page créée par : Martin Morard 1.8.2022 ; dernière mise à jour : 31.7.2023 (version 11)
Paris, BnF, lat. 106: Glossa ordinaria (Ps.) version italienne copiée en France, s12 2/3. - ©Morard
Je réunis ici quelques notes indiquant les témoins retenus, les Psaumes collationnés et les principes de l'édition en cours. Ce document est régulièrement tenu à jour. Il n'a aucun caractère définitif et comporte de nombreuses imperfections qu'on voudra bien nous pardonner jusqu'à ce que l'avancement du travail en permette une révision définitive.
A propos des rapports entre Psautier romain et Psautier hexaplaire
Le Psautier latin du Moyen Âge tardif : Littera communis et versions multiples
Ratio editionis Textus Psalmorum
Principes généraux d’établissement du texte
Particularités du choix des principaux témoins
Textus Bibliae
textes allagati in apparatu
Percontuli : CorS3 D30 ; def. ΩJ Cor3
Rusch : Biblia latina cum Glossa ordinaria, ed. A. Rusch, Strasbourg, 1480, t. 2, Erfurt, f. 228rbva-326rb; facsim., p. 456b-651b.
Ps-G : Psalterium iuxta Septuaginta Hieronymo translatu, in Biblia vulgata, ed. Weber-Gryson, Stuttgart, 1994, p. 770-954.
Sparsim contuli :
Bari1 sine titulis : Ps. 63, 66, 73, 94
Bari3 sine titulis : Ps. 63, 66, 73, 94-95
D14 : Ps. 4, 24-26, 34, 41, 60-62, 94, 100, 109, 117, 118-3-4, 6, 9 ; Ps. 149-150
Fi : Ps. 63, 66.
Fi179 : Ps. 149-150
Hi sine titulis : Ps. 66, 94, 117, 118-3-9
P106 : Ps. 42, 66 etc.
P748 : Ps. 94-96
P10525 : Ps. 44 (leçons parisiennes), 73 (1 leçon commune avec Bari1), 94
P15613 : Ps. 94-95
Tr511 : Ps. 66 etc.
Δ consensus des témoins dominicains collationnés :
ω1 sine titulis (13e s. ¾ : prototype de la liturgie dominicaine): Ps. 23, 34, 36, 60-63, 66, 68, 73, 93-94, 109-110, 117-118, 149-150.
ω2 sine titulis (13e s. 4/4 : exemplaire de référence du maître de l’ordre dominicain) : Ps. 4, 15, 23, 24, 63-69, 73, 94, 109, 118, 1-3, 149-150.
Pisa : Psautier-bréviaire de la seconde moitié du 15e siècle conservé au couvent des moniales dominicaines, communiqué par Sylvie Duval.
P10489 : sine titulis collationé : Ps. 1-54, 68, 150.
NAL3255 : Ps. 93-94
ΩF : Ps. 34, 94-96 ; 119-130
ΩP : sine titulis Ps. 34, 60-62, 68, 73, 94-96, 109
ΩR : Ps. 94-96
ΩV : Ps. 42-44 etc.
ΩS : Ps. 1-150 (= Ps-G en apparat positif)
ΩX : Ps. 34, 68, 86 etc.
Cor2 (Correctoire dit de Guillaume de Mara) : Ps. 73 (Cor2F) et passim
A propos des rapports entre Psautier romain et Psautier hexaplaire
1. Le texte des Psaumes établi ici est une reconstitution scientifique articifielle du textus receptus ‘gallican’ qui s’est progressivement imposé en Europe continentale, dans les liturgies latines du cursus romain et du cursus monastique, dans les psautiers glosés et les commentaires scolaires, entre la fin du 9e siècle et le Concile de Trente.
2. Adopté dans toutes les régions christianisées sous l’influence du dynamisme missionnaire de l’Eglise de Rome, le psautier romain avait colonisé la quasi totalité de l’Europe insulaire et germanique.
3. L’adoption progressive du Psautier gallican par la psalmodie chorale et individuelle doit impérativement être envisagée comme un processus historique et philologique de substitution de la version courante du Psautier romain (Ps-R) par la version de ce même Psautier romain que Jérôme avait révisé sur la Septante et publié après son retour de Rome à Bethléem (Ps-G).
4. La version hiéronymienne originale et pure (Psalterium iuxta Septuaginta Ps-LXX) n’a jamais été reçue dans la liturgie. Ce texte a cependant été la source de la version du psautier adoptée par les liturgies latines occidentales en remplacement du Psautier dit romain et des versions vieilles latines composées dès les premiers siècles du Christianisme latin pour l’usage des Eglises métropolitaines du bassin méditerranéens et des régions christianisées sous leur influence.
5. Nous appellons ‘gallicanisation du Psautier romain’ le processus liturgique et philologique qui a conduit au remplacement du Psautier romain par un texte issu du Psautier iuxta Septuaginta de Jérôme.
6. La ‘gallicanisation’ de la psalmodie liturgique n’a commencé – au tout au moins ne s’est inscrite dans une dynamique historique documentée et observable - qu’au cours de la seconde moitié du 9e siècle, avec le soutien des souverains du Saint-Empire d’Occident, dans le sillage de la réforme liturgique carolingienne, principalement au sein des réseaux du monachisme anianite (monastères suivant la réforme de Benoît d’Aniane). Le Ps-R comme tel s’est maintenu plus longtemps dans l’espace insulaire et en Italie. Il n’a totalement disparu de l’usage des Eglises de rite latin que dans les dernières années du 20e siècle, lorsque le chapitre de la Basilique Saint-Pierre de Rome a adopté le psautier « néo-vulgate » de la Liturgia Horarum promulguée en application des réformes liturgiques demandée par le second concile du Vatican (Sacrosanctum Concilium, 1965).
7. La gallicanisation du Psautier romain a souvent paru être en contradiction avec le tropisme liturgique romain. Comment expliquer que l’Empire remplace le psautier en usage à Rome par le Psautier iuxta Septuaginta alors que le mouvement général consistait à romaniser la liturgie et à prendre exemple sur la liturgie de la capitale de la Chrétienté ?
