La 'Magna Glossatura' de Pierre Lombard. Brève introduction à l'édition électronique.

page créée le 10.8.2022,  mise à jour le 24.10.2023

La Grande Glose de Pierre Lombard sur les Psaumes et le corpus Paulinien a remplacé la Glose ordinaire dans les usages scolaires au cours de la décennie qui a suivi la mort de Pierre Lombard (†1160). Avant cette date, quelle que fût le moment exact de sa rédaction qui s’est probablement étalée tout au long de la carrière de Pierre Lombard, elle n’a fait l’objet d’aucune diffusion significative (voir ici Herbert de Bosham. Praefatio in Magnam Glossaturam et Gloss-e : base GLOSSEM : répertoires des manuscrits de la Bible latine avec commentaires). La diffusion de la Glossa magna sur le corpus Paulinien a cependant probablement bénéficié d’une diffusion plus précoce que la Grande Glose sur les Psaumes. Il est en effet établi que plusieurs versions de la Grande Glose sur le corpus pauliniens ont circulé, différentes notamment en Angleterre et sur le continent. Ces versions sont caractérisées, notamment, par la présence ou l’absence de certains extraits patristiques. Le rôle précis de l’édition d’Herbert de Bosham fait actuellement l’objet de recherches de première main dont on attend les résultats avec impatience.

La Magna Glossatura se distingue des sentences du matériau exégétique de la Glose de Laon, de la Glose de Gilbert de Poitiers et de la majorité des Bibles latines glosées antérieures, par l'ajout de citations patristiques quasi littérales, signalées, qui plus est, par des signes diacritiques et des lemmes attributifs. Elle se rapproche en ceci de certaines chaînes byzantines, notamment celle de Nicétas d'Héraclée sur les évangiles (fin du 11e s.). Comme Gilbert de la Porrée et la plupart des chaînes byzantines, la glose interlinéaire ne fait pas partie de la structure de la Magna Glossatura. 

Nous mettons ici à disposition de la recherche le textus receptus stabilisé  de la Magna Glossatura; établi à partir de  l’édition du carme Richard du Mans publiée à Paris en 1541. Ce texte a été réédité, non sans erreurs et pertes d’information, dans la Patrologie latine (PL 191). Le texte édité ici est d'abord un support permettant l’interrogation et la comparaison des corpus publiés sur le site Sacra Pagina.

Notre version s'écarte néanmoins de l’édition de la Patrologie par le fait qu’elle a été normalisée selon les principes éditoriaux de Sacra Pagina, et surtout parce qu'elle est partiellement et progressivement amendée, annotée et enrichie à partir de manuscrits. Il s’agit au premier chef des quatre manuscrits dédicacés par Herbert de Bosham à Guillaume aux Blanches mains dans la décennie qui a suivi l'assassinat de Thomas Becket (1172). Nous effectuons également la collation d’autres témoins remarquables, en particulier les exemplaires de la Bibliothèque capitulaire de Vérone, copiés avant 1194 et corrigés à Paris d’après des manuscrits ayant appartenu à Herbert de Bosham, comme nous l’apprend selon l’acte de donation de leur possesseur et légataire le chanoine Cotta (voir infra : témoins).

L’édition est également destinée à être enrichi par les scholies de l’enseignement scolaire du 13e siècle, relevées dans les exemplaires manuscrits cités dans l’apparat du texte (work in progress). Les scholia du prologue ont été édités dans notre thèse de doctorat (M. Morard, La Harpe des clercs, 2008) (work in progress).

Lemmes attributifs

Un des principaux apports de notre édition est la restitution des lemmes attributifs et des signes diacritiques des manuscrits d'Herbert. Les autorités imprimées entre crochets carrés dans la Patrologie latine ne reflètent ni la documentation réelle de Pierre Lombard (sources identifiées), ni les lemmes attributifs des manuscrits. Leur position dans le texte de la Patrologie latine est totalement fantaisiste. Migne a intégré comme il a pu les manchettes marginales de l’éditions de 1541 en donnant l’illusion qu’elles auraient valeur de lemmes attributifs originaux. En réalité, ces manchettes correspondent à un embryon d’apparat dû à l’industrie de Richard du Mans (Ed1541). Elles ne correspond ni à la position des lemmes attributifs dans les manuscrits de la Glossa magna, ni à leur contenu réel, ni au début des citations littérales faites par Pierre Lombard.

