
4. Circa quem Psalmum in generali, sciendum est quod de eo
fuit duplex opinio. Quidam enim dixerunt quod idem est cum primo Psalmo et hec
fuit opinio Gamalielis. Et propter hoc dicebant quod sicut ille Psalmus incepit :
« Beatus vir » [45][8]
etc. ita iste quasi pars ipsius finit : « Beati omnes qui confidunt
in eo » [46][9]
ut sit quasi circularis [47][10].
5. Sed contra hoc sunt
duo :
– primo quia [i][i] non essent centum quinquaginta
psalmi, sed ad hoc respondent quia addunt unum qui invenitur in pluribus
psalteriis et incipit : « Pusillus eram » etc. [48][11] ;
– secundo quia in hebreo psalmi
secundum ordinem litterarum ordinantur ut quotus sit psalmus statim occurrat. Nam
in primo Psalmo est aleph ut designetur quod sit primus. In secundo est beth
ad designandum quod sit secundus. In tertio est gimel et sic de [ii][ii] aliis. Quia
ergo beth que est littera secunda in ordine alphabeti ponitur in
principio huius Psalmi, patet quod est secundus Psalmus [49][12].
Et hoc tenet Augustinus [50][13].
Dicendum est ergo quod ‘Psalmus iste in ordine Psalmorum est secundus sed
primus in titulo’ [51][14].
Et hic est titulus eius : Psalmus
David.
Thomas d’Aquin ne fait ici état ni d’une connaissance directe de la tradition juive ni même de la consultation orale d’un juif contemporain. On serait même bien en peine d’identifier l’opinion relatée parmi les propos des Gamaliel dont le Talmud a gardé la mémoire. Gamaliel désigne ici tout à la fois le Talmud de Babylone[52][15] et la tradition juive médiévale. Ainsi David Kimhi (c. 1160- c. 1235), après avoir affirmé que le Psaume 2 vient en seconde position dans les manuscrits « les plus corrects », relate la tradition « des maîtres » selon laquelle les Ps. 1 et 2 forment une seule unité en raison de la répétition de אַשְׁרֵי (beatus) qui commence le Ps. 1 et termine – ou presque – le Ps. 2[53][16].
Thomas d’Aquin se fait donc en réalité le relai d’une doctrine d’école attestée dans le commentaire des Psaumes du (pseudo ?) Albert le Grand[54][17], quasi contemporain de celui de Thomas, et dans celui de Prévôtin de Crémone.
Le commentaire de Thomas montre comment ce texte à l’histoire tourmentée a pu être utilisé comme un lieu théologique dans le contexte de l’exégèse du premier Moyen Âge, encore mystérique et symbolique. Rejeté ensuite par la critique pour les incohérences de son titre-monition, il retient à nouveau l’intérêt de la critique textuelle de l’Ancien Testament, non pour lui-même mais pour ce qu’il nous apprend des interactions entre communauté croyante et construction du canon des Ecritures. Eglise et Ecritures interagissent. Le nombre des Psaumes adopté respectivement par le christianisme naissant et le judaisme rabbinique a fonctionné comme un marqueur d’identité ou de non identification, permettant aux deux communautés de se distinguer de l’autre.
[1][18] Les versets 6-7 (LXX = verset 11 de Qumran) diffèrent totalement des versets 11 et suivants de la composition essénienne qu’il paraît résumer; voir traduction dans M. Wise et alii, Les manuscrits de la mer morte, 2001, p. 588-589.
[2] Édition du texte hébreu: J. A. Sanders, The Psalms Scrolls of Qumran Cave II (11QPSa), Oxford, 1965, p. 54-64; cf. A. Dupont-Sommer, «Le Psaume CLI dans 11QPSa et le problème de son origine essénnienne», Semitica 14 (1964), p. 25-62 (n.v.) et Bible: Ecrits intertestamentaires, éd. A. Dupont-Sommer, M. Philonenko, 1987, p. 304 qui soutient qu’il s’agit de l’original hébreu du Psaume grec, bien que le rouleau retrouvé date du premier siècle de notre ère. D’autres soutiennent une origine plus ancienne, dans les milieux grecs traducteurs de la LXX, d’où il aurait été traduit en hébreu et adapté par les milieux esséniens à leurs collections de Psaumes consacrées à exalter la figure d’un David «devenu maître parfait de la Sagesse»; cf. parmi les plus récents, M. Wise et alii, Les manuscrits de la mer morte, 2001, p. 588-589; pour une bibliographie plus complète, cf. A. Dupont-Sommer, M. Philonenko, Ecrits intertestamentaires, 1987, p. 303-304 et p. 307-308 et surtout Cf. Bogaert 1987, p. 159, n. 40-41.