8. En réalité, la contradiction n’est ici qu’une illusion d’optique due à une conception erronée des relations entre le Ps-R et le Ps-G que la critique moderne a opposé, ou tout au moins distingué comme deux traductions différentes du Psautier effectuées successivement par Jérôme, l’une adoptée par la liturgie romaine et l’autre, érudite et savante, sans relation avec la première ou tout au moins non liturgique. Mais la comparaison synoptique mot à mot des deux versions (Ps-R et Ps-G) et une lecture sans préjugé des préfaces de Jérôme fait apparaître une situation très différente. La préface Psalterium Romae dudum du Ps-G ne dit pas que le Ps-R serait une traduction intégrale et originale que la critique historique considère comme perdue ou n’ayant subsisté que sous la forme corrompue (par rapport au grec) du texte utilisé à Rome. Jérôme dit seulement qu’il a entrepris lors de son séjour à Rome une première révision rapide de la version vieille romaine en usage, remise à Damase, révision qu’il a reprise par la suite ab ovo. Il n’y a donc jamais eu deux traductions de Jérôme sur la Septante, mais une seule et unique version publiée, celle que l’édition maior de la Vulgate a cherché à éditer. Le Ps-R n’a jamais été autre chose que la version vieille latine en usage à Rome. La révision romaine effectuée par Jérôme n’a jamais fait l’objet d’une diffusion indépendante. Le Ps-R de la liturgie romaine a peut-être transmis jusqu’à nous quelques unes des corrections soumises à Damase mais il n’est pas dans son intégralité une traduction attribuable à Jérôme comme les médiévaux ont cru pouvoir le déduire de la préface Romae dudum. Jérôme n’a publié que le Ps-LXX, aboutissement de la révision esquissée à Rome. Autrement dit, le texte de base du Ps-LXX est le psautier liturgique en usage à Rome de son temps, le Ps-R, remanié par Jérôme en profondeur à partir du grec de la Septante. De fait, environ 35 % du texte du Ps-LXX est identique à celui du Ps-R.
9. Comme les chronistes carolingiens ont cru que le Ps-R était un texte hiéronymien natif ou original– ce qui est faux - et que le Ps-LXX était l’aboutissement de la correction du Ps-R – ce qui est vrai – le Ps-LXX a été considéré comme la version correcte du Ps-R à adopter dans l’optique d’une romanisation plénière de la liturgie. Pour eux, et sans doute pour les chantres romains qu’ils avaient fait venir à Aix la Chapelle pour réformer le chant liturgique et les former aux usages romains, le vrai Psautier romain n’était pas le psautier en usage dans les basiliques romaines, mais le Ps-LXX, considéré comme le Ur-Text hiéronymien de la version d’usage, elle-même considérée comme un ersatz dégradé.
10. La version du Psautier qui a été substituée au Psautier romain, qualifiée de gallicane en référence à l’espace géographique germano-franc (Gallia) initialement concerné, s’est répandue en Occident comme une tache d’encre sur un buvard. Par cette image, je veux signifier que cette diffusion n’a été ni immédiate, ni régulière, ni universelle, ni même philologiquement homogène. Le texte issu de cette substitution est une version hybride canonisée par l’usage liturgique issue d’abord et majoritairement du Ps-LXX, ensuite et minoritairement du Ps-R, enfin et plus minoritairement encore de choix aléatoires et quasi accidentels des stationnaires parisiens du 13e siècle. A ces influences s’ajoute à la marge celle de l’analyse philologique et linguistique dont témoigne le correctoire franciscain (Cor2). Ce texte a été progressivement standardisé par le double rasoir de la récitation liturgique et du phénomène de la Bible parisienne. Nous l’appelon Psautier de la Littera communis ou Psautier liturgique (Ps-L).
11. Le Psautier romain a résisté doublement. D’une part une partie conséquente du Ps-LXX original est identique au Ps-R, d’autre part, de nombreuses leçons du Ps-R ont contaminé le Ps-LXX, donnant lieu à une multitude de versions hybrides. De multiples corrections ponctuelles montrent que le Ps-R est resté une référence. Tantôt certaines survivances du Ps-R au sein des textes en usage ont été expurgées, tantôt des leçons du Ps-R ont été restituées. Très souvent l’usage majoritaire a remplacé certaines versions de l’archétype hiéronymien par des leçons du Ps-R, réinsérées dans le texte liturgique. Ces variations sur le Ps-R ne peuvent pas s’expliquer, me semble-t-il, par une cause unique et simple. Elles dépendent des différentes façons dont les éditeurs des psautiers anciens tenaient compte de la mémoire liturgique de leurs communautés formée à psalmodier selon le Ps-R. Elles dépendent surtout de l’autorité relative que ces éditeurs accordaient d’une part à chacune des versions en présence, Ps-R et Ps-G, et d’autre part au siège de Pierre et à sa liturgie. Tout se passe même, pour qui lit attentivement les apparats de l’Editio maior, comme si après un premier mouvement de gallicanisation, la réforme grégorienne et l’expansion de la puissance pontificale aux 11e et 12e siècle avait conduit à une néo-romanisation du Ps-L par réinsertion de leçons empruntées au Ps-R.
12. Finalement, et pour résumer, l’influence du Ps-R subsiste dans le texte de la Littera communis à trois niveaux : 1° parce que Jérôme a utilisé le Ps-R comme texte de base de sa révision sur la Septante, 2° parce que le texte du Ps-LXX a été corrompu par les lapsus memoriae de ses copistes, familier du Ps-R ; 3° enfin et plus tard par une nouvelle romanisation dont je cerne encore mal les contours mais qui me semble être un contre-coup de la Réforme grégorienne et de la valorisation des pratiques romaines qui a pu en découler dans certains milieux.
Le Psautier latin du Moyen Âge tardif : Littera communis et versions multiples
1. Le Psautier du Moyen-âge est multiple. Les usages ecclésiastiques et les contextes d’utilisation (étude, culte public, récitation individuelle) ont donné lieu à des réceptions particularisées, sources de modalités textuelles particulières qui se sont à leur tour contaminées entre elles. Quelle est donc la version du Psautier la plus commune au Moyen-Âge ? Répondre à cette question équivaut à résoudre une équation à plusieurs inconnues. A quel usage du Psautier fait-on allusion ? Au culte public, à la dévotion privée ou à l’usage savant ? Dans quelle période du Moyen-Âge se situe-t-on ? Haut Moyen-Âge pré-carolingien, période carolingienne, Réforme ecclésiastique du 11e siècle, 12e siècle des écoles, 13e siècle des stationnaires et des universités... ? De quelle version du texte des Psaumes parle-t-on ? Versions vieilles latines témoins de la pratique liturgique des principales régions ecclésiastiques avant le 9e siècle ; traductions hiéronimiennes sur le grec ou l’hébreu fruit de collations savantes ? Etats de la version hexaplaire de Jérôme corrompue par l’usage liturgique, mais plus répandus que le texte original de Jérôme, et devenus ‘vulgate’ entre le 9e et le 13e siècle ?
