Les postilles d’Hugues de Saint-Cher : un apparatus ad Glossam. Réflexions en marge de l’édition électronique

page rédigée par  :  Martin Morard, 1.2.2022, mise à jour 4.11.2023.

Postille dominicaine = Hugonis de Sancto Caro postillae super totam Bibliam  editio electronica, ed. M. Morard, Paris, 2022 (Sacra Pagina, 4).

Glose dominicaine = Glossa dominicana, édition princeps partielle, ed. M. Morard, ed., Paris, 2022 (Sacra Pagina, 4a).     
Contient : Rt. (prol.) Ps. (prol.), Mt. (prol.), Rm. (prol. et fragm. de Rm. 1, 3, 10), etc.

Pour une vue rapide des différences entre l’édition électronique et les éditions imprimées, voir ici Ratio brevis editionis

Sommaire :

Les postilles d’Hugues de Saint-Cher : un apparatus ad Glossam. Réflexions en marge de l’édition électronique 1

L’auteur de la Postille. 4

Les attributions explicites de la tradition manuscrite. 5

La datation : quelques marqueurs. 5

Allusions à la théologie de la conception immaculée de la Vierge. 9

Le genre littéraire : un apparatus ad Glossam.. 10

Le traitement des autorités. 12

Principales autorités déclarées par Hugues de Saint-Cher (liste provisoire) 12

Des hommes et des dieux : la sociologie de la postille. 17

Les sens de l’Ecriture. 21

Scolastique, dialectique et exégèse. 25

Les divisions du texte. 27

Mise en page des postilles. 27

La Glose dominicaine. 28

Les éditions imprimées : La création du corpus. 28

Edition électronique et habillage du texte. 32

Colophon. 33

 

1.1 Ces pages complètent , corrigent et précisent les données publiées à l’occasion du colloque consacré à Hugues de Saint-Cher exégète et théologien en 2000. Lors des échanges oraux qui ont eu lieu à la fin du colloque, la perspective d’une édition de la postille avait été écartée en raison de sa taille et de la complexité de sa mise en page au profit de la mise en ligne des images d’une édition imprimée (http://sermones.net/_postille/).

1.2 Désormais, l’édition électronique, publiée sur le site Gloss-e, procure la transcription intégrales des tomes 1 à 7 de l’édition imprimée concue et éditée à Venise en 1600 et réimprimée régulièrement au long du 18e siècle, avec des différences mineures et une foliotation quasi identique. Leur transcription en mode texte et leur indexation par verset biblique permettent de franchir une nouvelle étape dans l’analyse comparée de la postille avec les principales versions de la Bible glosée diffusée au Moyen Âge central, dans la compréhension surtout de la nature et de la structure du corpus des postilles d’Hugues de Saint-Cher.

1.3 Il est convenu d’appeler « Postille dominicaine » les postilles d’Hugues de Saint-Cher sur toute la Bible qui procurent un commentaire sine Textu quasi intégral de la Bible, à l’usage des prédicateurs de l’ordre des frères prêcheurs et de leurs disciples[1]. Les éditions imprimées, avec Texte biblique central et glose encadrante, ne sont pas représentatives de la mise en page médiévale de la postille. En effet, la plupart des manuscrits ne comportent pas de texte biblique intégral. Seuls quelques manuscrits sont mis en page sous forme de livre glosé.

2. Nous appelons « glose dominicaine » une version dérivée de la postille dominicaine, plus connue comme version abrégée ou version A de la postille d’Hugues de Saint-Cher, dont la caractéristique est d’avoir été diffusée dès le troisième quart du 13e siècle sous forme de Bible glosée, mise en page avec Texte en îlot central encadré par le commentaire. Elle doit être attribuée avec plus de vraisemblance à Pierre de Reims, socius et bras droit d’Hugues de Saint Cher à Paris, à qui la tradition historiographique dominicaine attribue un commentaire intégral de la Bible.

L’auteur de la Postille

3.1 On a parfois affirmé que Hugues aurait réuni des commentaires de plusieurs auteurs différents. Cette thèse n’est pas vraiment démontrée. Il s’agit plutôt d’une déduction induite par trois constats : 1° l’ampleur matérielle du corpus est considérée comme dépassant les forces d’un auteur isolé ; elle suggère qu’il s’agit d’une compilation de commentaires d’origines différentes. 2° le traitement exégétique des livres de la Bible ne semble pas en tous points homogène ; 3° manuscrits et imprimés, dans ils ne sont pas anonymes, sont porteurs d’attributions disparates à Hugues de Saint-Cher, à Alexandre de Halès, à Pierre de Reims, à Nicolas de Gorran.

3.2. Il faut cependant se garder de tirer des conclusions trop rapides de ces deux faits ; ils peuvent s’expliquer autrement que par une pluralité stricte d’auteur.        
1°Le concept même de propriété intellectuelle individuelle et unique ne s’applique pas uniformément à tous les types de corpus exégétiques médiévaux ; les corpus ouverts, destinés à la formation collective, sans origine nominative individuelle déclarée attestée par une fama ancienne et explicite, ne doivent pas être attribués sans nuance à des individus sinon comme à des initiateurs ou ‘directeurs de publications’. L’intention initiale qui a présidé à la réalisation de ces corpus est rarement explicitée. Elle relève souvent d’une volonté compilatoire où le rôle de l’initiateur se résume à une méthode, à la désignation de sources à exploiter et à la sélection de collaborateurs, toujours anonymes, puisés dans le vivier de l’institution religieuse de l’initiateur. Leur finalité est la transmission d’un héritage collectif et non la mise en évidence d’une pensée personnelle. L’originalité et la responsabilité de l’oeuvre réside dans l’acte de sélection et de réécriture partielle des textes, plutôt que dans l’activité littéraire de rédaction et de conception de l’intégralité du texte.   
2° Chaque livre de la Bible répond à des intérêts différents, fait l’objet d’usages particuliers, s’inscrit dans une tradition herméneutique propre ; les genres littéraires et les thèmes ou sujets de chaque livre biblique appellent des schémas d’analyses propres. Certains livres bibliques incitent plus que d’autres une exégèse allégorique christologique ou mariale, etc. Les pièces liminaires se prêtent plus que le commentaire lemmatique à des emprunts massifs. On observe ainsi des parentés, voire des dépendances marquées à l’égard de textes antérieurs, spécialement dans les prologues[2].    
3° Enfin un maître dominicain comme Hugues de Saint-Cher, dont l’activité d’enseignement s’étend sur presque deux décennies (1224-1244), peut avoir été amené à évoluer dans sa manière de commenter la Bible sans qu’il faille nécessairement déduire des disparités d’auteurs à partir de disparités ponctuelles de méthode exégétiques ou de sources.

Les attributions explicites de la tradition manuscrite

4.1 La critique externe désigne Hugues de Saint-Cher comme l’auteur de la postille dominicaine. Les attributions se répartissent entre attributions explicites de première main, attributions explicites secondaires, tardives ou de seconde main.  

4.2 Certains manuscrits s’écartent ponctuellement de l’attribution dominante en attribuant certains commentaires à Alexandre de Halès et à Nicolas de Gorran. Quelques confusions par homonymie avec Hugues de St-Victor ne font que confirmer l’attribution à Hugues de Saint-Cher.

La datation : quelques marqueurs

4.3 Le ou les auteurs des postilles du corpus attribué à Hugues de Saint-Cher appartiennent certainement à un ordre voué à la prédication, qui vit sous la règle de saint Augustin et les constitutions dominicaines. L’origine dominicaine des postilles sur les Psaumes[3], Qohelet, l’Ecclésiastique (Siracide), Isaïe, les Lamentations, Luc me paraît certaine pour des raisons de critique interne.

4.4 La critique interne permet de repérer certains marqueurs historiques, culturels et linguistiques : réemplois de textes ou sources, allusions à des individus historiques, mentions d’ordres religieux, expressions vernaculaires en langue d’oïl et même en allemand[4] etc. Je me contente ici d’indiquer les principaux, relevés au fil de la mise en forme de l’édition électronique, sans prétention d’exhaustivité. Je les complèterai au fil des mises à jour de cette note.

4.5 Parmi les sources, on observe l’influence indirecte d’auteurs et de prédicateurs comme Prévotin de Crémone[5] et le dominicain Jean de Mailly (fl. 1220-1230). L’épisode de la légende de sainte Marthe qui coïncide avec l’Abreviatio de Jean de Mailly n’a pas de parallèle dans le Sanctoral dominicain de la liturgie unifiée d’Humbert de Romans qui ignore la fête de sainte Marthe[6].

4.6 Un distinction sur les degrés de l’humilité de la Règle de saint Benoît revient trois fois dans la postille; une de ces versions au-moins se retrouve presque littéralement dans d’autres recueils théologiques originaires de St-Jacques de Paris[7]. Les références à la règle bénédictine n’indiquent cependant pas que l’auteur soit affilié à cet ordre.

4.7 Quelques éléments ponctuels permettent de préciser partiellement la chronologie de la postille. Signalons sans prétention d’exhaustivité  :

- Après 1234 :  L’In Ps.[8] et l’In Apc. (Vidit Iacob)[9] mentionnent François et Dominique comme « saints » ou « bienheureux », ce qui conduit à dater ces commentaires après 1234 (canonisation de Dominique).

- Après 1234 : Le commentaire du Ps. 80, 6 (sens mystique) est une probable citation, en partie littérale, du passage du Libellus de Jourdain de Saxe qui évoque la dévotion des dominicains au Salve regina. Des versions partielles ou des élements du traité ont pu circuler avant la canonisation de Dominique et la publication de la version ‘définitive’ du Libellus. Certains manuscrits de la postille portent à cet endroit la manchette « exemplum de beata virgine »[10].

- Après 1234 :Le commentaire de la Grande Glose sur Paul cite explicitement le Liber Extra de Grégoire IX promulgué en 1234[11].