[3] Bogaert 1987, p. 159-162.
[4][21] Cf. G. Dorival et al., La Bible grecque des Septante, 1988, p. 325.
[5][22] N. H. Henein, Th. Bianquis, La magie par les psaumes, p. 98.
[6][23] Le Psaume 151 est rejeté à la fin des livres deutérocanoniques par l’édition minor de la Vulgate (Stuttgart) qui de ce fait renonce à l’associer directement au Psautier gallican. L’édition maior, optant pour une base critique plus alcuinienne, l’avait néanmoins retenu.
[7][24] Pour les dates, j’ai retenu ordinairement celles qui sont proposées par les éditeurs. Si celles de Ps.-G, Ps.-R et Ps.-H, établies par les bénédictins de l’abbaye de St-Jérôme, sont établies selon des critères comparables, il me semble que l’édition Ps.-M a tendance a anticiper d’un siècle les datations attribuées par ailleurs aux manuscrits qu’elle utilise pour les ixe s. et xe siècles; j’ai ainsi corrigé sa datation de Ps.-R37 et Ps.-R207 (voir liste ci-après). Il serait d’ailleurs assez logique que la romanisation liturgique de la péninsule ibérique entreprise au xie siècle ait entraîné une meilleure conservation des derniers manuscrits wisigothiques copiés, puisque l’adoption de nouveaux textes a conduit à leur mise à l’écart et donc les a protégés de l’usure à laquelle l’usage liturgique intensif du psautier soumet les témoins anciens ou les moins remarquables de ce livre.
[8] Dans le cas de Cambridge, St John's Coll. B.18 (sigle CC18), le texte se retrouve à la fin des trois versions.
[9][26] = Ps.-M 67 68 174 à préciser.
[10][27] Selon Vetus hispanica, t. 5/3, p. 1140, le psaume devait se trouver dans le ou les archétypes des mss. 28 89 104 105 106.
[11][28] Pour ces dernières, voir BAV, Reg. lat. 1743 où le Ps. 151 ne se trouve pas à la suite du Ps. 150, mais au f. 78v, après les litanies et l’oraison post Psalterium.
[12]Dans Sg75 le titre semble postérieur au manuscrit (voir la différence dans la forme des M, ronds dans le reste du manuscrit, anguleux dans ce titre); il a pu être exécuté tardivement à partir d’un texte laissé en attente par le copiste et oublié par le premier rubricateur.
[13][30] W. Berschin, «Neun Psalteria quadrupartita Salomons III»., 2005, p. 161; cf. par exemple Köln, Dombibl. 8, f. 147v.
[14][31] Cf.@
[15][32] Cambridge, St John's College B.18 (040): 1100 c.; variantes intégrées ici n. #. d’après Cambridge (Saint John’s Coll.).
[16][33] Graz, Univ. 0086, voir
[17][34] Voir édition plus loin. – Ce schéma ne correspond qu’aux données de la liste de témoins réunie pour ce travail, encore très incomplète, bien qu’elle suffise à illustrer la diversité des contextes codicologiques dans lesquels le Ps. 151 a été recopié.
[18][35] Cf. M. Philonenko, «Prudence et le Psaume 151», 1994, p. 291-296. La Patrologie latine permet aussi de relever quelques allusions ou citations implicites chez Gaudence de Brescia (fl. ve s.), Sermon 11 (PL 20, 927A; cf. CSEL 68; CPL 215); l’antipape Constantin [767-768], Epist. 44 (PL 98, 237D); Haimo Catalaunensis, Epist. 483 (PL 182, 692A); Gerhoh de Reichersberg, In Ps. 118, 116 (PL 194, 800B). Ce sont les seules occurrences retrouvées. La base de données CLCLT ne cite jamais le Ps. 151 (sinon comme Pseudépigraphe latin et pièce du Psautier gallican).