2. En outre, les bibles glosées comportent nombre de sentences (surtout interlinéaires) qui sont des variantes du texte biblique, ancêtres des ‘leçons’ de nos apparats critiques modernes. Ces sentences, que nous qualifierons de ‘philologiques’, se sont accumulées au fil des versions de la Glose. Introduites par «vel», «alias» ou «aliter», elles sont empruntées de manière aléatoire à l’une ou l’autre des versions du Psautier latin : le Psautier africain par l’intermédiaire d’Augustin, le Psautier Romain ou telle version du Psautier gallican. Vers la fin du 12e siècle, les gloses de la gloses des écoles, à commencer par Pierre Lombard, y ajouteront des leçons du Psautier iuxta Hebreos. Ce dernier a été peu exploité par la Glose de Laon. Il le devint plus tard au cours du 12e siècle, de façon de plus en plus systématique dans le contexte des écoles puis des studia à Paris, comme l’attestent les scolies marginales des manuscrits ou des commentaires comme ceux de Thomas d’Aquin et de Jean Olivi.
3. Pour démêler cet écheveau, notre édition de la Glose du Psautier appelle une édition spécifique du texte des Psaumes qui permette d’identifier la source de ces leçons et d’en expliquer la présence.
4. Jusqu’ici trois logiques, parfois contradictoires, se sont conjuguées à des degrés divers dans le processus d’établissement scientifique du texte de la Bible latine, et en particulier du Psautier latin :
5. La première logique, linguistique, privilégie la fidélité aux versions primitives, principalement le grec et l’hébreu. Elle a conduit à la diffusion de versions latines amendées à plusieurs reprises au fil des siècles en fonction des connaissances propres à chaque époque : Jérôme, Alcuin, Théodulphe (9e s.), Bibles atlantes (11e s.), Bible universitaire, voir en particulier le correctoire Sorbonne 1 (13e s.), éditions érudites multiples du 16e siècle couronnées par la Vulgate Sixto-Clémentine (16e s.). Le dernier état de cette évolution est la «Néo Vulgate» publiée à la suite du concile Vatican II et destinée à la célébration de la liturgie latine et des rites de filiation romaine. Mêlant néologismes, corrections érudites et vestiges hiéronymiens, elle s’est rapidement effacée à la fois sous la pression des versions vernaculaires et de la reviviscence de la liturgie tridentine, après avoir découragé les oreilles formées au rythme de la poésie des traductions hiéronymiennes, si déformées qu’elles aient pu être par l’usure du temps et la négligence des hommes.
6. La seconde logique, philologique, privilégie la restitution des traductions anciennes telles qu’elles étaient à l’origine de leur diffusion : différentes versions des Psautiers vieux latins : Mozarabe, Milanais, Italique, Africain etc., Psautier romain (désormais Ps-R), Psautier Hexaplaire de Jérôme traduit sur le grec (désormais Ps-G), Psautier iuxta Hebreos de Jérôme (désormais Ps-H). Elle a présidé à l’édition critique de la Vulgate par les Bénédictins de l’abbaye Saint-Jérôme de Rome (1922-1995) : leur objectif était de restituer le texte original de la traduction de Jérôme sur le grec de la Septante, tout en tenant compte de l’apport du de l’hébreu pour le choix de certaines variantes. Un très grand nombre de leçons que restituent ces éditions ne sont attestées que par trois ou quatre manuscrits (6e-10e siècles) considérés comme témoins privilégiés de l’archétype supposé (premier apparat dit ‘positif’). Cf. H. Quentin, Mémoire pour l’établissement du texte de la Vulgate, p. 511 : «Il ne faut pas perdre de vue le but de notre édition, qui est de proposer les corrections à faire à l’édition officielle de l’Eglise».
7. La troisième logique, historique, cherche à restituer le texte effectivement utilisé au cours du Moyen-Âge en identifiant les différentes communautés géographiques, rituelles, intellectuelles (écoles, universités) représentées par des témoins privilégiés. Chaque leçon s’inscrit alors dans une histoire sociale et culturelle qui doit tenir compte de la philologie mais ne s’y réduit pas.
8. Cette dernière démarche conduit à restituter le texte attesté par la majorité des témoins post-carolingiens du Psautier gallican, et à donner à lire dans un apparat ordonné les leçons qui n’ont pas été reçues par l’usage ecclésiastique médiéval. Il s’agit moins de «rejeter» des «erreurs» que d’organiser des «lectures» ou «leçons» en privilégiant celles qui ont fait l’objet d’une réception majoritaire et en précisant les contextes ecclésiastiques de ces réceptions. Il ne s’agit pas d’éditer une version unique ou un état précis du texte, mais plutôt de proposer un instrument de travail qui aide à comprendre les variations du texte latin des psaumes en usage au Moyen-Âge et les origines de celles-ci.
Ratio editionis Textus Psalmorum
1. Notre édition du texte des Psaumes éditées avec la Glose ordinaire est à la fois originale et expérimentale. Elle dépend en priorité des acquis des entreprises antérieures : éditions critique de la Vulgate et des trois versions hiéronymiennes. Elle y ajoute la collation de témoins privilégiés nouveaux : psautiers destinés à la récitation privée et livres liturgiques des grands ordres, manuscrits copiés sur exemplar, correctoires.
2. Le texte des Psaumes établi ci-dessous est une reconstitution du textus receptus ‘gallican’ qui s’est progressivement imposé en Europe continentale, dans les liturgies latines du cursus romain et du cursus monastique, dans les psautiers glosés et dans les commentaires scolaires entre la fin du 9e siècle et le Concile de Trente.
3. Les éditeurs de l’Editio maior avaient cherché à restituer la version principale du texte des Psaumes traduit par saint Jérôme d’après la Septante, plus connu sous le nom de Psautier hexaplaire ou de Psautier gallican (réceptions carolingiennes et médiévales), à partir des leçons comparées de 4 ou 5 psautiers manuscrits carolingiens ou pré-carolingiens.
4. Les éditions critiques citées ont presque toujours rejeté en apparat les leçons majoritaires, autrement dit celles qui étaient attestées par le plus grand nombre de témoins retenus, lorsque celles-ci s’écartent du texte des manuscrits considérés comme témoins de l’archétype hiéronymien reconstitué. Le texte de l’édition critique publié dans le tome X de l’Editio maior en 1953, repris presque à l’identique par Dom Weber et Gryson dans l’édition manuelle de Stuttgart (Editio minor), est donc un texte qui n’a jamais été reçu comme tel et dans son intégralité par l’usage liturgique et par les commentateurs monastiques et scolaires qui s’appuyent tous sur le texte en usage dans la liturgie des heures qu’ils célébraient.