- Entre 1222 et 1237 : Le même commentaire de l’épître aux Corinthiens[12] cite explicitement «frère Jourdain de Saxe maître de l’ordre ». L’expression, sans déterminatif ni mention de décès, désigne le premier successeur de saint Dominique, qui présida aux destinées de l’ordre des frères prêcheurs de la mort de saint Dominique de 1222 jusqu’à sa mort en 1237. Bernard Hodel, éditeur des sermons de Jourdain, voit dans ce passage d’Hugues une référence au sermon 12 de Jourdain, non daté, transmis par deux recensions[13]. Cependant le parallèle est lointain. Le sermon reporté ne mentionne ni les joies du paradis, ni les supplices de l’enfer, alors que la postille ignore pour sa part les oeuvres de miséricorde. La postille d’Hugues présente donc une troisièmeversion d’un thème homilétique cher à Jourdain qu’il a lui-même recueilli de la bouche de Jourdain, peut-être à l’occasion du chapitre généralissime parisien de 1236. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

4.8Ces dates et d’autres éléments déjà signalés[14] conduisent à dater la rédaction des éléments les plus tardifs de la postille entre 1234 et 1237, tout en notant qu’elles recueillent un matériau exégétique plus ancien, témoin de l’enseignement des dominicains de la province de France des vingt années précédentes, soit depuis la fondation du couvent St-Jacques. Il me semble que l’élection d’Hugues à la charge de provincial de France en 1236 a mis un terme à la rédaction de la version originale des postilles d'Hugues. A partir de ce moment, il s’est plutôt employé à superviser leur diffusion[15].

4.9 Certaines assertions ponctuelles et isolées semblent indiquer, en sens contraire, une origine non dominicaine. Ainsi le commentaire sur les Rois oppose la « classis Salomonis » qui est l’ « ordo predicatorum », et la « classis nostra » qui est le « conventus monachorum ». Mais avant d’y voir une signature monastique, cette dichotomie pourrait également refléter une distinction interne à l’ordre dominicain où les frères ‘de ministères’, dédiés à l’exercice de la prédication itinérante, sont opposés aux  frères dédiés à l’étude, lecteurs, maîtres et étudiants, qui vivent une vie conventuelle plus sédentaire et analogue à celle des moines[16]. En outre, le caractère compilatoire des sentences réunies par la postille dominicaine empêche de tirer quelque  conclusion générale que ce soit à partir d’une affirmation ponctuelle isolée. En histoire comme en météorologie, un hirondelle ne suffit pas à faire le printemps.

4.10 Plusieurs références géographiques renvoient au territoire de la première province dominicaine de France soit l’intégralité des régions de langue d’oïl de la France et de la Suisse romande actuelles : la Seine (In Ps., In Apc. ‘Vidit Iacob’), la ville de Paris, la Gallia parisiensis, l’Auvergne, Chartres, Beauvais, Besançon, Lyon. La province du Midi reste discrètement dans l’ombre : Toulouse, Montpellier, Marseille ne sont jamais citées.

4.11 Certains passages font allusion aux coutumes agricoles ou alimentaires : le brûlage de la vigne en « Auvergne »[17] ; la conservation du vin par le froid dans la région de « Besançon »[18], les coutumes liturgiques du chapitre cathédral de Chartres[19] etc.

4.12 L’auteur de la postille sur les Psaumes s’exprime à une période où l’ordre franciscain a la réputation d’avoir dépassé en nombre les 10000 membres[20]. D’autres passages mentionnent expressément les frères prêcheurs et les frères mineurs. La référence aux dominicains semble plus fréquente, mais elle est difficile à distinguer de la mention générale de l’ordo praedicatorum souvent évoqué par Grégoire le Grand en référence à la fonction enseignante des pasteurs de l’Eglise. Ailleurs,  la postille évoque une sorte de rôle tutélaire du  « prédicateur » sur tous les autres ordres religieux, désignés par leur nom[21]. La postille Vidi Iacob sur l’Apocalypse, où l’on retrouve la même énergie dénonciatrice des abus moraux qui clergé que dans la postille Egredimini  sur les Psaumes, distingue oportunément le premier ordre des prédicateurs (ceux des temps ordinaires) du second ordre, envoyé à la fin des temps et distingué du précédent par la fréquence de sa prédication. Comme dans la postille sur les Psaumes, cette mention est une allusion à la bulle de canonisation de Dominique[22]. On peut y ajouter la critique virulente des légats ou prélats cisterciens qui se pavannent sur chevaux caparaçonnés. Elle fait écho à la réaction de saint Dominique en Languedoc  qui l’amena à prendre conscience de l’importance fondamentale de la pauvreté des messagers de l’évangile

4.13 La postille sur Isaïe compare le couvent Saint-Jacques de Paris aux « terres australes où luit la lumière de la science et la ferveur de la charité »[23].

4.14 Les allusions à la liturgie capitulaire dominicaine relevée dans la postille sur les Psaumes[24] invitent à rejetter l’attribution de cette dernière, telle qu’elle nous est connue, à Alexandre de Halès[25].

4.15 La Postille sur Is. 16 fait une allusion appuyée à la Règle de saint Augustin, assez caractéristique des propos d’un dominicain[26], s’il s’avérait exact que les chanoines réguliers parisiens n’ont pratiquement plus aucune activité d’enseignement universitaire à cette époque. L’origine dominicaine est également suggérée par une allusion de la postille sur l’épître au Thessaloniciens. Son auteur mentionne et critique l’abondance des « constitutions » par lesquels les prélats enferment la vie des communautés sous le péché[27]. Il explique que les constitutions émises par le chapitre de l’année courante rendent caduques celles de l’année précédente. Il désigne par là la pratique des chapitres généraux annuels à cette époque dont les constitutions ou décisions sont rendues caduques soit par leur remplacement, soit par leur non répétition par trois chapitres successifs[28].

4.16 Ces éléments, sommes toutes assez rares, sont plus suggestifs que démonstratifs et  souvent ambigüs. Faire le départ entre une origine franciscaine ou dominicaine de la postille est difficile. François et Dominique sont cités quasiment à égalité et presque toujours ensemble ou à proximité l’un de l’autre. Même s’il apparaît assez explicitement que l’ordre des predicatores, qui domine toute la postille de son ombre, est assimilé à l’ordre des frères prêcheurs, rien n’interdirait, à la rigueur de penser que cette assimilation ait été faite par un frère mineur. Toutefois les références à la liturgie dominicaine, à Jean de Mailly, à Jourdain de Saxe et à son Libellus, les allusions à la bulle de canonisation de Dominique, y compris la critique des légats cisterciens, la mention du couvent Saint-Jacques de Paris laissent peu de doute sur l’origine dominicaine du contenu de la Postille.

Allusions à la théologie de la conception immaculée de la Vierge

5. Sur l’Immaculée conception de la Vierge, une même position  est répétée de manière quasi identique à plusieurs reprises dans le commentaire de livres bibliques différents. Elle résume très exactement la position anti-immaculatiste de l’ordre dominicain, difficilement compatible avec les positions des auteurs franciscains de la seconde moitié du 13e siècle. La théologie de la postille est si constante sur ce point qu’elle relève plus d’une position d’auteur que d’une doxa d’école. Elle ne reprend pas les expressions de la discussion qui se lisent dans la Somme de théologie d’Alexandre de Halès ou dans ses écrits sur la conception immaculée de la Vierge. Certes, la doctrine fondamentale de la postille sur cette question n’est pas formellement différente de celle d’Alexandre de Halès, mais elle n’en a ni les mêmes accents, ni la même structure, ni les même expressions. La Vierge a contracté le péché originel du fait de sa conception [ex debito] ; elle en a été purifiée («sanctifiée») in utero ; c’est cette purification qui est fêtée "par ceux qui célèbrent sa conception"[29]. La postille ne semble pas varier sur la dette de fait de la Vierge[30] . Elle ne semble pas préciser que la Vierge a été purifiée du péché originel avant son animation, contrairement à ce que dit explicitement Alexandre de Halès qui distingue trois moments de la sanctification de la Vierge[31].

6. Ceux qui omettent de célébrer la Conception de la Vierge, et ce serait le cas de l’Eglise (parisienne[32] ou romaine), l’omettent en raison du fait que la Vierge a contracté le péché originel[33].

Le genre littéraire : un apparatus ad Glossam

7. La postille d’Hugues de St-Cher n’a jamais été destinée à remplacer la Glose et elle ne l’a jamais remplacée. Elle est construite pour l’accompagner. Malgré tout le respect et l’affection que j’ai pour la mémoire de Richard Rouse, je m’inscris ici en faux contre une assertion un peu rapide d’un de ses derniers articles dans lequel il assure que la postille d’Hugues aurait « supplanté » la Glose ordinaire « dans les écoles » sous prétexte que Hugues est fréquemment cité dans les commentaires[34].   
7.1. Contrairement à l’impression donnée par la mise en page des éditions imprimées, la postille d’Hugues n’est pas un commentaire systématique et continu de tout le texte biblique. Il ne se suffit pas toujours.  Dans certains livres, comme l’évangile de Marc, de nombreux versets ne sont pas commentés du tout. Ailleurs, seules certaines expressions ou passages ont fait l’objet d’explications. Le texte biblique, dans sa structure littéraire intégrale, n’est pas étudié pour lui-même. Seuls quelques passages sont explicité dans leur totalité et surtout dans leur « continuité ». Hugues entend plutôt compléter la Glose, soit en expliquant des passages sur lesquels elle ne s’est pas arrêtée, soit en ajoutant des précisions aux passages déjà commentés, comme l’attestent de nombreuxes mentions explicites de la Glose à laquelle les postilles renvoient sans cesse.