Dans l’édition électronique, les lemmes de la Patrologie latine et de l’édition de 1541 sont entre crochets carrés, par ex. : [Augustinus]. Lorsque le texte a été établi à partir des manuscrits d’Herbert de Bosham, les lemmes de la PL sont remplacés par ceux des manuscrits.

Les lemmes attestés par les manuscrits sont positionnés avant la citation lorsque celle-ci forme une sentence indépendante, ou, entre parenthèses, après la citation, si celle-ci est intégrée au sein d’une phrase rédigée ou d’une sentence complexe.

Les signes diacritiques (points rouges) qui indiquent dans les manuscrits le début et la fin des citations authentifiées par lemme attributifs sont transcrits par des guillemets anglais : « ... ».

La liste ci-dessous est donc conjecturale et provisoire.

1.       Augustinus (attesté dans les manuscrits)

2.       Alcuinus

3.       Beda

4.       Remigius

5.       Glossa interlinearis

6.       Ambrosius (attesté dans les manuscrits)

7.       Cassiodorus (attesté dans les manuscrits)

8.       Haimo

9.       Berengarius

Apparats ajoutés par Herbert

La Grande Glose sur les Psaumes éditée par Herbert de Bosham réunit un cluster de données présentées sous la forme d’un apparat structuré, organisé grâce à une réglure très précise de 53 lignes horizontales et de 17 lignes rectrices verticales dessinant 18 colonnes dont 8 colonnes destinées chacune à recevoir un type d’information précis (bcd, ghj) , flanquées et séparées l’une de l’autre par 10 contrecolonnes, toujours vides. Les copistes de la plupart des exemplaires de la Magna Glossatura n’ont pour ainsi dire jamais reproduit ce schéma dans son intégralité. On trouve dans plusieurs des copies qui en dérivent des éléments dispersés extraits de ces données. D’autres manuscrits ont adopté des schémas de réglure différents.

La Magna Glossatura conçue par Herbert est composée comme suit :

1.       Le Psautier gallican en îlots [1] (Ps-G)

2.       Le Psautier iuxta Hebreos (Ps-H) inclus en marge des îlots du Ps-G

3.       Le commentaire de Pierre Lombard proprement dit, qui se présente comme un commentaire continu incluant des sentences patristiques.

4.       Puis viennent de gauche à droite, de part et d’autre d’un axe central situé approximativement au milieu des feuillets – et non au milieu de l’aperture ou de part et d’autre du pli médiant des bi-feuillets (je ne tiens pas compte des contrecolonnes)

5.       col. a : colonne vide occupée très ponctuellement par de rares notes d’attentes, corrections, ou indications à l’intention des copistes, ornemanistes et rubricateurs qui ne relèvent pas de l’exégèse des Psaumes

6.       col. b : lieux parallèles de la Magna Glossatura sur les épîtres pauliniennes : E<pistola> [titre abrégé de l’épître] [chapitre] super [incipit du passage en 3 ou 4 mots].         
De temps en temps des sentences additionnelles occuppent aussi cette colonne.

7.       col. c. : lemmes attributifs des sentences patristiques du commentaire, disposés, sous forme abrégée, en regard des sentences concernées dans la marge extérieure pour les colonnes de texte extérieures et dans la marge intérieure pour les colonnes de texte intérieures

8.       Le début et la fin de chaque citation sont signalés par des signes diacritiques formés de points au minium (le plus souvent deux points verticaux en ouverture et deux points horizontaux en fermeture de citation). Ces points sont insérés dans le texte des sentences au dessus du mot qui précède la citation et de celui par lequel elle se termine.      
Ces mêmes points sont répétés en marge, en regard du début et de la fin de la citation et ils sont reliés l’un à l’autre par un festons rectiligne de couleur.