5. A partir du texte de l’Editio minor, nous avons dans un premier temps restitué le texte biblique de l’édition princeps de la Glose (Rusch). Le texte biblique de Rusch s’écarte du texte critique plus souvent dans le Psautier que dans les autres livres de la Bible. L’origine de ses leçons propres reste à déterminer par des sondages dans les psautiers des 12e et 13e siècles non pris en compte par les éditions critiques du Ps-G (Psautier gallican) et du Ps-R (Psautier romain et anciens psautiers latins). Rusch s’accorde plusieurs fois avec le groupe insulaire [Hi ΩM] contre la Littera communis du Psautier ; il s’écarte moins souvent du Ps-R et des versions vieilles latines que la Littera communis. Il est possible qu’il s’agisse de corrections apportées par Rusch pour faire concorder son texte avec les gloses patristiques mais je ne peux pas le prouver à ce stade de l’enquête, encore en cours, et cette hypothèse ne se vérifie pas certainement pas dans tous les cas.
6. Dans un second temps, nous reconstituons progressivement le texte de la Littera communis de la seconde moitié du Moyen Âge ou Moyen Âge tardif en usage en restituant dans le texte édité les leçons communes ou quasi communes à tous les témoins et en privilégiant le texte dit parisien. La justification de cette dernière option appelle des explications plus détaillées que nous réservons à étude spécifique).
7. Les leçons propres à l’édition Rusch de la Glose ordinaire (Rusch tantum dans les apparats), ainsi que celles de l’édition critique de la Vulgate (Ps-G synonyme ici de Edmaior.) qui s’écartent de l’usage majoritaire sont rejetées dans l’apparat du texte biblique.
8. Les leçons propres à l’édition Rusch de la Glose ordinaire (Rusch tantum dans les apparats), ainsi que celles du texte critique de la Vulgate (Ps-G = Edmaior.) q sont rejetées dans l’apparat.
9. Pour ce faire, nous restituons les leçons majoritaires en circulation au Moyen-Âge signalées dans l’apparat de l’édition critique du Psautier gallican (rell. codd. et edd. = plerique codices et editiones) confirmées par la collation de quelques témoins remarquables non glosés, non pris en compte par l’Edmaior, mais significatives des usages et de la réception liturgico-scolaire du texte : psautiers prototype cirstercien (D30), dominicains, manuscrits témoins des versions en usage à Paris des 12e, 13e et 14e siècles (famille Ω élargie), etc.
10. Sont également indiquées dans l’apparat
du texte biblique:
- les leçons minoritaires de l’apparat de l’édition maior attestées par plus d’un témoin ;
- l’intégralité des leçons Ω et des
leçons des prototypes dominicains et cisterciens qui semblent s’écarter de
l’usage majoritaire.
11. Les variations graphiques sont en principe écartées ; pour les noms propres, voir Ratio editionis de la Glose ordinaire et de la Littera communis. Les corrections isolées ne sont pas systématiquement signalées.
12. La numérotation des Psaumes est celle du Psautier Septante (Ps-G) seule en usage dans jusqu’à la fin du 15e siècle.
13. La numérotation des versets en chiffre arabes correspond à la division moderne établie par les éditeurs du 16e siècle à partir de la stichométrie hébraïque, appliqué au Psautier latin à la fin du 16e siècle.
14. La division liturgique des versets est le plus souvent commune aux psautiers liturgiques et glosés.
15. La numérotation des versets en chiffres romains correspond à la stichométrie du Psautier latin traduit sur le grec de la Septante, déjà attestée par le Psautier romain (Ps-R) et conservée par saint Jérôme dans le Psautier gallican (Ps-G). Cette seconde division est la seule en usage dans la psalmodie liturgique latine et les commentaires bibliques jusqu’au concile Vatican II. C’est elle qui structure toutes les versions de toutes les versions médiévales de la Glose sur les Psaumes. Le Moyen Âge ne numérote pour ainsi dire jamais les versets du Psautier.
16. Ponctuation psalmodique. Notre édition est la seule édition scientifique du Psautier médiéval qui respecte la stichométrie liturgique. J’édite également les flexes (†) et les médiantes (¦) du psautier protoype cistercien de Cîteaux (Dijon, BM, ms. 30 ; sigle D30) et du psautier des Ecclesiastica officia d’Humbert de Romans à partir du quasi prototype de l’ancienne province de France (ω1 exemplaire de Sante Sabina in Urbe) et de l’exemplaire portatif du maître de l’ordre dominicain (ω² exemplaire de Londres ; voir références infra).
17. A de rares exceptions près, flexes et médiantes des deux ordres concordent. Celle du Psautier cistercien semble avoir été drastiquement révisée au 13e siècle, avant la promulgation de la liturgie dominicaine unifiée néanmoins. Nous réservons à une étude spécifique l’analyse des nombreuses variations de ces données propres à l’histoire du Psautier latin. La concordance des usages cisterciens et dominicains, particulièrement frappante pour les flexes, rejoint presque toujours l’usage commun à partir du 12e siècle. Dans l’apparat du texte, le marqueur de structure <divisio.> signale les usages différents observés au fil des collations.
18. Tous les manuscrits ne se prêtent pas à la collation de la ponctuation liturgique qui a souvent été négligée dans les psautiers manuels destinés prioritairement à un usage privé, surtout quand ils ont été copiés avant l’abandon de la psalmodie chorale sine libro. Je ne signale pas la ponctuation psalmodique de Rusch, des manuscrits glosés et des psautiers bibliques dont les copistes ont manifestement omis ou négligé ce paramètre.
19. Le titres des psaumes sont omis par les psautiers non glosés Hi ΨB ΩM Δ (psautiers dominicains) dans la Bible de Gutenberg (Ed1455) mais ils ont été ajoutés à la main dans certains exemplaires. Nous indiquons ici cette omission pour n’y plus revenir. Val24 D30 associent titres bibliques et titres chrétiens, guide de la récitation du Psautier in persona («voce») Christi et Ecclesiae dont on retrouve des traces dans la plupart des commentaires des Psaumes antérieurs à l’exégèse des écoles, ainsi que dans certains manuscrits glosés du Psautier et du Cantique. D30 s’apparente à la série 1 [saint Columba] des tituli Psalmorum édités par Pierre Salmon, avec de nombreuses variantes de la sous-classe des témoins du 12e siècle. Les titres de D30 ont été intégralment collationnés.
Principes généraux d’établissement du texte
1. Nos déclarations de témoins ne mentionnent en principe que les témoins intégralement collationnés pour l’unité textuelle concernée. Nous invitons à se consulter les apparats de l’édition critique (Edmaior.) de préférence à ceux de l’édition manuelle (Weber Edminor.) dont les apparats sélectifs omettent les variantes qui intéressent l’histoire du Psautier de la seconde moitié du Moyen-Âge.