7.2. Rien n’autorise à déduire l’abandon de la Glose du fait que la Postille ait été citée par l’exégèse du 13e siècle. Il est loin d’être vrai que Hugues « supplante » la Glose pour la bonne raison que la Glose, en raison de sa nature de vecteur de la tradition, est le seul texte reçu par l’Université tandis que la réception des postilles reste plutôt circonscrite au sein de l’ordre dominicain. Chez les dominicains mêmes les faits invitent à plus de nuances. Dans la Catena aurea ou la Reportatio super Psalmos, Thomas d’Aquin cite la Glose à longues lignes, y compris la Magna Glossatura de Pierre Lombard. Son exégèse atteste, par ses silences et sa méthode, une prise de distance très nette à l’égard d’Hugues. Sans doute plus proche des préoccupations des prédicateurs, c’est aussi parce qu’elle était moins accessible que la Glose que la Postille a retenu l’attention des postillateurs et des reportateurs. Le petit nombre de manuscrits conservés en est peut-être un indice, même si je concède que l’argument est faible[35].

7.3 La complémentarité des deux instruments apparaît dans les manuscrits où la Glose est encadrée par les postilles. le montre l’exemplaire du chanoine Bonfado de Vérone, annoté puis légué à son couvent de profession de Vérone par Jean de Vercelli (1205-1283), ancien maître de l’ordre et successeur d’Humbert de Romans (1257-1264)[36].=>

8. La mise en forme électronique de l’édition imprimée de la postille permet de comprendre que la postille n'est pas exactement une compilation de commentaires scolaires structurés. Ce commentaire a plutôt été conçu – de manière assez empirique - comme un apparatus ad Glossam, à l’instar des "apparatus ad Corpus Juris civilis" des juristes. La postille est a comprendre comme un complément et un développement exégétique de la Sacra Pagina des écoles, de la Bible glosée ou de la Glose ordinaire. Le titre d’un manuscrit de la postille le définit précisément : "Incipiunt notule compilate a magistro Hugone  fratre ordinis predicatorum super Proverbia"[37].

9. Les commentaires réunis dans la Postille biblique d’Hugues sur toute la Bible sont en fait la compilation des explications données par des maîtres qui commentaient en classe la Sacra Pagina, alternant lecture du texte biblique, de la Glose ordinaire et des scholies marginales accumulées dans les marges extérieures de leurs exemplaires magistraux qu’ils transmettaient oralement  à leurs auditoires. Ces scholies sont souvent de simples "post-it" ou gloses adventices, mais ce sont aussi parfois des commentaires plus développés (divisio textus, questions,  etc.). Dans les manuscrits de la Glose, elles sont souvent surimposées par plusieurs mains et enchevêtrées[38]. D'abord écrites à la mise de plomb elles étaient reportées à l'encre en commençant par un espace laissé vide, puis effacées au fur et à mesure. Cela se voit encore dans certains exemplaires conservés.[39] La Postille d’Hugues n’est rien d’autre que la publication en forme de texte continu et ordonné du contenu d’exemplaires annotés de la Glose ordinaire à l’usage du ou des maîtres, auteurs des postilles réunies par Hugues (Glossa ordinaria cum scholiis). Sous l’autorité d’Hugues, les annotations qui occupaient les marges des exemplaires de la Glose des maîtres de Saint-Jacques et peut-être d'autres couvents parisiens, voire de maîtres séculiers, ont été mises au net et classées par sens pour former la compilation qu’on connaît. 

10. La postille n’a donc pas été conçue comme un commentaire continu et structuré, mais comme un apparatus ad glosam. Elle doit être comprise comme la compilation de scholies marginales recueillies dans les marges des exemplaires de la Bible glosée annotées utilisés par les maîtres enseignant la Théologie – c’est-à-dire la Sacra Pagina – dans les studia dominicains et peut-être franciscains de Paris.

11. Plus encore qu’un apparatus ad Glossam la postille d’Hugues doit être comprise comme une mise en commun des notes individuelles recueillies par les premières générations dominicaines, désormais rassemblées, organisées, rédigées sommairement sous la forme des postilles afin de pouvoir être non seulement diffusées, mais surtout partagées.  L'hypothèse jette un jour nouveau sur la problématique des attributions de la postille. Elle écarte l’accusation simpliste de plagiat ou de vol d’attribution puisque les étudiants dominicains et parfois les maîtres circulaient de la chaire des franciscains à celle des dominicains, prenaient des notes et faisaient de la sorte circuler le matériau exégétique recueilli, mais anonymisé,  en les mettant à disposition de leurs confrères. Il sera souhaitable, - quand nous aurons achevé l’édition des postilles - de les soumettre à une analyse lexicométrique qui permettra peut-être d’identifier les parties qu’Hugues ou d’auteurs auteurs, ont plus personnellement retravaillées. Gageons que les corpus de sermons des auteurs contemporains offriront à cette étude des points de comparaisons pertinents.

Le traitement des autorités

12. A la différence de la Glose ordinaire, de Pierre Lombard et de la Catena aurea, les Postilles d’Hugues et la Glose dominicaine de Pierre de Reims ne mettent pas au premier rang de leur propos la transmission des héritages anciens dans leur teneur littérale, ni même sous forme abrégée. Les références à l’autorité des anciens, sans interruption de la continuité des générations, est cependant constante. On note en particulier, et à la différence des autres corpus apparentés à la Glose biblique, l’importance donnée aux auteurs classiques et aux poètes – et non seulement aux philosophes -, aux versus mnémotechniques des écoles[40], au chant et aux expressions françaises[41], à la liturgie et aux témoins de la vie chrétienne concrète : les vies des saints non bibliques, au premier rang desquels Martin de Tours, et les règles des ordres religieux, les coutumes ecclésiastiques et même celles de la vie civile ou scolaire, présentées en exemple ou en contre-exemple (avocats et juristes sont particulièrement dénigrés) ; même la cuisine française tient sa place dans l’explication du vocabulaire biblique : crêpes, polenta, rissolles à la viande, farines fines, pâtes et breuvages, sans parler des vins et de leurs techniques de fabrication ou de conservation. Deux auteurs écrasent tous les autres : Bernard de Clairvaux et Chrysostome, ce dernier lu dans les traductions de Burgundio de Pise ou identifié avec l’auteur de l’Opus imperfectum in Matthaeum. Jérôme tient lieu d’exégèse historico-critique. L’importance des théologiens de la fin du 12e siècle est surprenante. Au total le classement sommaire ci-dessous atteste du recours à plus d’une centaine d’autorités déclarées (certaines à identifier) que nous classons en douze catégories, provisoirement et pour éviter un inventaire à la Prévert.

Principales autorités déclarées par Hugues de Saint-Cher (liste provisoire)

1.       Classiques

1.1.    Grecs

1.1.1. Aristoteles

1.1.2. Flavius Iosephus

1.1.3. Herodotus historiographus

1.1.4. Philo

1.1.5. Plato

1.1.6. Porphyrius impius

1.1.7. Socrates

1.2.    Latins

1.2.1. Cato

1.2.2. Horatius

1.2.3. Iuvenalis

1.2.4. Ovidius

1.2.5. Poeta ; cf. Ovidius, Horatius

1.2.6. Porphyrius

1.2.7. Priscianus

1.2.8. Prosperus

1.2.9. Seneca

1.2.10.    Tullius

1.2.11.    Virgilius

1.2.11.1.              Aeneis

1.2.11.2.              Bucolicae

1.2.11.3.              Georgicon

1.3.    indéterminés

1.3.1. Astronomus

1.3.2. Philosophi

1.3.3. Philosophus

1.3.4. Philosophus transcendens

2.       Textes sacrés

2.1.    [Bible hébraïque] Hebraica veritas, Littera Hebreorum

2.2.    [Bible grecque]

2.2.1. Hexaploi

2.2.1.1. Septuaginta

2.2.1.1.1.                    Septuaginta Hibernienses (« sicut modo Hibernienses Septuaginta habent »)

2.2.1.2. Aquila

2.2.1.3. Symmachus

2.2.1.4. Theodotio

2.2.1.5. Vulgata

2.2.1.6. Chromatius

2.3.    [Bible latine]

2.4.    Alia littera

2.5.    Nostra littera

2.6.    Vulgata

3.       Mysteria

3.1.    Mysteria Dei

3.1.1. Trinitas

3.1.2. Missio

3.2.    Mysteria Christi

conceptio

incarnatio

passio

resurrectio

ascensio

4.       Mysteria Beatae Virginis

conceptio Virginis

nativita Virginis

assumptio Virginis

5.       Sancti et legendae sanctorum

5.1.    Sources hagiographiques déclarées

5.1.1. Exemplum / exempla

5.1.2. Vitae Patrum

5.2.    Catégories de sainteté

5.2.1. Apostoli

5.2.2. Confessores

5.2.3. Martyres

5.2.4. Sancti peccatores : Magdalena, Paulus, Augustinus, Mattheus

5.2.5. Virgines

5.3.    Saints bibliques

5.3.1. André Apôtre : « Andreas »

5.3.2. Etienne protomartyr : « Stephanus »

5.3.3. Marie : « Beata Virgo »

5.3.4. Marie-Madeleine

5.3.5. Martha

5.3.6. Mattheus

5.3.7. Paul

5.4.    Saint ecclésiastiques

5.4.1. Agnès

5.4.2. Antoine, ermite : « Antonius »

5.4.3. Augustinus

5.4.4. Bernard de Clairvaux : « Bernardus »

5.4.5. Catharina

5.4.6. Denis l’Areopagyte : « Dionysius »

5.4.7. Gregorius Naziazenus

5.4.8. Ignace

5.4.9. Laurentius

5.4.10.    Malachie [O. Cist.]

5.4.11.    Martin de Tours : « Martinus »

5.4.12.    Mauritius

5.4.13.    Thomas Becket : « Thomas Cantuariensis »

5.4.14.    Vincentius

...