9.       ATTENTION : La plupart des manuscrits qui reproduisent cet apparat omettent de signaler la fin de la citation. C’est ce que Herbert de Bosham dénonce dans sa préface sur le Psautier en remarquant que cette façon de faire ne permet pas de distinguer le texte des auteurs cités des interventions du glossateur, c’est-à-dire de Pierre Lombard. Il importe de porter une attention particulière à la présence de ces quasi-guillemets fermants qui peuvent être considérés comme les signes d’une dépendance directe à l’égard des manuscrits d’Herbert de Bosham.

10.    Quand une citation inclut d’autres citations, par exemple Bède qui cite Augustin, des signes diacritiques identiques délimitent le début et la fin de chaque citation (quasi ‘balises imbriquées’).

11.    col. d :  lieux bibliques parallèles autres que la Grande Glose sur les épîtres pauliniennes, principalement lieux parallèles de la Grande Glose sur les Psaumes, introduits par Supra ou Infra.

12.    cod. e : première colonne du commentaire, entrecoupée à mi-colonne, des versets du Texte formant îlot.

13.    col. f. : seconde colonne du commentaire, comme la précédante.

14.    col. g : = col. d

15.    col. h : = col. c

16.    col. j : = col. b

17.    col. k = col. a

18.    Dans les espaces laissés blancs par la disséminations des informations énumérées, le copiste ou un utilisateur de peu postérieur ont disposés

a.       des scholies patristiques disposées en forme d’écu, à l’imitation des scholies des chaînes byzantines, soeurs jumelles extra-utérines des gloses latines.

b.       des sentences additionnelles

c.       de très rares et apostilles ou notules de deux ou trois mots

19.    Entre les lignes du Texte et du commentaire des deux colonnes centrales, on observe  très rares gloses interlinéaires. Entre les lignes du texte, il s’agit de variantes textuelles relevées de seconde main dans le commentaire de Pierre Lombard relevées. Quand il s’agit de doublons ou de notes de lecteur, notre édition ne les relève pas, pas plus d’ailleurs que les lieux bibliques parallèles des colonnes b, d, g, j.

Principaux témoins cités

Cbg150 :            Cambridge, Trinity College 150 (B.5.4) : Magna Glossatura Herberto de Boshaml edita

P106 :               Glosa parva (GL) locatim collata

Tr511 :             Glosa parva (GL) locatim collata

V18 :                Vercelli, Biblioteca capitolare, XVIII (74) : Magna Glossatura Herberto de Boshaml edita (Paul.)

V87 :                Vercelli, Biblioteca capitolare, LXXXVII (111) : Magna Glossatura Herberto de Boshaml edita (Ps. 1-70)

V88:                 Vercelli, Biblioteca capitolare, LXXXVIII (126) : Magna Glossatura Herberto de Boshaml edita (Ps. 71-150)

Ed1475 : Petrus Lombardus, Glossa magistralis Psalterii, [Nürnberg]: [Johann Sensenschmidt und Andreas Frisner], [1475/6], [408] Bl.; 30 cm (2°). Hain 10202; Goff P-476. Version numérisée.

Ed1541

PL191 :             Patrologia latina, t. 191.

gras grenat : passages de la Glose ordinaire repris à la lettre par la Magna Glossatura

italiques : passages de la Glose de Pierre Lombard sans équivalent dans l’édition princeps de la Glose ordinaire (supposés rédigés par Pierre Lombard).

Pour plus de détails : M. Morard, La harpe des clercs. Réceptions latines du Psautier au Moyen Âge entre usages populaires et commentaires scolaires, Paris, thèse de doctorat Paris-IV Sorbonne, 2008, p. 1712-1737 et passim.

 

A propos de l’analyse comparative de la Glossa Magna avec la Glossa parva.