[19][36] Cf. Vetus latina hispana, t. 5/3, apparat p. 1140-1141.
[20][37] Vetus hispana, t. 5/3, p. 1140a. D’autres positions ont d’ailleurs été tenues à cet égard par le passé; cf. Franciscus Antonius Lorenzana, éd., Liturgica mozarabica secundum regulam s. Isidori (PL 86, 9): «… Si conferas non epigraphem, sed psalmi verba, abs dubio in versione veteri Italica (nusquam in Editione Vulgata, et aliis) eadem reperies».
[21][38] On notera qu’il peut échapper aux yeux des meilleurs catalogueurs. Ainsi le récent catalogue électronique des manuscrits de St-Gall n’a pas relevé la présence du Ps. 151 dans le ms. Sg19.
[22][39] Cf. The Hiberno-Latin Gloss on the Psalms…, éd. M. McNamara, 1986, p. 310-311: «Pusillus eram. Hic psalmus proprie David scriptus extra numerum cum pugnabat contra Goliath. Vox Christi sabbatum exhortandi hic sub … – … de filis Israel idest per quadraginta dies provocabat nos ad bellum. Finit liber psalmorum in Christo Ihesu Domino nostro».
[23][40] «Iste psalmus cotidianus christiano est qui castitatis cupit proposititum custodire, ut cotidie pugnet contra carnem suam quam armat diabolus…»
[24][41] Cf. P. Salmon, Tituli psalmorum, p. 93, de préférence à de Bruyne, Préfaces, Ps. n° 32/3, p. 89 qui n’utilise que trois manuscrits.
[25][42] A noter que le Ps. 151 n’a pas de collecte psalmique dans le psautier hispanique dit d’Isidore de Séville (PL 86, 845A-846A), alors qu’il y en a pour tous les autres psaumes.
[26][43] Glosa Psalmorum ex traditione seniorum, praef. (ed. H. Boese, t. 1, p. 6.75-79); dans De Bruyne, Préfaces, Ps. n°27, p. 79.32-35 un accident typographique a bouleversé l’ordre des mots de l’édition que je restitue d’après deux des manuscrits de St-Gall utilisés par l’éditeur (Sg22 p. 13 et Sg27 p. 10).
[27][44] Ps. Beda, In Ps. librum exegesis, Ps. 150 (PL 93, 1098C): «Hic psalmus proprie scriptus David extra numerum, quando pugnavit cum Goliath. Quinquagesimus est de poenitentia, centesimus de misericordia et judicio, centesimus quinquagesimus de Dei laude in sanctis ejus. Sic enim ad aeternam beatamque tendimus vitam; primitus nostra peccata damnando, deinde bene vivendo, ut post vitam condemnatam malam, et gestam bonam, mereamur aeternam. Vocati enim, renuntiamus diabolo per poenitentiam, ne sub jugo ejus remaneamus; justificati sanamur per misericordiam, ne judicium timeamus; glorificati transimus in vitam aeternam, ubi Dominum sine fine laudemus».
[28][45] Cf. de Bruyne, Préfaces, Ps. n° 1, p. 43-44 = RB-00414.
[29][46] Cf. Corpus prol., § 5.2. Cette finale, comme d’ailleurs le paragraphe entier, forment une version différente de RB-10470, RB-09553, RB-11606, De Bruyne, Préfaces, Ps. 1, p. 43-44. Je n’ai pas examiné de manuscrit de ce texte, essentiellement diffusé dans l’espace germanique.
[30][47] Cf. M. Morard, «Sacramentum immixtum…», 2004, p. 2-3.
[31][48] Voir t. 2, note de synthèse .
[32][49] P12000.
[33][50] Exception faite de Dijon, BM 31, s12 4/4, f. 240v (GPL) où il est copié à la fin du texte (n.v.) .
[34] Voir Anon. P440A. Je conjecture son origine parisienne à partir des indices suivants: 1° les seuls témoins connus sont de provenance et d’origine françaises. 2° Un des témoins, tardif, est conservé à Ste-Geneviève où il se trouve depuis le xiiie siècle; il a donc pu avoir été copié sur un modèle disponible à Paris. 4° Le seul commentaire qui lui fasse écho est celui d’un maître parisien, Prévôtin de Crémone, qui a pu y puiser l’argument au sujet duquel il s’est informé par la suite, au moment de composer son commentaire. Mais la diffusion du Ps. 151 était telle au Moyen Âge que rien n’interdit de penser que l’argument ait surgi en des lieux divers, les même problèmes engendrant parfois les mêmes solutions à partir des mêmes données.
