Pour en savoir plus

Marc Bloch, « A propos d’une publication de diplômes royaux », Revue de synthèse historique, p. 108 :

« Il y a quelque chose d’inquiétant à songer que jusqu’ici on s’est surtout préoccupé de nous donner des éditions nouvelles […] de documents qui, dans leur immense majorité, étaient déjà publiés, alors que tant d’inédits des Capétiens des 13e et 14e siècles, pour ne parler que de ceux-là, dorment encore […]. Même si l’on décide de s’en tenir, pour les époques anciennes, à la rigueur devenue traditionnelle, il y aura lieu de songer sérieusement à adopter, pour des périodes moins reculées, un système nouveau, qui permette de faire vite. Point de problème d’équipement historique plus urgent que celui-là ».

Louis-Jacques Bataillon, « Problèmes posés par l'édition critique des textes latins médiévaux », Revue philosophique de Louvain, 75 (1977), p. 234-250, ici p. 249 :

« Ne faut-il faire que des éditions critiques ? Certains le pensent, je ne suis pas de ceux-là. L'édition critique, si elle est réellement critique, donc faite sérieusement, demande beaucoup de temps et de travail ; ceci n'est pleinement justifié que lorsqu'il s'agit de textes de grande valeur et de grande importance. Si l'on exige toujours des éditions critiques, il n'y aura plus, en dehors de quelques grandes entreprises collectives, d'autres éditions que de textes courts et comportant peu de témoins. Or il y a une quantité d'ouvrages longs et largement diffusés qui, sans être géniaux, ont joué un rôle important dans la culture philosophique et théologique médiévale. […] Il serait très possible de faire des éditions sérieuses et honnêtes basées sur quelques manuscrits ; ce ne serait certes pas des éditions critiques, mais s'il est bien précisé dans la préface sur quelles bases l'éditeur a procédé, quelles options il a prises, la situation serait déjà bien améliorée. Lorsqu'il y a des manuscrits à pièces, une édition basée sur quelques-uns d'entre eux aurait le mérite de donner un texte qui a été diffusé et lu ; sans être une édition critique, ce serait une édition déjà scientifique. Je souhaite que ce type d'édition soit largement pratiqué : notre connaissance de la culture philosophique médiévale ne pourrait qu'y gagner ».

Martin Morard, « Un défi relevé : l’édition électronique de la Glossa ordinaria », site Gloss-e, CNRS, Paris, 20016 :

1. La Glose ordinaire de la Bible a été le texte de référence de la culture religieuse entre le XIe et XVIe siècle. Héritière d’une pratique du commentaire par ‘sentences’ attestée dès le VIe siècle, elle forme, au terme de son évolution à la fin du XVe siècle, un patchwork de quelques 130'000 sentences qui enchâssent la totalité des versets de la Bible, soit l’équivalent de quelque 16'000 pages A4 en transcription. Sur son modèle, d’autres instruments de travail majeurs, comme la Catena aurea de Thomas d’Aquin sur les évangiles, se sont développés. Textes « ouverts », jamais stabilisés, ces gloses et ‘chaînes’ sur l’Ecriture ont permis une lecture plurielle et pluriculturelle des textes sacrés de l’Occident latin. Le nombre et la diversité de leurs témoins manuscrits et imprimés, les variations de leurs mises en page – toujours en quête d’une meilleure fonctionnalité – leurs sources multiples, leur influence durable sur le temps d’un « long Moyen Âge », en font un matériau nécessaire à la compréhension du phénomène religieux. Les éditer – autrement dit les transmettre – est donc un défi éditorial et scientifique. 2. Grâce à la dynamique créée par les « Investissements d’avenir », la Glose ordinaire de la Bible fait pour la première fois l’objet d’une édition électronique scientifique en format XML/TEI, à partir de l’édition princeps de 1481. L’objectif est à la fois d’en rendre le texte accessible aux chercheurs par les technologies numériques, et de réaliser un outil qui puisse servir de modèle pour l’édition d’autres corpus de commentaires. Cette entreprise, pierre angulaire de la « Bibliothèque virtuelle des commentaires bibliques » et du portail de ressources numériques « www.glossae.net » consacré au commentaire de la Bible au Moyen Âge, répond aux objectifs du laboratoire d’excellence « Histoire et anthropologie des sciences, techniques et croyances » (HASTEC) et du grand équipement d’excellence « BIBLISSIMA ». Il s’agit non seulement de présenter un produit nouveau, première étape de l’édition intégrale de l’édition princeps de la Glose, mais aussi de faire de celle-ci le socle technique et scientifique d’une publication progressive, aggrégative, uniformisée et périodique de gloses et chaînes médiévales inédites de la Bible latine. D’où la signification de l’acronyme du projet : gloss-e, glossae latinae optimae scripturae sacrae electronicae, Bibliothèque virtuelle de commentaires bibliques agrégés autour de la Glose ordinaires et du texte de la Bible latine. 3. Le 14 octobre 2016, la « Troisième rencontre du LabEx Hastec a coïncidé avec la mise en ligne de l’intégralité de la Glose du Nouveau Testament sur le site dédié http://gloss-e.irht.cnrs.fr. Cet événement fut l’occasion de présenter à la communauté scientifique et aux institutions partenaires qui la soutiennent un retour sur expérience, permettant de rendre raison des choix opérés, de dessiner et de stimuler les perspectives de recherche à venir.