1.       Pierre Lombard a absorbé la quasi totalité de la Glose ordinaire sur les Psaumes. Cependant, l'apport spécifique de Pierre Lombard est plus important que ne le laisse croire la comparaison des éditions princeps de la Glose ordinaire et de la Glossa magna. Leurs passages communs (ici en gras grenat) et les passages propres à Pierre Lombard (en italiques) donnent l’impression que Pierre Lombard s’est contenté de fixer les sentences ‘flottantes’ de la Glose ordinaire dans la continuité d’une narration herméneutique personnelle. En réalité, le texte de l’édition princeps de la Glose ordinaire a été assez fortement contaminé par des emprunts au texte de Pierre Lombard ou dépend de manuscrits de la Glose ordinaire eux-mêmes victimes d’une contamination de ce type.

2.       Seuls quelques psaumes ont fait pour l’instant l’objet d’une comparaison systématique à titre de sondages[2]. L’opération met en évidence visuellement la dépendance de Pierre Lombard à l’égard de l’héritage laonnois.

3.       Les passages non repris de la Glose ordinaire ne sont pas nécessairement dus à l’activité exégétique de Pierre Lombard. Trois opérations complémentaires sont encore nécessaires pour s’en assurer :

1° comparer la Glossa magna avec la Glossa media (inédite) ;

2° vérifier l’exactitude du texte de la Glossa parva ;

3° vérifier l’exactitude du texte de la Glossa magna en le collationnant au moins sur deux manuscrits de la version vulgate, à commencer par l’exemplaire témoin d’Herbert de Bosham.

4.       Les comparaisons effectuées entre les trois gloses sur les Psaumes et saint Paul n’ont qu’une valeur indicative et relative. On se gardera de toute conclusion prématurée en raison de la complexité et de la richesse de leur tradition manuscrite. Les manuscrits font apparaître des écarts et des concordances différents de ceux qu’on observe dans les éditions.

5.       Glossa magna et Glossa media : A la différence de la Glose de Laon (Parva), la Glossa media n’est pas une glose par sentences discontinues, mais un commentaire scolastique magistral diffusé dans un second tempso en forme de glose biblique par l’ajout du texte biblique en colonnes continues glissantes de part et d’autre de la marge de couture des manuscrits glosés. Gilbert de Poitiers lui-même dépend de la Glose de Laon selon une proportion que son édition critique en préparation (Thérésa Gross-Diaz) permettra d’évaluer. Les emprunts de la Magna Glossatura sur les Psaumes à Gilbert de Poitiers semblent globalement minoritaires et souvent inexistants. Les emprunts de la Glossa media à la Glossa parva sont eux plus importants, mais restent limités, pour ce qui concerne les Psaumes en tout cas.

6.       Glossa magna et Glossa parva : La comparaison des deux Gloses (songages : Ps. 68, 109, 118 etc.)  montre que la quasi totalité de la Glose de Laon dans la version de l’édition princeps (Rusch) a été absorbée par la Magna Glossatura sur les Psaumes dans l’édition de Richard du Mans.

7.       Toutefois, l’édition princeps de la Glose ordinaire sur les Psaumes et saint Paul par Adolf Rusch (Strabourg 1481) s’écarte souvent des manuscrits les plus anciens, surtout par de très nombreuses corrections littéraires: inversions, concordance des temps, corrections de tournures jugées peu élégantes etc. Le texte de l’édition Rusch a été contaminé fortement par celui de la Glossa magna qui a servi à corriger et parfois à compléter le texte attesté par les manuscrits de la Glossa parva.  Il faut en déduire soit que le texte édité de la Glose ordinaire a été contaminé par celui de Pierre Lombard, soit que Pierre Lombard a utilisé un état de la Glose ordinaire plus évolué que celui des manuscrits de première génération de la Glose de Laon. Mais cette hypothèse est peu vraisemble. Si Pierre Lombard n’a accepté de publier la Magna Glossatura que peu avant sa mort vers 1159 (Préface d’Herbert de Bosham), il en a préparé le texte au plus tard depuis son arrivée en France une vingtaine d’années plus tôt. Or les manuscrits les plus anciens de la Glose de Laon concernés sont à peu près contemporains de cette période.