[35][52] Magnificat ] + anima mea Dominum Barb693.
[36][53] Voir Prévôtin de Crémone, In Ps. 2 § <c, d, e> (Corpus prol.) et t. 2, Note de synthèse: Le Ps. 151.
[37][54] Voir à la fin de ce chapitre: Ajouts et pièces annexes.
[38] Hilarius Pictaviensis, In Ps. 2, § 1, CCSL 61, p. 37 : « Plures nostrum ambiguos facit apostolica auctoritas, utrum psalmum hunc cohaerentem primo et ueluti primi extimum putent esse, an uero subiacentem et secundum potius connumerent. Namque in Actibus apostolorum primum hunc haberi atque esse sub oratione beati Pauli ita docemur: Nos que uobis euangelizamus eam, quae ad patres facta est repromissio; hanc Deus expleuit filiis nostris suscitans Dominum nostrum Iesum, sicut et in psalmo scriptum est primo: "Filius meus es tu, ego hodie genui te", cum suscitauit eum a mortuis amplius non regressurum in interitum. Ob hanc ergo apostolicam auctoritatem errore scribentium fieri creditur, ut in ordine secundus psalmus iste numeretur, cum primus esse, ipso doctore gentium testante, noscatur. Cognoscenda itaque ea ratio est, cur et a nobis secundus esse intellegendus sit et ab apostolo esse primus ostensus sit ».
[39]Cf. Augustinus Hipponensis, Tractatus in Ps. 150, ... et passim.
[40] Sur toute cette question du nombre des Psaumes et de l’histoire du Psautier canonique, voir J.-D. Barthélémy, Critique textuelle de l’Ancien Testament, t. 4 : Psaumes, Fribourg-Göttingen, 2005, p. xxv-xli [en ligne].
[41] Pour les bibles portatives, cf. Ch. Ruzzier, La production des bibles latines portatives au 13e siècle, 2022, p. 55-58
[42][5] Cf. M. Morard, La harpe des clercs, ... que ces pages reprennent et développent.
[43][6] Voir M. Morard, « Un Psautier glosé témoin de la tradition indirecte de la 'Media Glossatura' de Gilbert de la Porrée au début du 13e siècle (Monte Cassino 429) », in : Sacra Pagina (Gloss-e), IRHT-CNRS, 2023. (Permalink : http://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=158) et id., ed., « Prologus ‘Scriptura ideo’ in psalterium glossatum Cas429 », in : ibid. (Permalink : http://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/editions_chapitre.php?id=media&numLivre=26&chapitre=26_Prol.9874)
[44][7] Thomas de Aquino, Reportatio postillae super partem Psalterii (Ps. 1-54), Ps. 2, 1 § 4-5, éd. M. Morard, Le commentaire des Psaumes de saint Thomas d'Aquin : édition critique partielle et introduction historique, diss. dactyl., 5 vol., Paris, École nationale des chartes, 2002, 1319 p. ; cf. id., « Le Commentaire des Psaumes de saint Thomas d’Aquin », dans École nationale des chartes, Positions des Thèses soutenues par les élèves de la promotion 2002 pour obtenir le diplôme d’archiviste paléographe, Paris, 2002, p. 191-199.
[45][8] Ps. 1, 1.
[46][9] Ps. 2, 12.
[47][10] <4> Quidam enim dixerunt... circularis ] Glosa ord. in Act. 13, 33 (ed. Strasbourg, 1481, t. 4, p. 485a) : « Quidam codices habent ‘In primo < Psalmo >’ quod ita exponitur primum et secundum apud hebreos in unum Psalmum esse compositos quia et a beatitudine incipiat et in eadem finiat », ex Hieron., Commentarioli in Ps. 1 (CCSL 72, p. 178-179, lin. 5-9) : « Apud Hebreos et primus et secundus unus est Psalmus, quod in apostolorum quoque Actibus conprobatur. Denique quia a beatitudine cœperat, in beatitudine desiuit, dicens ‘Beati omnes qui confidunt in eum’ » vel Remigius Antissiod., Enar. in Ps. 2 (PL 131, 155A) : « Hieronymus hanc rationem dat quod sit unus quia a beatitudine incipit et in beatitudine desinit » ; cf. Anonym. In Ps. 2 (Paris, Bibl. n. Fr., lat. 14254, f. 23rb) : « Ecce a beatitudine incepit [ in primo Psalmo add. al. m. marg. ] et in beatitudine terminatur [ f. 23va ] quia omnia facienda sunt propter beatitudinem ».