6.       Pères de l’Eglise

6.1.    sancti

6.1.1. « Nostri »

6.1.2. sancti maiores

6.1.3. sancti minores

6.2.    grecs

6.2.1. Greci

6.2.2. Basilius

6.2.3. Chrysostomus

6.2.3.1. Chrysostomus super Mattheum

6.2.4. Clemens

6.2.5. Damascenus

6.2.6. Dionysius

6.2.7. Eusebius Cesariensis in Ecclesiastica historia

6.2.8. Eusebius in Chronicis

6.2.9. Gregorius Nazianzenus

6.2.10.    Methodius [Olympi ex Hieronymo ?]4747

6.2.11.    Origenes

6.2.11.1.              super Leviticum

6.2.11.2.              super Numeri

6.3.    latins

6.3.1. Nostri

6.3.2. Ambrosius ; cf. Glossa Ambrosii

6.3.3. Augustinus ; cf. Glossa Augustini

6.3.3.1. Ad Simplicianum

6.3.3.2. Confessiones

6.3.3.3. Contra Cyprianum

6.3.3.4. De Civitate Dei

6.3.3.5. De definitione ecclesiasticorum dogmatum

6.3.3.6. De doctrina Christiana

6.3.3.7. in Enchiridion

6.3.3.8. in libro de Trinitate

6.3.3.9. in libro [sententiarum] Prosperi

6.3.3.10.              Super epistolam ad Colossenses

6.3.3.11.              Super epistolam ad Corinthios

6.3.3.12.              Super Genesim

6.3.4. Boethius

6.3.5. Cassiodorus

6.3.6. Gregorius ; cf. Glossa

6.3.6.1. in homilia

6.3.6.2. Moralia

6.3.6.3. super Ezechielem

6.3.6.4. super Ioannem

6.3.6.5. super Isaiam

6.3.7. Hieronymus ; cf. Glossa

6.3.7.1. ad Damasum papam

6.3.7.2. ad Eustochium

6.3.7.3. de Hebraicis questionibus

6.3.7.4. epistola ad Marcellam

6.3.7.5. epistola ad Oceanum

6.3.7.6. in originali

6.3.7.7. prologus Apocalypsis

6.3.7.8. prologus super Genesim

6.3.7.9. super libros Regum

6.3.8. Hilarius

6.3.8.1. Hilarius in libro de Trinitate

6.3.9. Isidorus ; cf. Glossa

6.3.10.    Petrus Ravenne

7.       Auteurs carolingiens

7.1.1.  Alcuinus

7.1.2. Beda 

7.1.2.1. Glossa Bede

7.1.2.2. In [libro] Sententiarum

7.1.3. Haimo

7.1.3.1. Glossa Haimonis

7.1.3.2. Haimo super Isaiam

7.1.4. Rabanus :

7.1.4.1. Glossa Rabani

7.1.5. Radbertus

7.1.6. Strabus ; cf. Glossa

8.       Auteurs médiévaux

8.1.1. Andreas de Sancto Victore

8.1.2. Anselmus

8.1.3. Anselmus in Monologion

8.1.4. Bernardus Clarevallensis

8.1.4.1. Ad Eugenium papam

8.1.5. Cantor Parisiensis (Petrus)

8.1.6. Archiepiscopus Cantuariensis : Thomas Becket vel Stephanus de Langtonia

8.1.7. Comestor (Petrus ; magister in historiis)

8.1.8. [Michel Meldensis] Corboliensis = archiepiscopus Senonensis

8.1.9. Gilibertus Altisiodorensis

8.1.10.    Glossa

8.1.10.1.              Glossa Ambrosii

8.1.10.2.              Glossa Augustini

8.1.10.3.              Glossa Bede

8.1.10.4.              Glossa Gregorii

8.1.10.5.              Glossa Haimonis

8.1.10.6.              Glossa Hieronymi

8.1.10.7.              Glossa interlinearis

8.1.10.8.              Glossa marginalis

8.1.10.9.              Glossa Isidori

8.1.10.10.          Glossa Origenis

8.1.10.11.          Glossa Strabi

8.1.11.    Hugo de Sancto Victore

8.1.12.    Ioannes Beleth

8.1.13.    Stephanus de Langtonia = Lincolnensis

8.1.14.    Magister (Petrus Lombardus)

8.1.15.    Radulphus

8.1.16.    Ricardus de Sancto Victore

8.1.17.    Versus

9.       Ecclesiastica officia

Hymnologie : “hymni, prosa, sequentia”

Liturgia horarum

Salve regina

rituel de la profession (OP)

prédication liturgique des évêques distinguée des admonitions : « thema », « sermo », etc. « Et quia post ordinationem Discipulorum fecit sermonem : ideo Episcopi post ordines faciunt sermonem ordinatis, vel admonitionem loco sermonis, ut digne se custodiant et administrent ».

liturgie locale parisienne

10.   Règles monastiques et religieuses

Regula Canonicorum (sive Augustini)

Regula Benedicti

Institutiones

11.   Coutumes locales

Parisiis (sic fit, accidit, etc. )

12.   Droit

Lex Iustiniana

Lex Gallicana

Des hommes et des dieux : la sociologie de la postille

13.   Je ne fais que relever ici  quelques termes révélateurs de la sociologie implicite de la postille d’Hugues. Il y a loin de cette liste inchoative et très incomplète à une véritable analyse. Il y manque notamment la mise en évidence des correspondances que les postilles ne cessent d’établir entre certaines de ces notions

14.    

1.       Institutions

1.1.    ecclésiastiques

1.1.1. ecclesia romana

1.1.2. ecclesiae cathedrales

1.1.3. ecclesiae minores

1.1.4. ecclesiae parrochiales

1.1.5. concilium

1.1.6. capitulum

1.1.7. parochia

1.1.8. diocesis

1.1.9. monasterium

1.1.10.    conventus

2.       Catégories sociales

2.1.    religions

2.1.1. idolatra  (discussion  entre Pierre le Chantre et les Dominicains sur le droit de coloniser les terres des « idolâtres » par les Chrétiens ; Idc. 11, 12)

2.1.1.1. sacerdotes templorum et cultores idolorum

2.1.1.2. pagani

2.1.2. musulmans

2.1.2.1. infideles

2.1.2.2. gentiles

2.1.2.3. Mahometus « legislator Gentium », « legis profane doctor”

2.1.2.4. Saraceni, gens Saracenorum

2.1.3. iudei

2.1.4. heretici

2.1.4.1. Ariani

2.1.4.2. Nicolaïtae

2.1.4.3. pagani pauperes Lugduni / heretici pauperes de Lugduno / Vaudois / Pierre Valdès

2.1.4.4. Tertia bestia quatuor facit: Grecos, Gothos, Vandalos, Longobardos, qui fuerunt omnes Ariani.

2.1.5. fideles

2.1.5.1. christiani

2.1.5.2. fideles

2.1.5.3. laici

2.2.    catégories ecclésiastiques

2.2.1. charges ecclésiastiques

2.2.1.1. summus pontifex

2.2.1.2. dominus papa

2.2.1.3. cardinales

2.2.1.4. archiepiscopi

2.2.1.5. episcopi

2.2.1.6. legati

2.2.1.7. archipresbyteri

2.2.1.8. archidiaconi

2.2.1.9. decani

2.2.1.10.         decani rurales

2.2.1.11.         curati

2.2.1.12.         rectores Ecclesiae

2.2.1.13.         prelati

2.2.1.13.1.                 assimilés aux rois : « Reges sunt omnes qui se bene regunt sed maxime prelati qui alios regere debent ex officio » (HSC1, 3Rg. 10, 25)

2.2.1.13.2.                 assimilés aux copistes :  « Scriptorium ergo suum Dominus committit prelatis »

2.2.1.14.         sacerdos

2.2.1.15.         presbyter

2.2.1.16.         officiales prelati

2.2.2. séculiers

2.2.2.1. ecclesiastici

2.2.2.2. diaconi

2.2.2.3. canonici Parisiis

2.2.2.4. canonici (Carnotenses)

2.2.2.5. canonici

2.2.3. réguliers

2.2.3.1. abbas

2.2.3.2. activi

2.2.3.3. contemplativi

2.2.3.4. monachi

2.2.3.5. moniales

2.2.3.6. claustrales

2.2.3.7. eremiti

2.2.3.8. fratres

2.2.3.9. religiosi

2.2.3.10.         novitii

2.2.3.11.         novitii predicatorum

2.2.3.12.         classis nostra monachorum

2.2.4. religiones

2.2.4.1. Ordo augustiniensium (OSA)

2.2.4.2. Ordo cartusiensium, Cartusienses (OCart.)

2.2.4.3. Ordo cluniacensium, monachi cluniacenses (OSBClun.)

2.2.4.4. Ordo cisterciensium (OCist.)

2.2.4.5. Ordo grandimontanensium (OGrand.)

2.2.4.6. Ordo minorum, fratres minores (OFM)

2.2.4.7. Ordo nigrorum (OSB)

2.2.4.8. Ordo predicatorum (OP)

2.2.5. écoles

2.2.5.1. litterati (souvent assimilés ou associés aux prelati)

2.2.5.2. doctores (Ecclesie)

2.2.5.3. doctores theologie

2.2.5.4. magistri

2.2.5.5. lectores (responsable de la formation continue d’une communauté dominicaine « lectores et predicatores sunt vasa domini »)

2.2.5.6. scolares

2.2.5.7. studentes

2.2.5.8. studium parisiense (in studio parisius et sic Parisiis) etc.

2.2.5.9. philosophi

2.2.5.10.         theologi

2.2.5.11.         predicator, simplices et rudes instruens 

2.2.6. boutiques et ateliers

2.2.6.1. scola

2.2.6.2. scriptorium :  « Scriptorium ergo suum Dominus committit prelatis... »

2.2.7. charges civiles

2.2.7.1. imperator

2.2.7.2. papa

2.2.7.3. rex

2.2.7.4. dux

2.2.7.5. principes seculares

2.2.7.6. ballivus

2.2.7.7. cancellarius

2.2.7.8. cancellarius regis

2.2.7.9. prefectus

2.2.7.10.         quaestor palatii

2.2.8. les « gens »

2.2.8.1. pueri

2.2.8.2. coniugati

2.2.8.3. mulieres

2.2.8.4. senes

2.2.8.5. pater

2.2.8.6. mater

2.2.8.7. nepotulus

2.2.9. militaires

2.2.9.1. miles / milites

2.2.9.2. satellites

2.2.10.    métiers de plume

2.2.10.1.         librarius

2.2.10.2.         notarius

2.2.10.3.         scriba

2.2.10.4.         scriptor

« Notarios dicit qui libros scribunt, librarios qui custodiunt vel emendant. Vel notarii dicuntur qui primo de littera minuta breviter scribunt chartas vel privilegia, librarii vero dicuntur qui postea de grossa littera diligentius scribunt, sicut fit Rome » (In prol. ‘Iungat epistola’ expositio).