8.       La question se pose de savoir dans quelle mesure Rusch a publié un texte contaminé par des emprunts à Pierre Lombard. Certaines gloses marginales de l’édition princeps se retrouvent en effet quasiment sans variations chez Pierre Lombard et pourraient lui avoir été empruntées soit pas Rusch, soit par l’un des manuscrits qu’il a utilisés pour préparer son édition. Les collations que nous avons effectuées indiquent que les contaminations imputables à Rusch sont plus probables que le recours à une version enrichie de la Glose de Laon antérieure à la diffusion de la Magna Glossatura.

Le texte de Pierre Lombard.

Nous partageons l’avis de Brady selon lequel l’édition de Richard est globalement fidèle à la tradition manuscrite (I. Brady, ed., Petrus Lombardus, Liber Sententiarum, t. 1, p. 51*). Plus exactement, il est assez proche de la version vulgate diffusée à Paris par la majorité des manuscrits conservés, en particulier de l’exemplaire témoin de l’édition d’Herbert de Bosham. Les exceptions ne manquent pas. Nos collations du texte du Prologue avec quelques manuscrits indiquent nettement l’existence d’une tradition ancienne, probablement pré-universitaire, attestée presque toujours par les manuscrits les plus anciens. La mise en page adoptée par les éditeurs parisiens de Pierre Lombard entre 1180 et 1200 a permis une relative stabilisation du texte dans la mesure où l’absence d’intervalles laissés libres entre les sentences et l’absence de glose interlinéaires a freiné l’ajout de gloses adventices et a conduit à distinguer le texte de l’oeuvre originale des scholies marginales ajoutées par les possesseurs dans les marges extérieures de leurs exemplaire de la Magna Glossatura.  L’étanchéité ne fut toutefois par parfaite. La Magna Glossatura sur le corpus paulinien a une histoire beaucoup plus complexe que la Glose sur les Psaumes, comme le montre une étude récente, rigoureuse et prometteuse, qui met en évidence l’existence de plusieurs versions, identifiables chacune par des ajouts spécifiques qui ont circulé notamment en Angleterr. (Recherches de Philosophie et de théologie médiévale 2021).

Le texte de la Patrologie latine du commentaire sur les Psaumes (PL191) n’est pas exempt d’erreurs. Les plus patentes sont des erreurs de mise en page susceptibles d’entraîner de lourdes erreurs ; elles concernent principalement les lemmes attributifs et les interpolations linguistiques de l’éditeurs du 16e siècle.

Lemmes attributifs : La position des lemmes attributifs dans la Patrologie latine est totalement anarchique et sans valeur critique aucune. L’édition princeps avait eu la sagesse d’omettre tout lemme du texte édité et d’indiquer en manchettes marginales, en regard des passages concernés, des indications générales : « Ex Aug. ... Ex Remig. » etc. L’éditeur de la PL a inséré ces indications entre crochets dans le texte, le plus souvent en début de paragraphe. Nous rétablirons progressivement les lemmes attributifs de l’édition d’Herbert de Bosham et ses signes diacritiques de début et de fin de citation.

Interpolations :

Les principaux ajouts imputables à l’édition princeps sont de deux types: les Collationes et les interpolations. Les Collationes sont des digressions sur le texte hébreu de chaque Psaume, clairement distinguées du texte original de Pierre Lombard. Nous les omettons complètement.