2. L’édition critique de la Vulgate (Ps-G Edmaior.) procure un texte savant du Psalterium iuxta Septuaginta Hieronymo translatum, qui tend à reconstituer la révision de Jérôme sur le grec des Hexaples. Le texte adopté dans les liturgies de l’empire carolingien à partir de la seconde moitié du 9e siècle est une version mixte entre le Ps-G hiéronymien et le Psautier romain (Ps-R) hérité de l’usage romain, chanté par coeur et diffusé au-delà des Alpes par les missionnaires envoyés de Rome.
3. C’est ce textus receptus que nous restituons à partir de Rusch et des apparats critiques du Ps-G (texte de base) et du Ps-R. Le texte biblique du Psautier édité ici avec la Glose est donc celui de Rusch, corrigé par les leçons attestées par la majorité des témoins de l’édition critique de la Vulgate (Ps-G plerique codd. et edd.) et en particulier par le texte parisien du 13e s. Les écarts de Rusch par rapport à l’Edmaior. correspondent, de fait, très souvent aux leçons héritées du Psautier romain conservées par l’usage liturgique même après l’adoption du Psautier gallican (Ps-G).
4. Ce textus receptus n’est pas homogène, loin s’en faut. On y distingue des leçons attestées dans des manuscrits originaires de régions linguistiques ou de groupes sociaux différents : groupe insulaire [Hi ΩM W], dominicains [ω1 ω²], parisien (ΩS) etc.
5. Seuls Rusch et l’édition critique du Psautier gallican (Ps-G = Edmaior. = Weber) ont été intégralement collationnées. Nous rejetons en apparat les leçons propres à Rusch ou à l’Edmaior. qui s’écartent du texte majoritairement attesté depuis la fin du 12e siècle, sauf si la leçon du textus receptus est signalée comme une glose interlinéaire, ce qui oblige à conserver la leçon de Rusch [voir par exemple Ps. 77, 69 : edificavit sicut unicornis / vel unicornium ; Ps. 93, 4 iniquitatem Rusch / iniustitiam textus receptus renvoyé dans la glose interlinéraire].
6. Les autres témoins sont cités de manière ponctuelle, à titre de sondages, pour éclairer les origines et la postérité du Psautier édité ou des leçons attestées par la Glose. Lorsqu’une leçon est propre aux témoins mentionnés et à eux seulement nous le précisons par l’adverbe tantum.
Particularités du choix des principaux témoins
1. Rusch semble s’écarter des témoins du texte critique plus souvent dans le Psautier que dans les autres livres de la Bible. L’origine de ces leçons propres à Rusch (Rusch tantum dans les apparats) reste à déterminer par des sondages dans les psautiers des 12e et 13e siècles non pris en compte par l’Edmaior. Rusch s’accorde plusieurs fois avec le groupe insulaire [Hi ΩM] contre le textus majoritaire du Psautier ; il s’écarte moins souvent du Ps-R et des versions vieilles latines que le textus receptus. Il est possible qu’il s’agisse de corrections apportées par Rusch pour faire concorder son texte avec les gloses patristiques mais je ne peux pas le prouver à ce stade de l’enquête encore en cours.
2. Les psautiers proto-cisterciens -
celui de la Bible d’Etienne Harding [D14] et le psautier ‘prototype’
cistercien dit «de Saint-Vaast d’Arras» [D30] - sont hétérogènes : D14
est un psautier biblique datable par sa copie des premières années du 12e siècle, témoin de qualité de la recension
hexaplaire hiéronymienne alcuinienne, assez proche de ΦR, mais avec des exceptions notables :
Ps. 24, 6 : que plerique codd. edd. D14 D30 Rusch cum
Ps-R] quia Ps-G (R M* ΦRV)
Ps. 149, 6 :
populo suo] beneplacito populi sui D14 tantum
Ps. 150, 2 : eum] om. D14 tantum
3.
Les titres bibliques, prévus, ont été partiellement omis
de D14. Il semble
que le troisième volume de la Bible d’Etienne Harding qui contient le Psautier
soit antérieur à Etienne (CGM, t. 5, p. 5-6 ; voir désormais pour la datation
paléographique et iconographique Y. Załuska,
L’enluminure
et
le
scriptorium de
Cîteaux
au
XIIe
siècle,
Cîteaux, 1989, p. 63-73 et eadem, Manuscrits
enluminés
de
Dijon,
Paris, 1991, p. 49-56). Le Monitum d’Etienne qui figure à la fin du
premier volume (BM 13, f. 150) interdisait toute modification conséquente du
texte des livres historiques, des Rois tout au moins (Dijon, BM, 12 et 13, éd.
J. Mabillon, PL 166, 1376A ; voir désormais M. Cauwe,
«La Bible d’Étienne Harding. Principes de critique textuelle mis en œuvre aux
livres de Samuel», Revue bénédictine, 103 (1993), p. 414-444, ici p. 416-417) :
«Quapropter Hebraicae atque Chaldaicae veritati,
et multis libris Latinis, qui illa non
habebant, sed per omnia duabus illis linguis
concordabant, credentes, omnia illa superflua
prorsus abrasimus, veluti in multis hujus
libri locis apparet, et praecipue in libris
Regum, ubi major pars erroris inveniebatur.
Nunc vero omnes qui hoc volumen sunt
lecturi rogamus, quatenus nullo modo praedictas
partes vel versus superfluos huic operi
amplius adjungant. Satis enim lucet in
quibus locis erant, quia rasura pergameni
eadem loca non celat. Interdicimus etiam
auctoritate Dei et nostrae congregationis, ne
quis hunc librum, magno labore praeparatum,
inhoneste tractare, vel ungula sua per
scripturam vel marginem ejus aliquid notare
praesumat».
4. D’après les collations que nous publions ici, le Psautier n’a pas fait l’objet du même travail de révision puisqu’il s’agit de la traduction de Jérôme sur la Septante. Toutefois, certaines leçons communes avec D30 (Ps. 24, 6), certaines issues de corrections assez rares (Ps. 117, Ps. 136 etc.) indiquent que les deux psautiers ont été ponctuellement harmonisés, peut-être dans la seconde moitié du 13e siècle.