2.2.11.    juristes

2.2.11.1.         advocatus

2.2.11.2.         decretista

2.2.11.3.         iudex

2.2.11.3.1.                 iudex secularis

2.2.11.3.2.                 iudex ecclesiasticus

2.2.12.    services à la personne

2.2.12.1.         medicus

2.2.12.2.         meretrix

2.2.12.3.         nutrix

2.2.12.4.         physicus

2.2.13.    schow-business

2.2.13.1.         histrio

2.2.13.2.         poeta

2.2.13.3.         pugil

2.2.13.4.         mimus

2.2.14.    artisants et professions civiles

2.2.14.1.         administratorius

2.2.14.2.         agricola

2.2.14.3.         bidellus

2.2.14.4.         circulator

2.2.14.5.         fullo

2.2.14.6.         geometra

2.2.14.7.         mercator

2.2.14.8.         numularius

2.2.14.9.         plebeus

2.2.14.10.     servus

2.2.14.11.     usurarius

2.2.14.12.     venator

3.       Peuples

3.1.    Barbari

3.2.    Greci

3.3.    Gothi

3.4.    Iudei

3.5.    Mauri

3.6.    Vandali

3.7.    Longobardi

4.       Langues

4.1.    Latine

4.2.    Grece

4.3.    Hebraice

4.4.    Gallice

5.       Géographie non biblique

5.1.    Alvernia

5.2.    Anglia

5.3.    Bisuntius [Besançon]

5.4.    Belovacensis

5.5.    Carnotensis ecclesia

5.6.    Gallia

5.7.    Gallia parisiensis

5.8.    Hiberia

5.9.    Hibernia, Hibernienses

5.10. Hispania

5.11. Lugdunum

5.12. Normannia

5.13. Mauritania

5.14. Metensis

5.15. Parisiis

5.16. Roma

5.16.1.    Porta Tyburtina

5.17. Sequana

5.18. Vienna

Les sens de l’Ecriture

13. A la différence de l’exégèse par citations ou exégèse par citations, les postilles d’Hugues intègrent leurs citations -toujours très brèves -  au sein de sentences rédigées. Elles procurent surtout des séries d’interprétations parataxiques ou juxtaposées qui complètent et commentent la Glose ordinaire dans laquelle les sens de l’Ecriture ne structurent pas le commentaire mais le ponctuent.

14. Hugues a organisé ce travail de mise au net  des scholies dispersées en les relevant et surtout en les classant  selon les sens de l'Ecriture. Comme les marges des exemplaires de la Glose étaient annotées de manière aléatoire, le classement n'est pas rigoureux :  dans les marges des manuscrits, les scholies copiées à la mine de plomb ne suivent pas un ordre rigoureux : On rattrape parfois une explication au sens moral coincée dans l'espace laissé libre par une autre explication.

15.1 La caractéristique herméneutique principale de la postille d’Hugues est donc la proposition de plusieurs analyses sémantiques successives du même lemme biblique, introduites et structurées par des divisions en parties et sous parties irrégulièrement développées.

15.2 La distinction entre sens littéral et sens moral est première et quasi universelle. Chez Hugues de Saint-Cher, elle fait manifestement écho à la structure des homélies de Jean Chrysostome qui conclut toujours ses discours une parénèse ou exhortation morale que les traducteurs latins signalent par des  manchettes de type « moraliter » ou « moral’ ». Chrysostome imite lui-même en cela la structure des grandes épîtres paulinniennes qui se terminaient déjà par une « parénèse » (Rm. 12-13 ; Col. 3 etc.). Nicolas de Lyre, de manière systématique, retiendra un schéma également bipartite sens littéral / sens moral.

15.3 L’alternance des sens ne répond pas à des critères réguliers. Parfois tout le chapitre est exposé d’abord au sens littéral, puis au sens spirituel. Dans d’autres contextes, seuls quelques versets sont exposés au sens littéral, puis selon un ou plusieurs autres sens. Dans un second temps le maître expose le sens littéral des versets suivants et ainsi de suite. L’amplitude du texte bibliques traité par chacun de ces séquences est très variable. Elle ne correspond pas toujours aux parties annoncées parfois en début de chapitre.

15.4 Le recours aux quatre sens est loin d’être constant. Le commentaire de l’Evangile de Jean se contente de faire alterner sens littéral et sens moral (moraliter). Pour les Psaumes, les quatre sens sont irrégulièrement exposés avec parfois des sous-distinctions supplémentaires (sens littéral distingué du sens historique). En fonction de la richesse du texte et de sa tradition herméneutique, l’ampleur du commentaire varie selon le genre littéraire du texte et l’importance théologique que lui a conféré la tradition chrétienne.

15.5 Le maître a  proposé parfois la même exégèse au sens allégorique et au sens moral. Il faut en conclure que le même matériau exégétique a été utilisé par deux fois pour commenter le même verset. Par exemple HSC1 (Ps. 103, 32)

32 $allegorice

32 $moraliter

marg.|{c} Qui respicit] oculo misericordie.

marg.|{c} Qui respicit] oculo misericordie.

marg.|{d} Terram] id est terrena corda.

marg.|{d} Terram] corda terrenorum.

marg.|{e} Et facit eam tremere] per timorem, Eccl. 16.c. Cum conspexeris illa Deus, tremore concutientur.

marg.|{e} Et facit eam tremere] per timorem, ut supra dictum est.

marg.|{f} Qui tangit] interius perterrendo, vel exterius flagellando.

marg.|{f} Qui tangit] puniendo.

marg.|{g} Montes] id est magnos, et elevatos in seculo. Iob. 19.c. Manus Domini tetigit me.

marg.|{g} Montes] id est superbos.

marg.|{h} Et] tacti [fumigant] per compunctionem et devotionem. Sic tactus Paulus fumigavit. Is. 6.b. Commota sunt superliminaria cardinum a voce clamantis, et domus impleta est fumo.

marg.|{h} Et fumigant] in inferno Is. 65.a. Qui dicunt recede a me, ne appropinques mihi, quia immundus es. Ecce superbia. Isti fumus erunt in furore meo, ignis ardens tota die.

 

16. D’une manière générale, l’Ancien Testament donne lieu à plus de diversités que le Nouveau. Pour schématiser on peut dire que Hugues a juxtaposé plusieurs commentaires (un par sens, pour faire simple) : commentaire littéral, puis moral et/ou allégorique, etc. Pour chacun d’entre eux il déploie un éventail plus ou moins large d’interprétations  juxtaposées inégalement coordonnées. L’ensemble met en oeuvre tout l’arsenal des micro-structures exégétiques ordinaires : versus mnémotechniques chers aux canonistes, distinctiones chères aux prédicateurs, sentences patristiques, questions dialectiques scolastiques plus ou moins développées...

17. Cet éclectisme compilatoire de la postille hugonienne le distingue de la Magna Glossatura et de la Catena aurea et le situe dans l’héritage direct de l’exégèse biblico-pastorale parisienne des années 1170-1235 qui jette avec lui ses derniers feux.

17. L’exposition des sens spirituels fait suite à l’exposition du sens littéral qui est toujours énoncé en premier et est très souvent succinct. Le sens spirituel est toujours second et plus développé. Il s’ajoute comme en aparté, généralement annoncé par un adverbe ou une locution qui en précise la teneur  : moraliter, allegorice, tropologice etc.

18. En fonction des particularités de chaque livre biblique et de sa réception par la tradition ecclésiastique, Hugues de Saint Cher alterne le sens littéral et le sens historique d’une part, ainsi que le sens spirituel d’autre part, diffracté en sens allégorique, mystique, moral, anagogique. Il a disposé les sentences selon l’ordre des sens de l’Ecriture : d’abord le sens littéral, puis les différentes modalités du sens spirituel qualifié dans les manuscrits de allegorice, moraliter (appropriation du texte aux concepts de la vie morale et personnelle), mystice (appropriation du texte à la sociologie ecclésiale), anagogice (appropriation du texte aux concepts des fins dernières) etc.

19. Globalement l’éventail des sens est plus varié et moins stéréotypé dans la postille d’Hugues que ne le suggère le titre de la grande étude d’Henri de Lubac sur  Les quatre sens de l’Ecriture. En fonction des contextes, la postille développe donc soit le sens mystique, soit le sens moral, soit le sens allégorique, soit le sens tropologique, soit plusieurs d’entre eux, soit chacun d’eux.  Puis le commentateur revient à l’explication de la lettre jusqu’à ce qu’il ressente le besoin de lui adjoindre l’exposé d’un sens complémentaire. Hugues cherche à réunir l’explicitation des sens seconds par blocs successifs. Il arrive ainsi que l’explication d’une même expression biblique soit reprises à plusieurs reprises, entrecoupée par l’explication d’autres lemmes du même passage expliqués selon d’autres sens.

20. L’ordre d’exposition des sens spirituels dans les manuscrits et les éditions présente de nombreuses irrégularités. La séquence des sentences correspond probablement – l’hypothèse doit être vérifiée - à la disposition des exemplaires glosés annotés à partir desquels a été établi le texte original de la Postille. Des ajouts ou des oublis corrigés expliquent certaines de ces irrégularités.