[48][11] Ps. 151, 1 ; cf. lxx ; Psalt. rom., Bibliorum sacrorum latinæ uersiones antiquæ (ed. Sabatier, t. 2, p. 287-288) ; Psalterium triplex (Paris, Maz. 56, s13 1/4, f. 48va) : « Hic Psalmus proprie David scriptus extra numerum cum pugnauit cum Goliad. Hic Psalmus in hebreis codicibus non habetur sed in septuaginta interpretibus editus est et utitur (?) apud rabbinos (?) [ legi uix potest ] » ; Psalterium triplex (BnF, lat. 15198, olim Sorbonne 2783, s12 4/4, f. 134) : « Hic Psalmus proprie scribitur David extra numerum ceterorum quum pugnauit cum Goliath. Pusillus eram... ».
[49][12] Idem est cum primo ... Psalmus ]; Glosa magistrorum de Sorbonna, in loc. cit. (v. g. Bibl. Ap. Vat., Vat. lat. 96, f. 1va marg. sup. sinistr. ; cf. Documents annexes) : « Quare fremuerunt gentes. Quidam hebrei dicunt quod iste Psalmus et precedens sunt unus Psalmus. Unde Gamaliel dicit quod primus Psalmus incoatur a beatitudine et finitur in beatitudine, ibi Beati omnes qui confidunt in eo. Sed secundum hoc completur plenus numerus Psalmorum ad quod isti respondent quod habent quemdam Psalmum compositum a David qui est in quibusdam bibliotecis, qui sic incipit Pusillus eram in domo patris mei » ;
Prepositinus, Summa super Ps. 2 (Paris, BnF, lat. 14417, f. 243rb ; cf. ed. Documents annexes, in loc. cit., § 2-3) : « Intitulatur Psalmus iste Psalmus David licet apud hebreos, teste Ieronimo, iste Psalmus non habet titulum. Immo sunt Iudei qui dicunt quod iste Psalmus cum precedenti sit unus Psalmus dicentes quod Gamaliel eorum dicit quod primus Psalmus incipit a beatitudine et terminatur in beatitudine. Incipit enim a beatitudine cum dicitur Beatus uir qui non abiit et terminatur in beatitudine : Beati omnes qui confidunt in eo. Sed secundum hoc uidetur quod non sunt cl Psalmi. Sed ad hoc respondent quod post istos Psalmos quos habemus est unus psalmus qui incipit « Pusillus » et verum est quod Hieronymus in sua translatione ponit illum psalmum ultimum. Sed contra eos est quod exemplarium in margine precedentis psalmi ponitur aleph et in margine istius ponitur beht (sic). Nam ipsi, sicut greci, per litteras secundum quod in ordine alphabeti ponuntur, representant numeros. Unde ad notandum primum Psalmum ponunt aleph. Ad notandum secundum ponunt beht et infra de aliis. Ergo Beatus uir est primus psalmus et Quare fremuerunt secundus sed quod in fine Ieronimus post omnes psalmos { ut dixit michi hebreus meus marg. add.} ponit Pusillus non est proprie psalmus sed est quasi quidam canticum quod frequentant Iudei sicut nos frequentamus Benedictus Dominus Deus Isræl et Magnificat et hiis similia. Bene ergo dicitur Psalmus David id est Christi quia iste psalmus sicut dictum est agit de Christo secundum deitatem et secundum humanitatem » ; ).
[50][13] Cf. August. Hippon., Enar. in Ps. 150, 1 (CCSL 38, p. 2190, lin. 3) : « Omnes centum quinquaginta numerantur... » ; cf. Ps. Albertus, In Ps. 2 (Paris, Bibl. n. Fr., lat. 15570, f. 7rb ut refert. nota sup.) : « ... Et istis consentit Cassiodorus et Augustinus » .