5. D30 est
un psautier dévotionnel, destiné initialement à la récitation privée, censé
avoir appartenu à Robert de Molesme et, à ce titre, destiné dans un second
temps à servir d’exemplar «in littera et acce<n>tu ac
punctuatione» pour la copie et la correction de tous les psautiers en usage
dans l’ordre de Cîteaux, comme le déclare le préambule du f. 10 qui évoque
cette origine et cette destination :
«Beatus pater Robertus, Spiritu sancto inspirante, exiens de monasterio
Molismi, quod ipsemet fundaverat, et tamquam apis argumentosa Domino cum sancta
confratrum suorum comitiva veniens ad locum celitus sibi ostensum, in quo
erat sacrum Cisterciense monasterium, caputtam excellentissimi et devotissimi ordinis,
fundaturus, inter alia obtulit presens psalterium, quod per compositionem,
postmodum auctoritate apostolica inter Cistercienses et Molismenses factam,
remansit apud Cistercium. Super quo tocius hujus sacre religionis psalteria
transsumi et emendari in littera et accentu ac punctuatione debent. Sed ordo
non acceptavit precedens kalendarium nec sequentem letaniam». Quoi qu'il en soit, d’après la notice du CGM, «ce
psautier servit de type aux Cisterciens; le texte en fut imprimé en 1486 (Bibl.
nat., B.27915)».
6. Cette note ajoutée au recto du f. 10 est
difficile à dater parce qu’elle imite une écriture du 12e siècle dans le
courant du 13e siècle
[Zaluska, Manuscrits de Dijon, 1991, p. 44 ; je remercie
mes collègues Maria Gurrado et Dominique Stutzmann qui sont arrivés aux mêmes
conclusions]. L’ajout est certainement antérieur à la restauration des f.
145-146 qui a fait disparaître les litanies encore mentionnée dans le texte de
la notice, puis cancellée [fait non signalé par Zaluska]. La collation du texte
met en évidence deux strates éditoriales de D30
:
(1°) le texte original - témoin
d’un psautier dévotionnel d’origine monastique, pré-cistercien, moins proche de
ΦR que D14 mais
qui présente des séries d’accords communs avec le Ps-G non retenus par la littera
communis médiévale.
(2°) un texte révisé, caractérisé par de nombreux grattages et cancellations, des
corrections ortographiques par grattages[1],
certaines à l’encre rouge, la
révision des médiantes, l’ajout des flexes cisterciennes (très souvent ajoutées
de seconde main) et, tardivement de quelques accents (voir f. 18 etc.), ainsi
que des mots restaurés (certains réécrits sur des inscrustations de parchemin
neuf : f. 60.ligne16, 71 etc.). Ajout par une main du 12e s., parfois doublée par une main du 15e s.,
de l’indication des «divisions» des Psaumes prescrites pour la psalmodie
liturgique par la règle de saint Benoît aux Ps. 9, 22 [#début de la psalmodie
de prime du mercredi dans le cursus monastique] ; Ps. 36, 27 (en noir) ; Ps. 9,
26 (rubriqué dans le texte du f. 21 réécrit), nombreuses lettres redessinées
(v. g. f. 16v), et même réécrites sur des comblements de trous du parchemin (f.
60, lin. 16, Ps. 67, 4 : exultent), Ps 77, 36-XL Et
dilexerunt). Quelle que soit la date de son
élévation au rang de modèle, il est un témoin important du texte des Psaumes en
usage non seulement à Cîteaux, mais aussi dans la France du Nord à la fin du
11e siècle, contemporain de la rédaction de la Glose de Laon, et du commentaire
des Psaumes publié au 16e siècle sous le nom de maître Bruno de Reims qui se mit quelques mois sous
la conduite de Robert à Molesmes avant de se retirer en Chartreuse en 1084. La
route qui a conduit ce psautier d’Arras au Nouveau Monastère passe par Laon, Reims
et Molesmes. Nous avons fait une collation intégrale du texte et
des titres des Psaumes.
Le psautier manuel Val24 (prov.
Rome, Tre Fontane), également copié dans le dernier quart du 11e siècle, est
aussi destiné à la récitation solitaire. Chaque psaume y est de la même série
d’oraisons psalmiques que D30 ; la présence d’obèles et d’astérisques,
dénote un souci critique de fidélité au Ps-G, mais il appartient à la famille
du Ps-R.
7. Psautier franciscain : Les franciscains ont adopté le bréviaire de la Curie d’Honorius III (à ne pas confondre avec le bréviaire romain). Dans ce dernier, le Ps-R est remplacé par le Ps-G [Oxford, Bodleian Library, Canonici Liturg. 379 (cat. 19462) ; Van Dijk, Ordinal, 1975, p. XXIV]. La règle franciscaine précise que la version du psautier utilisé pour les offices sera le Ps-G, ce qui n’allait pas de soi pour des communautés répandus d’abord dans la péninsule italique où l’usage du Ps-R était encore répandu, même en dehors de Rome. Toutefois, à la différence de ce que feront les domicains à partir d’Humbert de Romans, la première version manuscrite du bréviaire franciscain diffusée à l’occasion du chapitre général de 1230, ne contenait pas de psautier [Van Dijk, Ordinal, 1975, p. XXV : «Gallican Psalter which howhever was not provided with the edition itself» ; v. g. Assisi, Sacro Convento, ms. 694]. Chacun demeurait libre d’adopter un psautier gallican disponible [voir par exemple Meaux, BM, ms. 3, f. 1-26 : psautier copié en France, 13e 2/4, avec ajout (s13) des antiennes fériales et des accents toniques, ainsi que dans toute la suite du bréviaire, en vue de la psalmodie collective. Le bréviaire à proprement parlé est d’origine italienne selon Van Dijk, ibid., note 8]. Jusqu’à plus ample informé, il n’y a donc pas à prévoir la collation d’un témoin typique des usages franciscains du Psautier puisqu’il n’en existerait pas.