21. On remarque qu’en insérant la versiculation moderne dans le texte de la postille, celle-ci ne respecte pas toujours l’ordre exact du texte biblique. Certains passages sont inversés ou répétés à plusieurs lemmes d’intervalle (par ex. HSC1, Mc. 7, 18-24). Ce phénomène nous semble révélateur d’une compilation qui puise dans les scholies marginales d’un exemplaire manuscrit de la Glose ordinaire. Nous avions observé, en transcrivant les scholies de la Magna Glosa de Pierre Lombard sur les Psaumes, que les annotateurs utilisaient l’espace à disposition d’une façon de plus en plus anarchique au fur et à mesure que les marges se remplissaient. Les sentences concernant un même verset ne se trouvaient donc pas nécessairement toutes réunies au même endroit dans les manuscrits-sources, ce qui explique le relatif désordre qu’on observe parfois jusque dans la postille imprimée.

22. Lorsqu’une unité sémantique hugonienne (Moraliter, Anagogice, etc. ) regroupe plusieurs versets modernes, le même verset est  commenté selon des sens différents à différents endroits, séparés par le commentaire d’autres versets. Par exemple : 
ad litteram = v. 3 et 4 ;             
mystice = v. 3, 4, 5 ;      
ad litteram = v. 5 ;        
mystice = v. 6   
allegorice = v. 3 , 4, 5, 6 7         
ad litteram = v. 8        
vel aliter = v. 4 et 5

23. Voir par exemple In 3Rg. 10. Le ms. P363, un des plus anciens témoins de la postille n’a que 45 sentences, alors que la version imprimée en édite 64 sentences. P363 ne respecte qu’imparfaitement l’ordre lemmatique :

v. 1 à 20° : contenu et ordre des sentences identiques à la version imprimée, correspondant à l’exposé selon le sens littéral.

v. 21 à 29 : commentaire annoncé  selon les deux sens « mystique et moral» ; les lemmes commentés sont traités dans le désordre  par rapport au texte biblique (v. 21, 25, 21, 22, 25, 21, 22, 29) et dans un ordre différent de celui de la postille imprimée où l’imprimeur semble s’être trompé dans l’attribution des sens, confondant manifestement sens allégorique et sens moral. 

24.1 Dans la version imprimée comme dans les manuscrits, les sens ne sont donc pas traités de manière ordonnée, régulière et systématique. Ils ne sont pas assemblés pour former un commentaire syntaxique articulé. Ils sont  juxtaposés l’un à l’autre de manière parataxique et discontinue. Selon les livres bibliques et les manuscrits, tantôt les sens alternent pour chaque micro-unité du texte biblique, tantôt le chapitre  est d’abord intégralement expliqué selon le sens littéral, puis selon l’un ou l’autre des sens spirituels. Cette irrégularité structurelle pose évidemment problème à l’éditeur ; elle le libère aussi de l’obligation de reproduire diplomatiquement un modèle quel qu’il soit.  Le constat des variations de l’ordre des sentences et de l’absence d’indication de sens dans de nombreux manuscrits  confirme l’hypothèse selon laquelle la postille est d’abord un recueil de scholia, organisés tant bien que mal au fil de deux ou trois versions successives. L’édition électronique impose le choix de l’ordre lemmatique selon l’ordre des numéros des versets modernes de la Bible. Les sens ajoutés en manchette ou extraits du commentaire sont indiqués en marge. De la sorte, la postille peut se lire soit en lisant uniquement les explications selon un sens donné, soit en alternant chaque sens. Cette disposition permet également de comparer immédiatement l’apport sémantique de chacune des exégèses.

24.2. Sans rien toucher à la dialectique fondamentale de la lettre et de l'esprit, j'aurais tendance à relativiser la problématique des "quatre sens" de manière un peu provocatrice.

Le  maître-livre de Henri de Lubac l'a canonisée plus que la pratique exégétique. Il a focalisé sur elle l'attention historiographique et herméneutique comme la mangouste fascine le serpent.

Le parcours cavalier de l'édition électronique des corpus doxographiques oblige à chercher le fil conducteur qui en relie les versions comme les strates d'un même rapport fondamental du Christianisme à l’Écriture.  En reconstruisant verset par verset, les postilles d'Hugues de Saint-Cher, déstructurées par la mise en page des éditions papier, on constate que les quatre sens ne sont qu'une modélisation didactique, partielle, voire réductrice, à laquelle Hugues ne recourt que ponctuellement, qu'elle n'épuise pas la Lettre qui est elle-même plus que le Texte.

La question du sens littéral suppose  en effet qu'on se demande ce qu'est la Lettre et ce qui la distingue du Texte. Elle oblige surtout qu'on décloisonne la question herméneutique, trop souvent abordée comme si le sens était tout entier "dans" le Texte (cf. l'image patristique de la balle et  du grain), alors qu'il est d'abord dans sa double relation au locuteur - Dieu qui se révèle -  et au récepteur, destinataire de la Révélation - la communauté confessante. L'un et l'autre se rejoignent dans l'acte de foi, unique moteur du saut herméneutique, foi dont l'objet est Dieu et le sujet l’Église.  Il faut donc envisager le sens littéral non comme un donné conceptuel éduit du Texte par l'analyse, mais comme une boucle relationnelle à paramètres multiples qui relie le Texte à la foi de la communauté et sert de référentiel à la construction de son identité.

Scolastique, dialectique et exégèse

25. Le commentaire du corpus paulinien (tome 7 des éditions imprimées) présente une particularité qui le distingue de tous les autres livres de la postille. L’explication du sens littéral et des éventuels sens spirituels y est systématiquement accompagnée d’une « expositio magistri » ou « expositio glosse » qui est un commentaire suivi de la Magna Glossatura de Pierre Lombard, l’un des trois piliers de la première scolastique universitaire parisienne, avec la Grande Glose sur les Psaumes et le livre des Sentences.  Le rapport de cette expositio au lemme biblique est très lointain. L’auteur commente le texte même de la Glose par un enchaînement ininterrompu de questions, d’objections, de réponses essentiellement doctrinales. On y cherchera en vain le rythme régulier des questions, objections et réponses d’un Albert le Grand ou de son disciple Thomas d’Aquin. C’est encore, dans la postille d’Hugues tout au moins, un inextricable tailli dans lequel les éditeurs, faute de structure évidente, ont peiné à découper le texte en paragraphes. Amerbach et Coberger s’y sont manifestement perdus.

26. Par conséquent, la segmentation de l’édition imprimée dont notre transcription dépend est souvent aléatoire et hasardeuse. Seule l’identification des lemmes de la Grande Glose et leur mise en évidence permettra de dégager les fils conducteurs de ce quasi enregistrement de leçons théologiques sur saint Paul. D’assez nombreuses références aux variantes des citations bibliques amenées au fil de l’exposé suggèrent que l’auteur est un proche de ceux qui ont élaboré le correctoire d’Hugues. La mise en page des éditions imprimées est trompeuse : elle réparti l’exposition de la Glose sur chaque page comme si ce commentaire concernait les versets du Texte. En fait, la grande prolixité de l’expositio, qui contraste avec la très grande sobriété du commentaire lemmatique, a obligé les éditeurs à ce choix technique. Nous avons pour notre part intégré l’expositio glosse à la suite de l’explication littérale et spirituelle de chaque verset auquel elle se rattache, même si le rapport de l’expositio magistri au texte biblique est souvent très lointain, voire totalement occasionnel.

27. Craignant que ses lecteurs ne partagent son désarroi, Jean Amerbach, véritable éditeur scientifique des postilles, y consacre un avertissement spécial répété deux fois, d’abord en tête du tome 1 puis en postface du tome 7. Il y informe que l’explication des difficultés de ce qu’il appelle la « Glose magistrale » a été intégrée au texte de la postille et qu’il ne s’agit pas d’excursus ou de corruption de l’œuvre d’Hugues de Saint-Cher. "Hugues s’est attaché à ce que tous puissent profiter du savoir (eruditioni) de quelques-uns. À cette fin, il a expliqué non seulement les difficultés du texte de l’Écriture mais aussi celles de la Glose magistrale, afin de venir en aide aux moins érudits, de permettre à ceux qui étudient d’approfondir davantage les Écritures et d’en éviter les écueils"[42]. En réalité seul le commentaire du corpus paulinien est concerné. Glossa magistralis désigne donc ici la seule Magna Glossatura in epistolas Pauli. 

28. On ne retrouve pas du tout ce commentaire systématique de la Grande Glose dans la postille sur les Psaumes dans laquelle nous avions peiné à retrouver des références explicites à Pierre Lombard. Cette disparité a pu faire penser à une disparité d’auteur. Nous n’en sommes pas convaincu. Les Psaumes sont commentés pour un public de débutants, conformément au statut du Psautier dans la culture religieuse médiévale[43]. Le corpus Paulinien est quant à lui commenté pour un public de théologiens plus avancés. Les deux commentaires répondaient à cette époque des finalités et à des publics différents.

29. Le commentaire du commentaire de Pierre Lombard associé à la postille sur les épîtres paulinienne n'est pas la seule intrusion de la méthode scolastique naissance dans l’exégèse des postilles. Une caractéristique peu soulignée de la méthode d’Hugues de Saint-Cher est la multiplication de micro-questions dialectiques dans la plupart des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.

30. Les micro-questions sont repérables par les expressions « Sed contra » et « Solutio » (abrégées «sol.» dans les éditions imprimées).  Mais leur structure se détache difficilement du fil de l’explication du texte biblique. Il est rare que l’énoncé d’une thèse mise en question permette d’en identifier nettement l’objet. Autrement dit, il s’agit moins de micro-questions que de discussions dialectiques enchaînées. Tout se passe comme si chaque affirmation principale de l’exégète était contrée par une objection « sed contra » et appelait une « solutio »[44]   dont l’une des prémisses ou une conséquence indirecte, ou une affirmation subséquente  appelait aussitôt à son tour proposition contradictoire, avant qu’une nouvelle solutio ne lève à son tour la contradition dialectique tout en donnant prise  à son tour à une nouvelle objection. On ne retrouve donc pas du tout chez Hugues la structure bien ordonnée des questions regroupées en fin d’explication de chapitre qui caractérisera, par exemple au siècle suivant, les commentaires biblique d’un Dominique Grima.