[51][14] Psalmus iste... titulo ] Petrus Lombardus, In Ps. 2, n° 1 (PL 191, 69 A) ; Glosa ord. in Ps., prol. (ed. Strasbourg, 1481, t. 2, p. 459a) ; Hugo de S. Caro, In loc. cit., f. 4vb/e ; Ps. Albert, In Ps. 2 (ed. Borgnet, t. 15, p. 22a) add. : « ... secundum quod dicit hic Glosa Petrum dixisse in Actibus [ 4, 25 ], quamuis non exprimatur ibi, sed potest intelligi, quod insinuetur per hoc quod dicitur ibi ‘per os patris nostri David, pueri tui, dixisti’. Quasi diceret Petrus : Hoc in illo Psalmo dixisti quod per os ipsius David composuisti, sicut habetur in præsenti titulo, qui dicitur titulus ‘Psalmus David’ ».
[52] Talmud Babli, Berakot 9b-10a; cf. J.-D. Barthélémy, Critique textuelle de l’Ancien Testament, t. 4 : Psaumes, Fribourg-Göttingen, 2005, p. xxv-xxviii, ici p. xxix : « Le Psautier canonique », p. 5) : « R. Judah, fils de R. Siméon ben Pazzi [ début du ive s. ] a dit : [...] Heureux l’homme (début Ps. 1) et Pourquoi les nations s’agitent-elles ? (début du Ps. 2) constituent une section. D’ailleurs R. Shemuel Bar Nahmani disait aussi au nom de R. Yohanan (mort en 279) : David commençait chaque section qui lui était particulièrement chère par heureux et la concluait par heureux ; il la commençait par heureux, ainsi qu’il est écrit Heureux l’homme (Ps. 1, 1) et il la concluait par heureux, ainsi qu’il est écrit : Heureux tous ceux qui cherchent refuge en lui (Ps. 2, 12b) ».
[53] David Kimhi, Commentarii in Psalmos (transl. A. Janvier, Parisiis, 1666, p. 7) : « Psalmus iste ordine est secundus ; sic enim ipsum invenimus in omnibus libris correctioribus, quod nempe sit caput Psalmorum et in eorum supputatione scribunt eum secundum. Ceterum quidam e Magistris nostris dixerunt Psalmum primum Beatus vir et hunc Quare etc. unum esse Psalmum. Dicunt insuper Davidem omnem materiam quæ illi cordi maxime fuit incepisse per hanc vocem aschre Beatus, et eam quoque conclusisse per illam eadem. Sic hanc Psalmorum partem inchoavit per dictionem Beatus et illam per hæc verba finivit Beati omnes qui confidunt in eo »
[54][17] Cf. Albertus magnus (pseudo), In Ps. 2 (ed. Borgnet, t. 15, p. 22b ; Paris, BnF, lat. 15570, f. 7rb) : « Fuerunt autem qui dixerunt quod iste Psalmus et precedens sunt unus Psalmus. Unde Gamaliel dicit quod Psalmus primus incipit a beatitudine, ibi Beatus uir, et terminatur in beatitudinem, ibi Beati omnes qui confidunt in eo. Sed secundum hoc non esset numerus [+Psalmorum completus Borgnet]. Et ipsi tunc addunt quoddam alium Psalmum qui sic incipit Pusillus eram in domo patris mei. Et his videtur consentire Hieronymus in opusculo quod fecit de Excerptionibus Origenis. Alii autem hebrei Psalmorum numerum attendentes secundum numerum litterarum quas eis preponunt, dicunt hunc esse secundum quia ei preponitur beth. Et istis consentit Cassiodorus [+ et Augustinus ms. laud.] ». L’attribution de ce commentaire à Albert le Grand n’a finalement rien d’invraisemblable. Aucun autre auteur ne lui en dispute la paternité. Elle repose sur une tradition manuscrite un plus importante qu’on ne l’a pensé (5 mss. recensés contre 2 dans le Repertorium biblicum de Stegmüller ; à part le ms. de la Sorbonne ici cité, les trois autres témoins connus sont de provenance dominicaine ; il est postérieur à Hugues de St-Cher dont il dépend. Thomas ne semble pas l’avoir utilisé.