8. Psautier dominicain : Le prototype de la liturgie dominicaine (Δ = ω1 ω² ) est le seul témoin de la correction du Psautier gallican effectuée par les dominicains de Saint-Jacques de Paris au 13e siècle. Ni la bible dite «de Saint-Jacques» (ΩJ), ni les correctoires dominicains - Hugues de Saint-Cher (Cor1), Cor3 (=marg. ΩJ)- ni le correctoire dit Sorbonne 1 (CorS1), issu du même antigraphe que le Cor3 des marges de la bible ΩJ ne comportent de Psautier. Pourtant le prototype d’Humbert de Romans ω1, est contemporain de ΩJ ou à peine postérieur; l’exécution graphique de ω² lui est postérieur d’au moins une décennie (v. 1270 selon M.-Th. Gousset, «La décoration du Prototype»). De nombreuses leçons de ces témoins corrigent le texte liturgique majoritaire par des leçons identiques à celles qui ont été retenues au 20e siècle comme texte critique du Psautier Hexplaire (Ps-G) ; d’autres le corrigent par un retour aux leçons du Ps-R, souvent considéré au Moyen-Âge comme témoin privilégié du texte grec de la Septante. Elles ont été confrontées par sondages au Psautier P10489 et aux psautiers-bréviaires NAL3255 [Poissy] T77 T79 [Toulouse ] Bo179 [Bologne], Fi [Firenze, Archivio di Santa Maria Novella, I.B. 56 (f. 49-194) monialium monasterii Sancti Iacobi de Ripolis de Florentia. On constatera dans nos apparats que plusieurs de ces corrections ont été écrasées par la force du textus receptus majoritaire et ne se sont pas maintenues de façon homogène dans la tradition dominicaine. On constate aussi des accords significatifs entre ω1 et le fragment d’exemplar ΩX1, entre ω² et le fragment d’exemplar ΩX2, fragments réunis dans le ms. Mazarine 37 qui conserve des vestiges des exemplars bibliques utilisés par l’atelier de la famille de Sens (voir par exemple apparats du Ps. 4). A ce propos il est à noter que plusieurs de ces accords avec ΩX ont fait l’objet de correction de seconde main. Cela pourrait signifier que le texte, ou tout au moins la ponctuation, ont été établis à partir du texte en usage auprès de la famille de Sens mais qu’il a ensuite été et corrigé par la commission du Prototype.
9.
P10489 :
Psautier liturgique portatif noté avec calendrier
dominicain du 15e s., provenance ancienne inconnue. La qualification de « psautier dominicain » (Leroquais
Psautier n° 331) semble recevable. Le texte
des Psaumes est plus proche du prototype parisien (ω1) que de
l’exemplaire portatif (ω²) ; on observe toutefois quelques écarts plus
notables. Sur plus d’un millier de lieux variants collationnés (15.5.2023), on
compte une cinquantaine d’accords avec ω1 contre ω² et un vingtaine d’écarts par
rapport à Δ (Ecclesiastica officia Humberti de Romanis édité dans
Sacra Pagina) . La ponctuation, négligée, n’a pas été systématiquement
collationnée.
Par ex. Ps. 23, 2 : eum... eum P10489] eum ... eam Δ.
ω1 et ω² ne concordent pas
toujours. Le
prototype parisien (ω1)
se distingue du texte de la Bible parisienne par des leçons plus proches de
l’édition critique du Psautier gallican ; ω² présente beaucoup d’erreurs de copie (voir
Ps. 73) et comme une certaine régression par rapport au
prototype. Peut-être ces discordances sont-elles le témoins de désaccords entre
une élite parisienne qui dans la filiation d’Hugues de St-Cher et de Michel de
Novireuil, tendait à une réelle amélioration du texte critique de la Vulgate,
et, d’autre part, la mediocritas aurea des provinces et couvents de ministère, plus attachés
à des habitudes, dont l’exemplaire portatif, témoin et catalyseur du consensus
collectif, serait le témoin. Certaines leçons les distinguent,
en particulier :
Ps. 149, 4 exaltavit Ps-G (V*) ΩP ΩS
Clementina (Ed1592*) cum Ps-R]
exaltabit Hi D14 D30 Fi179 ω1 Ed1455 Ps-G, exultabit ω²
10. Psautier de Notre-Dame de Paris : le psautier du bréviaire parisien identifié
comme à l’usage de Notre-Dame par
Maria Gurrado (CNRS-IRHT) est
représenté par trois témoins
choisis :
Bari1, psautier-bréviaire, copié avant 1296 (13e 4/4) ;
Bari3, psautier-bréviaire, copié avant 1296 (13e ¾ ? écriture méridionale) ; usage liturgique Le texte des deux psautiers présente
quelques variantes uniques communes, mais il n’est pas possible à deux chantres
de psalmodier ensemble les mêmes versets simultanément à partir des deux
manuscrits en même temps.
P748 : psautier bréviaire à usage d’une église de Paris
(probablement Notre-Dame, selon Maria Gurado 10.4.2018),
13e 2/4, sans titre ni antienne, liturgisé au
cours du 13e s.
11. P10525 : Pseudo psautier de Louis IX copié entre 1258 et 1274, peut-être plutôt à cette dernière date si on pense devoir suivre l’analyse de P. Stirnemann. Le texte des Psaumes, Parisien, est celui de la première correction parisienne, similaire à celui de ΩS (cf. Ps. 43, 9 X : confitebimur tibi). Nous n’en relevons pas les ponctuations et mediantes, trop souvent omises et parfois trop aberrantes pour être considérées comme représentatives de l’usage de Paris.
12. P15613 : Psautier bréviare contemporain, légué à l’usage de la Sorbonne par son fondateur (+1274) ; le psautier, d’une autre origine que le corps d’ouvrage, semble de la première moitié du 14e siècle. Sur la datation et la destination liturgique de ces livres, voir les travaux de Maria Gurrado sur la liturgie de Notre-Dame de Paris au 13e siècle à qui je dois la communication des photographies de ces manuscrits et les in. Nos collations (sondages : Ps. 101, 106, 107, 109, 116, 118-1 etc.) montrent que plusieurs leçons (idiosyncrasies graphiques et traces du Ps-R) sont communes à P15613 et Bari1 qui semblent dépendre d’un modèle commun (voir notamment la leçon allixisti me pour allisisti me, propre à ces deux manuscrits). D’autres leçons ne sont pas attestées dans les autres psautiers bibliques parisiens ou dominicains contemporains. La ponctuation psalmodique (division des versets, flexes, médiantes) des deux manuscrits est assez concordante et se rapproche de celle du psautier dominicain.
Glossa ordinaria
Texte en cours de révision
Testes Glossae allegati
Percontuli :
Rusch : Biblia latina cum Glossa ordinaria, ed. A. Rusch, Strasbourg, 1480, t. 2, Erfurt, f. 228rbva-326rb; facsim., p. 456b-651b.
sparsim contuli :
Alb45 : Ps. 1
P106 : Ps. 42, 60, 66 etc.
Tr501 : Ps. 60, 66 et passim
Et autres témoins signalés dans la déclaration de témoin de chaque sentence collationnée.
1. Dans
l’édition Rusch, la Glose sur les Psaumes a été fortement remaniée
1° par des emprunts à la Magna Glossatura de Pierre Lombard (environ 25 %) ;
2° par la réécriture des sentences de la version de Laon à partir des Enarrationes
in Psalmos d’Augustin, du commentaire de Cassiodore et des autres sources
patristiques de la tradition exégétique du Psautier :
3° par des remaniements stylistiques et rédactionnels.