Les divisions du texte

31. Un autre élément distinctif de l’exégèse scolastique est la divisio textus qui en précède l’expositio. Ici encore les postilles d’Hugues ne font preuve d’aucune régularité, même si des embryons de divisio textus s’observent en général surtout au début de l’explication des livres bibliques. La division en chapitres mise à part, Hugues ne procède pas toujours par sous-division explicite du texte biblique en péricopes. Les Psaumes font bien sûr exception : le verset liturgique est l’unité de base quasi universellement respectée par les commentaires médiévaux. Dans certains livres bibliques seulement, l’exposé du chapitre commence par une divisio textus scolastique. Cette micro-structure typique de la scolastique de la fin du Moyen Âge, dégage la cohérence intellectuelle du texte commenté et en explique le plan. La divisio textus est le premier acte de l’herméneutique de commentaire médiéval. Elle est à l’origine des sous-divisions que sont les distinctiones ou « parties » qui scandent les commentaires bibliques de Pierre Lombard, Thomas d’Aquin, et de la plupart des commentateurs du 13e siècle. Elle devient quasi compulsive et s’accompagne d’un luxe de sous-divisions, plus baroque que gothique, chez les auteurs de la seconde école exégétique mendiante (postérieure à Hugues de Saint-Cher). L’auteur définit assez librement l’étendue des unités textuelles ou péricopes en tenant compte toutefois des divisions du commentaire souche de la tradition exégétique quand il en existe un pour les livres bibliques qui bénéficient d’une tradition herméneutique importante et récente[45].  

32. Chez Hugues, peu méthodique, les divisions sont souvent tacites. Leur existence peut être déduite de l’alternance de l’explication des sens. On peut considérer a postériori comme formant péricope les passages qui ont été traités selon la série de sens de l’Écriture pris en compte dans le commentaire (tantôt alternance des sens littéral, allégorique et moral, tantôt alternance sens littéral / sens moral, etc.). Les séries se succèdent selon une division des chapitres tantôt correspond à celle de nos versets modernes, tantôt en réunit plusieurs, tantôt en chevauche plusieurs[46].  

33. L’étendue de la péricope commentée peut ainsi varier du simple au triple selon la nature et le contenu du texte biblique retenu par l’explication du sens littéral. Même si Hugues annonce presque toujours une divisio textus au début des chapitres, l’alternance des sens ne respecte pas toujours la structuration intellectuelle annoncée. La méthode varie d’un livre biblique à l’autre, mais il semble que ce qui domine est une structuration intermédiaire entre celle de la Glose ordinaire qui commente par sentences le texte biblique divisé en phrases courtes, expression après expression (lemme par lemme),  et la structuration complexe et méthodique des postilles scolaires qui réunit plusieurs versets en fonction d’une unité thématique ou intellectuelle.

Mise en page des postilles

34. Pour ces raisons,  Hugues n’a pas prévu pour ses postilles une diffusion en forme de livre glosé. Pour lui, la référence principale de l’enseignement théologique demeurait la Bible encadrée par la seule Glose ordinaire. Une petite partie seulement des manuscrits du 13e siècle conservés adopte une mise en page glosée. Cela se comprend si la postille n’est, en soi et dans son intention, qu’une annexe, un surjonc, une excroissance détachée  de la Glose ordinaire, une manière de disséminer dans les bibliothèques conventuelles des prédicateurs itinérants du 13e siècle les fruits cueillis entre les lignes et dans les marges des bibles glosées consultées à Paris et, sans doute, d’abord à Saint-Jacques.

35. A part quelques exceptions, la mise en page de la majorité des manuscrits des postilles longues d’Hugues de Saint-Cher présente un texte en 2 colonnes sine textu c’est-à-dire non glosé (voir GLOSSEM : classement par typologie des mises en pages). Le texte biblique commenté selon l’ordre du canon n’y apparaît que sous forme de lemmes repères, habituellement soulignés de noir ou de rouge, souvent abrégés. Les sens de l’Écriture sont signalés plus ou moins régulièrement par des manchettes marginales.

36. Mais alors que dans la Glose ordinaire,  les annotations qui concernent un même passage sont facilement repérables en raison de leur proximité physique avec le lemme biblique de référence, dans les postilles et les commentaires continus structurés par sens de l’Ecriture, elles sont diluées, comme charriées en aval du sens littéral par les reprises successives de l’explication de toute la péricope. La répétition du commentaire des mêmes lemmes selon les différents sens à des intervalles irréguliers gêne les lecteur qui cherche des informations sur un lemme précis. De rares manuscrits ne transmettent que le sens moral ; certains regroupent les explications au sens moral en fin de chapitre. Les imprimeurs et l’éditeur informatique a leur suite ont cherché des solutions pour palier cette difficulté. Aucune n’est vraiment satisfaisante et techniquement simple.

La Glose dominicaine

37. Les postilles bibliques  attribués à Hugues de Saint-Cher dans le second quart du 13e siècle doivent être distinguées de la Glose dominicaine qui lui est aussi attribuée par certains manuscrits. La Glose dominicaine, plus connue sous le nom de version A ou de version brève des postilles, est un ensemble distinct de commentaires qui a été diffusé dans la décennie qui a suivi celle des postilles d’Hugues. Les deux ensembles ont souvent été considérés comme deux versions du même commentaire. Il s’agit en fait de textes, de mises en page, de contenus en partie totalement différents, en partie dérivés ou abrégés, en partie identiques, le plus souvent présentés comme une bible glosée enrichie de prologues bibliques. L’ensemble répond à des finalités intellectuelles, éditoriales et sociales différentes. Leurs auteurs, Pierre de Reims et Hugues de Saint-Cher, ont collaboré activement mais avec des rôles différents d’abord à la composition des postilles, ensuite à celle de la Glose dominicaine. Ils ont puisé en partie à la même documentation.           
Pour en savoir plus : Un ouvrier de l’ombre des postilles d’Hugues de St-Cher : Pierre de Reims et la Glose dominicaine

Les éditions imprimées : La création du corpus

38. La notion de corpus appliqué aux Postilles bibliques d’Hugues de St-Cher, telle qu’elle a été abordée jusqu’ici par l’historiographie, est une fiction éditoriale qui dépend, dans ses prémices, de la sélection, de la réunion et de la mise en page de certaines des postilles qui sont attribuables ou qui ont été attribuées à Hugues de Saint-Cher par les éditeurs et catalogueurs à partir de la fin du Moyen Âge. Cette entreprise éditoriale a conditionné les études consacrées à l’oeuvre exégétique d’Hugues. Les oeuvres dites ‘complètes’ (Opera omnia) ne contiennent que certaines postilles bibliques attribuées à Hugues de Saint-Cher, à l’exclusion de la version brève que nous appelons Glose dominicaine, du correctoire biblique, des concordances, du Speculum Ecclesiae,  des commentaires de l’Histoire scolastique et du livre des Sentences.

39. Les principales éditions imprimées de la Postille recensées sont : Venezia 1487, Basel 1487; 1498; 1502; 1504; Paris 1538; 1598; Köln 1621; Lyon 1645; 1669; Venezia 1600; 1703 (texte de base de l’édition électronique Sacra Pagina - Gloss-e-); 1732 ; 1754. Certains livres bibliques ont fait l’objet d’éditions indépendantes du corpus : Paul. : Paris : Jean Petit, 1506.

Pour en savoir plus : M. Morard, « La tradition imprimée des postilles d’Hugues de Saint-Cher sur toute la Bible », 2022, Gloss-e.

40. Les Postilles imprimées proviennent pour l’essentiel du texte transmis par les manuscrits de la première postillation, complété, lorsque celui-ci fait défaut, par le texte de la Glose dominicaine, comme on a pu le constater avec certitude pour Ps. 136, 4 à 150, 6 (cf. Morard 2004) ; 12Proph., 1-2Mcc., Epcan. et sans doute bien d’autres passages.

41. Le corpus de la seconde postillation (Glose dominicaine, alias versio minor, alias  version brève, alias version A) n’a donc pas fait l’objet d’édition spécifique à l’exception des passages qui viennent d'être mentionnés.

42. Le principal apport des éditions imprimées par rapport aux manuscrits est d’abord l’adoption systématique d’une mise en page glosée, c’est-à-dire de la reproduction intégrale du texte biblique, disposé au centre des feuillets et encadré par le commentaire.

43.Le second apport des éditions est l’utilisation de renvois (appels de note) alphabétiques permettant d’associer chaque sentence du commentaire au lemme biblique concerné.

44. Du point de vue textuel, les éditions ont généralisé une pratique occasionnelle de la première postillation, plus fréquemment associée à la seconde postillation, à savoir la répartion des sentences selon l’ordre des sens de l’Ecriture ou, plus exactement, la mise en tête des explications du sens littéral et l’ajout en queue de chapitre d’explication au sens moral ou mystique[47][1]. Pour chaque page le commentaire est organisé de manière à donner à lire dans l’ordre le sens littéral, puis le sens spirituel, allégorique, tropologique ou moral, parfois anagogique. A la différence de la Glose ordinaire et de beaucoup de commentaires, un même lemme peut être répété plusieurs fois, à différents endroits de chaque chapitre. L’explication d’un terme qu’on ne trouve pas à un endroit peut se trouver au titre d’un autre sens à un autre endroit de la page. Il arrive que la postille propose plusieurs explications selon le même sens pour une série de lemmes (cf. « Aliter », « alia expositio » etc.).

45. En conséquence, les explications d’un même lemme biblique ne sont pas regroupées par la postille. Elles  peuvent être disséminées sur plusieurs colonnes. Faute d’avoir conscience de ces possibles réitérations, il est arrivé que l’origine de fragments manuscrits ou d’annotation marginales aient échappé, lorsque le lecteur s’est arrêté à la première occurrence du lemme dont on cherchait le commentaire. L’édition électronique devrait permettre de palier cet inconvénient.