Les digressions sont des références aux versions non gallicanes du Psautier latin et à l’hébreu ou à des commentaires insérées dans le texte même de la Glose par Richard du Mans qui avait pris soin de les signaler par des manicules contre-opposées FE . L’abbé Migne a omis de les reporter dans le tome 191 de la Patrologie latine. L’erreur a été répercutée par l’édition électronique de la Patrologie Latine (Chadwick). Il s’en est suivi une une regrettable confusion qui a conduit  M. Colish («Psalterium Scholasticorum», p. 544-545.) à attribuer à Pierre Lombard des progrès exégétiques et des connaissances des langues anciennes, de l’hébreu en particulier, qui ne reposent en réalité que sur les ajouts de Richard du Mans dans l’édition princeps de 1541. Bradi, Sentences, p. 51*, n. 4 n’en signale que quatre. Nous en avons relevé huit[3] : 

In Ps 27, 1 (PL 191, 277D–278 C): «Mirum est quod dicat non haberi in Hebr. et esse jugulatum a Hier., quia et legitur, et Hier. vertit juxta Hebraeum. Verum est tamen quod Romanum psalterium non legit. Hebraeus sic habet הֶשְׁחֶת ץֽי

In Ps 40 titre (PL 191, 407D): «Ista sententiola vel sicut Hier. transfert, etc., est adjectitia. Nam alium codicem manu descriptum vidimus in quo non habetur, cum etiam ipse Hier. neque tomo 8, neque in versione juxta Hebr. talem titulum ponat. Consimiliter nec LXX; sed hic titulus habetur in Haymone: unde forsan quispiam posuit Hier., loco Haymonis. Idem habetur mendum in glosa ordinaria.»

In Ps 40 (PL 191, 409A): «Legitur id in tomo IV in quadam expositione psalmi 41, quae non tribuitur Hieronymo; hoc etiam divus Augustinus in titulo sequentis psalmi, et idem habet Hieronymus infra psalm. 84»

In Ps 67 (PL 191, 605C): «Psalmodia Romana legit, Mons Sina cum Augustino et Cassiodoro. LXX, quos sequimur, non habent mons; varietas videtur orta ex vocula Hebraea: זֶה quod est pronomen demonstrativum, unde potuit intelligi, hic mons, vel hoc est in Sina, ut vertit Hieronymus, qui secundo loco semel solum repetit Dei, etsi in Hebraeo nunc bis dicatur, Dei, Dei Israel.»

In Ps 67 (PL 191, 614A) «Psalmodia Romana legit convertar, varietas videtur suborta, ex eo quod Hebraice אָשִׂיב potest accipi ex verbo, quod nominitant qual, et tum est convertar, aut ex conjugatione quam dicunt hiphil, et tum erit convertam, licet prius inveniatur fere per vau.»

In Ps 72 (PL 191, 672B): «Alia littera deambulavit hoc ex Hieronymo in versione juxta Hebraeum תִהַלַך ambulabit.»

In Ps 75 titre (PL 191, 703D): «Ad Assyrios additum est ab interpretibus Graecis, ex consilio Spiritus sancti, quod pluribus supra probatum est in quibusdam similibus.»

In Ps 87 titre (PL 191, 809CD): «Melius est Eman Ezraitae, nam Hebraice legitur הָהֶוְרָחִי לְהֵימָו, et quidam Graeci codices habebant αίθαμ τω ορακλητη. Alii αιμαν τω Ισραηλίτη. Priores sunt falsati a scriptore in duobus; secundi in uno, duntaxat quandoque et prosequitur enarratio Augustini posteriores.»

In Ps 93 titre (PL 191, 865C): «In plerisque psalmis sunt tituli additi a Septuaginta vel ob decoris gratiam vel ob Spiritus sancti auctoritatem, juxta ea quae dicit Hieronymus in secundo prologo ab libros Paralipomenon.»

Voir aussi f. 135vb: exequiis; PL 588A: exsequiis – f. 88vb Chore; PL 408C Core.Migne a encore transcrit les chiffres arabes en romais.