2006 : Manifeste collectif de lancement du projet Gloss-e

L’historiographie des dernières décennies a largement démontré l’importance des Gloses de la Bible pour la culture médiévale, religieuse et profane. Parmi elles, la Glossa ordinaria, née à l'École cathédrale de Laon au seuil du xiie siècle, très vite diffusée dans tout l'Occident chrétien, a joué un rôle capital dans l’histoire de l'exégèse, de la prédication et de la théologie, au moins jusqu’à la fin du Moyen Âge.

Cette œuvre est encore d'accès difficile. Les éditions imprimées, depuis la fin du XVe siècle jusqu’au XIXe siècle (Patrologie latine), ne représentent qu’un état tardif de cette Glose, établi à partir d’une tradition manuscrite mal identifiée : le texte, tantôt interpolé, tantôt mutilé, en est en tout cas incertain.

Les versions électroniques de la Glose ordinaire disponibles aujourd’hui ne proviennent que de l’édition de Migne : Patrologia latina database et VulSearch - http://www.vulsearch.sf.net (cette dernière incomplète) [Depuis 2006 d’autres sites proposent des versions incomplètes d’une partie de la Glose ordinaire. NdR 2016].

L’édition incunable de référence (Strasbourg, Adoplh Rusch, 1480/1481) n’est, elle, accessible qu’à travers le fac-similé commercialisé par les éditions Brepols, ou des images numériques couleur grâce aux initiatives et à la collaboration de bibliothèques publiques. La recherche dans le texte reste donc, par ces moyens, lente et aléatoire, et incertaine.

Par ailleurs, de nombreux travaux de recherche et d’édition sont en cours, sans liens ni coordination. Plusieurs ont déjà abouti à des éditions critiques partielles : Mary Dove a publié la Glose sur le Cantique dans le Corpus christianorum (1997), Alexander Andrée les prothemata et le ch. 1 de la Glose sur les Lamentations (2005) [Pour la bibliographie des 10 dernières années sur la Glose, voir glossae.net / bibliographie. NdR 2016]. La publication de l'ensemble de la Glose demandera sûrement encore de nombreuses décennies.

Forts de ces constats, les chercheurs signataires de cette page, engagés à des titres divers dans l’étude des Gloses de la Bible ou de la culture médiévale, ont commencé à construire un projet scientifique d’édition électronique de la Glose ordinaire visant à faciliter le travail des historiens et les échanges scientifiques.

Notre projet consiste à offrir une version texte (full text) – mise en accès libre et gratuit sur Internet – de l’édition de 1480/1481 de la Glose ordinaire. Il ne s’agit de ce fait ni d’une édition critique, ni de la simple diffusion d’images, mais de la transcription en caractères typographiques modernes d’un exemplaire de l’incunable de Strasbourg. Cet outil de recherche offrira de multiples possibilités

- d'interrogation (statistique textuelle, lexicographie, etc.),

- d’annotation (sources, variantes, listes de manuscrits, etc.)

- de comparaisons synoptiques avec d’autres gloses médiévales, comme les Postilles d’Hugues de Saint-Cher en cours de traitement

Un défi technique : les contacts pris avec des informaticiens, chercheurs spécialistes de la reconnaissance optique de caractères (OCR), ont fait ressortir que la technique de transformation des images de l’incunable en texte est encore loin d’être acquise. Elle se heurte notamment aux problèmes posés par les polices de caractères anciennes, les abréviations latines, etc. Nous nous proposons cependant de rassembler les résultats des premiers essais en cours et d’autres contributions dans un portail de ressources numériques. Une fois le texte obtenu, il faudra réfléchir à sa structuration : nous envisageons d’utiliser le langage XML, parfaitement adapté à une édition électronique, et qui permet un travail cumulatif sur les fichiers, pour les amender ou les enrichir.