2. Les plus importants remaniements correspondent en général au remplacement de la rédaction médiévale des sentences par des citations littérales ou quasi littérales.
3. Les sondages effectués à ce jour indiquent que les gloses sur les titres bibliques des Psaumes sont plus nombreuses dans l’édition de 1481 que dans les manuscrits de la Glose de Laon.
4. Conformément au principe éditorial retenu pour toutes les éditions provisoires du site Gloss-e, le texte de Rusch est rejeté en apparat lorsque la collation de plusieurs manuscrits concordants le préconise. Sauf correction d’erreurs patentes et de cacographies, les variantes textuelles relevées à partir de la collation d’un seul témoin sont simplement indiquées en apparat jusqu’à ce qu’une base critique plus solide autorise à corriger la version de Rusch.
5. Lorsqu’une sentence de l’édition princeps diffère trop radicalement de la version des manuscrits, cette dernière est éditée intégralement et signalée par le préfixe marg.|+ ou interl.|+ . Il arrive donc que plusieurs versions d’une même sentence soient éditées sous le même lemme biblique ou sous des lemmes différents lorsque la tradition manuscrite y incite.
6. Les sentences de Rusch sont conservées ; les emprunts à la Magna Glossatura sont signalés dans la déclaration de témoin par l’expression « Rusch ex Magna Glossatura ». Pour les sources de ces sentences interpolées on se reportera à l’édition de la Glossa magna.
7. Selon une estimation très approximative qui ne pourra être précisée qu’au terme du travail éditorial, le nombre des sentences de l’édition princeps est supérieur d’environ 25 % à celui des sentences des manuscrits de la Glose de Laon sur les Psaumes.
8.
Par
exemple :
Ps. 66 :
100 % = 61 sentences attestées par P106 Tr511 Rusch, dont
52 % = 32 sentences communes : P106 Tr511 Rusch
26 % = 16 sentences propres à Rusch et empruntées à la Magna Glossatura : Rusch, om. P106 Tr511 ; il faut également tenir compte de nombreuses expressions et des passages insérés par Rusch à partir de la Magna Glossatura dans des sentences communes à tous les témoins.
6,5% = 4 sentences omises par Tr511 seul : P106 Rusch, om. Tr511
6,5% = 4 sentences omises par Rusch seul : P106 Tr511, om. Rusch
5% = 3 sentences propres à P106 : P106, om. Rusch Tr511
3% = 2 sentences omises par P106 seul : Tr511 Rusch, om. P106.
Sur 23% des lieux variants (14) sont des omissions de lemmes attributifs et de
lemmes bibliques repères.
Tradition indirecte
nal181 : Paris, BnF, nal. 181, Sententiae Laonnenses post-anselmianae ; cf. Cédric Giraud, «Théologie et pédagogie au XIIe siècle : les sentences d’Anselme de Laon et de son école dans le manuscrit Paris, BnF, n.a.l. 181», dans Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 79, 2012, p. 193-287 : «Il est tout d’abord frappant de constater que les sentences bibliques portent majoritairement sur le livre des psaumes, puisque 68 sentences contiennent un verset psalmique. Font exception les sentences P 3 (Matth.), 83 (Ez.), 120 (Matth.), 136 (Apoc.), 155 (Gen. ; III Reg.), 170 (Ex.) et 171 (Jud.), auxquelles s’ajoutent les sentences P 157 (Gen.), 158 (Jer.) et 161 (Jud.) qui commentent des versets d’autres livres bibliques mais ont leur source dans les Enarrationes in psalmos d’Augustin. Parmi tous les résultats auxquels nos dépouillements permettent d’aboutir, le plus assuré est que onze (P 13, 21, 126, 127, 135, 141, 144, 145, 147, 148, 150) des 78 sentences bibliques sont communes avec le texte de la Glose anselmienne sur les psaumes. P 13, 21, 126 et 127, extraites des Enarrationes d’Augustin, et P 145, tirée de l’Expositio psalmorum de Cassiodore, sont donc autant de textes à ajouter aux sentences patristiques, tandis que P 135, 144, 147, 150 et P 141, 148 sont respectivement des reformulations originales d’Augustin et de Cassiodore. La présence de ces reformulations constitue un indice précieux qui confirme la dépendance directe du florilégiste par rapport aux sentences bibliques laonnoises. Les onze sentences, présentes dans les manuscrits de la glose laonnoise, ont été également réemployées par Pierre Lombard dans son propre commentaire sur les psaumes. A l’opposé, vingt sentences (P 3, 61, 64, 65, 68, 81, 83, 96, 98, 108, 110, 120, 136, 165, 171, 173, 174, 179, 182, 194) offrent des explications dont on n’a trouvé d’équivalent direct ni dans les commentaires patristiques ou contemporains du florilège, ni dans la Glose de Laon[2]. De même que pour les sentences théologiques anonymes, la note d’une vraisemblance laonnoise semble pouvoir marquer ces textes. Il paraît loisible d’attribuer une identique origine au mare magnum de quarante sept sentences bibliques anonymes (P 1, 22, 58, 70, 73, 86, 87, 94, 95, 97, 99, 100, 101, 105-107, 109, 121, 128, 130, 131, 133, 134, 139, 140, 142, 143, 146, 149, 151, 152, 154, 155, 157, 158, 160, 169, 170, 172, 175-178, 183, 185, 191) pour lesquelles il existe une dépendance thématique, plus ou moins étayée, par rapport à Augustin et Cassiodore et dont on trouve un écho, parfois très assourdi, dans la Glose de Laon et dans le commentaire de Pierre Lombard. Pour ces sentences, les situations diffèrent puisque certaines sont des reformulations assez proches des Pères, tandis que d’autres présentent un texte apparemment original à partir d’un fonds doctrinal traditionnel».
Fontes principales :
Augustinus Hipponenseis, Enarrationes sive tractatus in Psalmos.
Cassiodorus, Expositiones in Psalmos.
Hieronymus (pseudo), Breviarium in Psalmos, PL 26.
[1] On trouve d’autres litanies (mentionnant saint Vaast) aux f. 133-134, à la suite du symbole Quicumque. A noter également, f. 141r une « Oratio domni Fulberti Karnotensis episcopi ad sanctam Maria matrem Domini : Pia virgo Maria celi regina ».
[2] P 3 et P 120, sentences bibliques sur Matthieu, ne correspondent ainsi à aucun des trois commentaires sur Matthieu attribués à Anselme (PL 162, col. 1227-1250 ; Alençon, BM, 26 et Paris, BnF, lat. 2491).