Numéros de versets : Les numéros de verset de l’édition princeps de la Glossa magna et de la PL ne correspondent pas à la versiculation de la Vulgate et des bibles modernes, mais au découpage liturgique pré-critique. Notre édition respecte la distinction des versets de l’usage liturgique qui structure la totalité des psautiers, glosés ou non, et la totalité des commentaires des Psaumes médiévaux. Nous associons à cette division médiévale une numérotation en chiffres romains, rarement utilisée par les exégètes anciens pour citer le psautier, mais nécessaire pour analyser la structuration des commentaires anciens, en particulier les divisions du texte proposées par les exégètes (“divisio textus”). Elle diffère de la division en versets moderne, signalée par la numérotation en chiffres romains de l’éditio maior de la Vulgate. Pour le référencement biblique simple, il faut donc renvoyer à la numérotation en chiffres arabes, mais pour l’analyse spécifique des commentaires anciens, la numérotation ‘romaine’ s’avérera utile.

Texte biblique : se reporter à l’édition du texte des Psaumes associé à la Glose ordinaire (Biblia communis) dans l’apparat duquel nous avons réuni toutes les remarques critiques concernant le texte biblique des manuscrits de la Glossa magna.

N.B. : Herbert de Bosham adopte une division liturgique proche du consensus de la Littera communis. Bien que situant l’origine de son travail à Pontigny, il n’a pas tenu compte de la division du psautier prototype cistercien D30 lorsque celui-ci s’écarte de l’usage commun (v. g. Ps. 38, 7-X, 8-XI). Herbert a poussé la précision jusqu’à indiquer certaines variations de la ponctuation du texte des Psaumes. Voir par exemple, Ps. 38, 10-XIII (Cbg150, f. 106v) : annotation interlinéaire au-dessus de meum : « vel ; » c’est-à-dire « ou bien division mediante à cet endroit ».

Petrus Lombardus - [1140 c. -1160] – sec – P

1159: Evêque de Paris. – †1160 – A commenté les épîtres de s. Paul.

Magna Glosatura in Ps 1-150.

Inc. prol.: Cum omnes prophetas Spiritus Sancti revelatione constet esse locutos, David prophetarum eximius, quodam digniori atque excellentiori modo… -… Ac si dicat: Primus homo infelix, qui abiit, stetit, sedit, sed secundus est beatus.

Inc. Ps. 1: Beatus dicitur cui omnia optata succedunt, vir scilicet contra prospera et adversa firmus, qui non abiit [Gl. int.] a Deo in regionem dissimilitudinis, id est cogitatione non peccavit, quamvis esset positus, in consilio impiorum, id est quamvis...

Ps. 26: Titulus iste sumptus est de historia libri Regum, ubi legitur David [266D] ter fuisse inunctus. Primo in Bethleem a Samuele in domo patris sui Esai, non utique in regem, sed in signum futuri regni...

Ps. 38: Legitur in Paralipomenon quod arca Domini reducta a Philisthaeis, David ante eam constituit cantores quatuor millia, et totidem janitores, quibus praefecit filios Core, cantoribus vero praeposuit ducentos octoginta et octo viros...

Ps. 51: Legitur in libro Regum quod David fugiens a facie Saul, venit in Nobe civitatem..

Ps. 52: In libro Regum legitur quod David fugiens a facie Saul abiit cum sexcentis viris ad Achis regem Geth, qui dedit ei civitatem Sicelech, quam David absente Amalechite

Ps. 68: Due sunt commutationes, una est de bono in malum qua commutatus est Adam ex forma Dei in deterius, in quo omnes moriuntur; altera de malo in bonum, qua commutantur fideles de malo in bonum et de bono in melius per gratiam christi in quo omnes vivifi…

Ps. 80: Psalmus David prophete qui hic loquitur et cantat de ostensione idest de manifestaone ubi in primo adventu facta agit itaque secundum revelationem et ostensionem Christi (77va)

Ps. 97: Titulus iste patet. Psalmus iste tertius est eorum qui de utroque adventu agunt, in quibus omnibus est causa timoris et spei: spei per misericordiam primi adventus, timoris per judicium secundi adventus.