Appel à collaboration : la réalisation du projet appelle la rencontre et la mise en commun des compétences de tous ceux qui travaillent à l’immense chantier des gloses de la Bible et de la culture biblique de l’Occident médiéval. Sans porter préjudice aux initiatives de chacun ni entraver, évidemment, leur liberté éditoriale, il s’agit de créer une plate-forme scientifique permettant de favoriser les échanges, de coordonner la recherche et d’éviter la dispersion des forces.

C’est pourquoi nous serions heureux de recevoir vos observations et vos suggestions, et de vous compter au sein du réseau international que nous nous proposons de mettre en place. Nous vous invitons donc à nous contacter sans tarder par email à l’adresse glossae.net@gmail.com .

Paris, 24 mai 2006

Louis-Jacques Bataillon † (Commission léonine),

Nicole Bériou (Université Lyon 2, Institut universitaire de France),

Marjorie Burghart (École des Hautes Études en Sciences Sociales),

Gilbert Dahan (CNRS-École Pratique des Hautes Études),

Martin Morard (École française de Rome - Commission léonine)

Editorial 2006 : A Project for the Electronic Edition of the Glossa Ordinaria

The historiography of recent decades has largely shown the importance of the glosses on the Bible for medieval culture, profane as well as religious. Among them, the Glossa Ordinaria, originating at the cathedral school of Laon at the threshold of the 12th century, played a capital role in the history of exegesis, preaching and theology, at least until the end of the Middle Ages.

This work is still not easily accessible. The printed editions, dating from the end of the 15th century up to the 19th (Patrologia Latina) and established on the basis of a misidentified manuscript tradition, represent only a late stage of this glossa. The text, sometimes interpolated, sometimes mutilated, is in any case uncertain. Currently there are available two electronic versions of the Glossa Ordinaria, the Patrologia latina database and VulSearch - http://www.vulsearch.sf.net. Both are from the Migne edition and the latter is incomplete. The incunable edition of reference (Strasbourg, Adolph Rusch, 1480/1481) is available only by way of the facsimile reprinted by Brepols or color digital images owing to the initiatives and collaboration of public libraries. By these means textual research remains slow, unpredictable and uncertain.

Moreover, numerous works of research and edition move forward with neither connections nor coordination. Some have come to fruition in partial critical editions—Mary Dove has published the Glossa Ordinaria on the Song of Songs (1997), and Alexander Andrée the prothemata and first chapter of the Glossa Ordinaria on Lamentations (2005). The publication of the entirety of the Glossa will undoubtedly take several decades.

Prompted by these assessments, the researchers signatory to this page, engaged for various reasons in the study of biblical glosses and medieval culture, have undertaken the project of a scientific electronic edition of the Glossa Ordinaria intended to facilitate the work of historians and scientific exchanges.

Our project consists in placing in free internet access a full text version of the 1480/1481 edition of the Glossa Ordinaria. This involves neither a critical edition nor a mere dissemination of images, but rather the transcription into modern typographical characters of an example of the Strasbourg incunable. This research tool will offer many possibilities

of interrogation (textual statistics, lexicography, etc.)

of annotation (sources, variants, lists of manuscripts, etc.)

of synoptic comparisons with other medieval glosses, such as Hugh of St. Cher’s Postillae, the text of which is currently in process

A technical challenge : Contacts with specialists in the field of optical character recognition (OCR) have made clear that the technology for transforming images of incunabula into text remains a strong challenge today. Notable among the obstacles to be overcome are problems presented by Latin abbreviations and the fonts of ancient characters. As a first step, we propose to gather the results of initial trials, now in progress, as well as other contributions, in a site for digital resources. Once the text has been obtained, it will be necessary to reflect upon its structure. We foresee using XML (Extensible Markup Language), which is perfectly suited to electronic editions and which will allow for cumulative work upon the files, for either amendment or enhancement.

A call for collaboration. The realization of this project calls for the meeting and pooling of the competences of all those who work in the vast field of biblical glosses and Western biblical culture. Without prejudice to each one’s initiatives, and certainly without detriment to their editorial freedom, this will involve the creation of a scientific platform allowing the promotion of exchanges, the coordination of research and the avoidance of a dispersion of energies.

This is why we would be happy to receive whatever observations or suggestions you may have, and to include you in the international network we propose to put in place. We therefore invite you to contact us as soon as possible by email at the following address: [glossae.net@gmail.com]

Paris, 24 mai 2006

Louis-Jacques Bataillon (Leonine Commission),

Nicole Bériou (Université Lyon 2, Institut universitaire de France),

Marjorie Burghart (École des Hautes Études en Sciences Sociales),

Gilbert Dahan (CNRS-École Pratique des Hautes Études),

Martin Morard (École française de Rome - Leonine Commission)

 


Comment citer cette page ?
Martin Morard, Pour en savoir plus in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 24/04/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=30)