Ps. 101: Iste est quintus psalmus penitentie et quartus qui oratio dicitur; pauper vero de quo agit titulus Christus est, qui cum esset dives Deus apud Deum, per quem et omnia facta sunt (Jn. I) , factus est pauper, secundum formam servi

Ps. 109: Titulus patet. Psalmus iste septimus est eorum, qui agunt de duabus naturis in Christo, qui plene et breviter de incarnatione et omnipotenti deitate Christi dicit

Ps. 150: Psalmus iste est tertius eorum qui sunt sine divisione. Atomus enim est hic psalmus in quo intenditur ut laudetur Deus quia congregavit sanctos et deposita fragilitate suae imagini restituit, et jam... – ... Vita eterna, ubi videtur Deus sicut est, glorificat atque jucundat. Poenitentiae igitur vox est: Miserere mei, Deus. Justitiae vox est: Misericordiam et judicium cantabo tibi Domine. Vite aeternae vox est: Omnis spiritus laudet Dominum.

Répertoires:

Wittekind (laisse de côté les mss. non illustrés, etc.)

RB-06637 (+suppl.): cotes erronées: London, BL 3 B X [pro 3 B IX] - Oxford, Bodleian Library, Laud. misc. 459 est attribué en RB-06637 à Pierre de Poitiers et par RB-006637 à Pierre Lombard; il s’agit en fait de la GGP. - Paris, BnF, lat. 141403 (!), 152001 [pro 15201];  Paris, Maz. 209.

Manuscrits:

voir census codicum en ligne : base GLOSSEM.

Éditions:

Corpus prol.

In Psalmos davidicos commentarii, PL 191 [1854], 55-1296

>In totum Psalterium commentarii […] per fratrem Richardum Cenomanum […], Parisiis, apud Poncetum Lepreux, sub Lupo, typis Joannis Lodoici Tiletani, 1541, in fol.

Glossa magistralis Psalterii, Nürnberg, Johann Sensenschmidt a Andreas Frisner, 12 febr. 1478, folio.

Nurenberg 1475 et 1498: Hain 10202-10203; sur les autres éditions, voir la discussion de Brady, Prolegomena, p. 50*.

Bibliographie:

J. Longère, art. «Pierre Lombard», dans Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, t. 2, p. 1221.

S. Wittekind, Kommentar mit Bildern: Zur Austattung mittelalterlicher Psalmenlommentare und Verwendung der Davidgeschichte… am Beispiel des Psalmenkommentars des Petrus Lombardus, Peter Lang, 1994.

M. L. Colish «Psalterium Scholasticorum», p. 544-545.

M. Colish, Peter Lombard, 2 vol., 1994.

I. Brady, dans Pierre Lombard, Sententiæ in IV libris distinctæ, I, Pars I, Prolegomena, 1971, p. 31*-82*.

Spicq, p. 126.

Attributions rejetées:

– Honorius (pseudo) papa: RB-03564

– [Pierre le Chantre]: «Prologus super Psalterium glosatum secundum magistrum Hystoriarum» par ms. London, BL, Royal 3 B 9

– Augustin d’Aggsbach, chartreux: RB-01498 (Wien., Naz. 4442) > NBC

Attribution erronée de:

Reims, BM 161 : «Incipiunt distinctiones super psalterium magistri Petri Lombardi» = Pierre de Poitiers, cf. RB-06638 . Les distinctions sur les Psaumes de Pierre de Poitiers sont construites à partir de la GPL ou en référence à celle-ci, comme tous les recueils de distinctions sur les Psaumes à partir du dernier quart du 13e siècle.

 



[1] Pour la terminologie codicologique utilisée, voir ici Codicologie de la mise en page des bibles latines glosées.

[2] Wojciech Baran (Cracovi EPHE 2021) : Ps. 118 ; Martin Morard : Ps. 1-3, 68, 109, etc..

[3] Cf. M. Morard, La Harpe des clercs, Paris, 2008, thèse dactyl., p.


Comment citer cette page ?
Martin Morard, La 'Magna Glossatura' de Pierre Lombard. Brève introduction à l'édition électronique. in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 24/04/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=6)