46. Les manuscrits se contentent de recopier les sentences sans préciser toujours la nature des « sens ». Celle-ci est souvent un ajout marginal de seconde main. Ce sont les éditeurs qui ont systématisé l’organisation des sentences selon les ‘quatre sens’ avec de nombreuses erreurs.

47. Dans ce but, les éditeurs ont introduits des symboles ou signe-réclames – inconnus des manuscrits et inspirés des réclames de fin de cahier – pour signaler le début de l’interprétation des sens moral, moral et tropologique.

48. Pour permettre au lecteur de reconstituer la continuité de l’exposition selon chacun des sens de traité, l’éditeur a créé un système de renvois ou « réclames » dont le sens est expliqué dans les pièces liminaires du premier volume de l’édition d’Amorbach[48] : Δ = sens littéral, Λ = sens allégorique, Θ = sens mystique, * = sens moral. Dans les éditions, l’attribution de ces lettres ne correspond pas toujours au sens réellement analysé. L’éditeur s’est parfois trompé.

49. En outre, un système de renvois ou d’appels de note alphabétiques permet de relier chaque mot du lemme biblique ajouté (lemme glosé) aux passage de la postille qui le concerne.  L’ensemble est une réussite technique, reproduite quasiment à l’identique par au moins une dizaine d’éditions successives. Les imprimeurs du 17e et 18e siècle se sont arrangés pour que la répartition du lemme et du commentaire de chaque édition concorde avec celle des éditions précédentes. La numérotation de la première colonne de chaque feuillet est ainsi quasi identique d’une édition à l’autre, alors même que les éditeurs ont progressivement développé les abréviations paléographiques latines héritées des manuscrits. On observe pour cette raison des décalages de quelques mots aux fins de colonnes intermédiaires des différentes éditions (transition ra/rb, rb/va, va/vb).

50. Le système n’est pas sans inconvénient. Il oblige à chercher les interprétations d’un même lemme biblique à plusieurs endroit de la page et même, pour les parties reportées, sur la page suivante qu’on ne pense pas toujours à visiter. C’est ainsi que des catalogueurs pressés n’ont pas reconnu le texte des postilles d’Hugues dans des fragments manuscrits isolés parce qu’ils n’en retrouvaient pas le contenu dans l’explication du sens littéral des éditions imprimées, faute d’avoir compris que le passage qu’ils cherchaient se trouvait au bas de la page suivante en regard d’un lemme différent.

51. L’éditeur de l’édition princeps (Giunta Venise 1600) a compilé des commentaires et des prologues à partir de la tradition manuscrite des deux corpus de la postille d’Hugues et de la Glose dominicaine.

52. L’éditeur a introduit dans l’édition de la postille des pièces absentes de la tradition manuscrite de la postille, principalement un texte biblique intégral enrichi de prologues qui n’appartiennent pas tous au standard de la bible diffusée à Paris dont certains ne se retrouvent que dans quelques manuscrits de la Glose dominicaine. Le texte biblique imprimé n’est pas représentatif du texte biblique utilisé par Hugues de Saint-Cher qui est celui d’un des états de la Bible parisienne du 13e siècle qui reste à étudier. Notre édition de la Littera communis ne tient aucun compte de cette édition ; note édition de la postille non plus, considérant que ce texte appartient à l’histoire moderne de la Vulgate post-tridentine.

53. L’éditeur de la postille s’est surtout efforcé de calibrer chaque page de manière à pouvoir y réunir à la fois une section du lemme biblique et l’ensemble des sentences et scholies qui le concernent. Pour faire tenir sur chaque page le début de l’explication de chacun des sens traités, l'éditeur a imaginé un système de renvois avec une lettre grecque ou un signe propre à chaque sens. L’explication complète du lemme central principal de chaque page est donc à chercher souvent sur le verso de la page concernée. Jusqu’à la fin du 18e siècle, les éditeurs ont cherché à reproduire cette prouesse typographique.

54. La mise en page glosée des éditions imprimées est donc une reconstitution qui ne reflète pas la réalité des manuscrits de la postille mais plutôt la mise en page de la Glose dominicaine qui est une version différente de la postille  (voir infra). Les imprimeurs ont voulu réunir autour du texte les commentaires qui le concernent, en calibrant la longueur du texte biblique central au pro rata de la longueur du commentaire adéquat, à l’instar de ce qu’avait fait Adolf Rusch pour l’édition princeps de la Glose ordinaire.

55. Les deux corpus sont sans commune mesure. La Postille d’Hugues compte environ trente fois plus de mots que la Glose ordinaire (estimation à préciser). Pour faire commencer le commentaire de chacun des sens d’un lemme sur la même page que le texte biblique central auquel appartient ce lemme, les éditions imprimées ont été obligées de décaler un partie des exégèses sur le feuillet suivant.  

56.a. Le texte du corpus standardisé est relativement stable et proche des manuscrits malgré des nuées de variantes faibles. On observe entre les éditions des variations qui sont le plus souvent des corrections mineures (l’édition de 1754 des évangiles est ainsi moins fautive que celle de 1703).

56.b. Certaines leçons trahissent l’origine géographique de l’éditeur et/ou des manuscrits utilisés. par exemple :     
- In Is. 33, 11r/moral. : « Trieris proprie dicitur grece dromo » qui est lu « Trieris proprie dicitur gallice dromo, teutonice kiel » par Ed1703.

57. Outre l’adoption d’une mise en page glosée, les éditions imprimées des 17e et 18e siècles, à la suite de l’édition princeps de la série (Venise, 1600), se distinguent des manuscrits par l’identification des références bibliques de la totalité des très nombreuses citations scripturaires de la postille. Celles-ci sont en effet précédées des références bibliques par numéros de chapitres suivis d’une division alphabétique, à la manière des concordances bibliques du 13e siècle qui indiquaient à quelle partie du chapitre appartient virtuellement  le texte cité (Genesis 13° capitulo b). Hugues est censé avoir été le maître d’oeuvre des premières concordances bibliques dans la première moitié du second quart du 13e siècle ; la paternité de l’application des divisions alphabétiques à la Bible devrait donc lui revenir en théorie.

58. Pourtant, dans les faits, j’observe que les manuscrits les plus anciens des postilles d’Hugues n’utilisent qu’exceptionnellement ce système de référence alphabétique qui a été ajouté par les imprimeurs éditeurs soit à partir de manuscrits tardifs, soit, plus probablement, par leur propre industrie, à partir des premières éditions imprimées des concordances qui avaient conservé la division alphabétique des chapitres. Lorsque les éditeurs ont voulu réimprimer l’édition de 1600, ils ont développé les abréviations qui y étaient encore drastiques, mais ils n’ont pas refait le travail d’identification des citations bibliques à partir des concordances récentes où la numérotation arabe avait remplacé les divisions alphabétiques imprécises du système médiéval[49].

59. Les éditions imprimées sont équipées d’un apparat embryonnaires de variantes du texte biblique ou du texte d’Hugues et de lieux parallèles trouvés dans le Décret de Gratien dont l’éditeur rend compte dans les pièces préliminaires du tome 1[50].

Edition électronique et habillage du texte

60. L’édition électronique proposée sur Gloss-e a pour finalité de permettre de consulter les postilles par référence biblique, d’en interroger le contenu et de les comparer avec la Vulgate du Moyen-Âge central (voir ici Littera communis), la Glose ordinaire, la Grande Glose de Pierre Lombard, ainsi que la Catena aurea (voir ici Morard 2019). La possibilité d’interroger simplement l’intégralité de ces corpus facilitera aussi l’identification des fragments de manuscrits et de manuscrits mutilés du début ou de la fin  ainsi que, pour les éditeurs de texte, l’identification des citations, sans parler des analyses lexicales et lexicométriques.

61. L’édition électronique d’Hugues de Saint-Cher adapte au cas particulier des postilles les principes généraux adoptés pour l’établissement du texte, la mise en texte et l’annotation des autres corpus du site Gloss-e.

62. Le texte de base procuré est celui de la transcription manuelle de l’édition de 1703, enrichie pour être interrogeable par verset biblique). Les graphies sont en cours de normalisation selon les mêmes principes que les autres corpus de Gloss-e. 

63. Les explications selon chaque sens ont été réunies selon leur séquence originale en tenant compte des renvois indiqués dans les éditions imprimées. De cet assemblage résulte pour chaque chapitre autant de commentaires qu’il y a de sens de l’Ecriture traités. Les divisions en versets numérotés de la Bible, adoptées non sans variations à partir du 16e siècle, sont bien sûr inconnues du Moyen Âge. Très souvent, les microstructures textuelles adoptées par Hugues ne correspondent pas exactement à la numérotation moderne de nos Bibles. Pour des raisons de traitement informatique, en raison de l’éclectisme compilatoire observé dont il a été rendu compte plus-haut,  en raison de la structure biblique générale par livre, chapitre et versets, adoptée afin de permettre un référencement univoque de tous les corpus édités dans Gloss-e, nous avons réunis par verset moderne, puis par sens de l’Ecriture, le matériau exégétique réuni par Hugues pour chaque chapitre.

64. Somme toute, il a rarement été nécessaire de s’écarter de l’ordre du texte édité.   Nous avons autant que possible respecté l’ordre du texte des manuscrits lorsque les regroupements de versets correspondent à une unité sémantique ou narrative. Mais lorsque ce « désordre » est accidentel, dû à la dispersion des sentences dans les marges des manuscrits colligés, il n’y a aucune raison exégétique ou intellectuelle de conserver cet ordre aléatoire et de repousser le « vel aliter » des v. 3 et 4 après l’exposition du sens littéral du v. 8.

65. L’édition électronique a conservé les renvois alphabétiques des éditions qui permettent de relier chaque sentence au lemme biblique commenté. Nous les éditons entre accolades (par ex. {a} {b}...). Malheureusement, ces réclames alphabétiques sont décorrélées du texte biblique de l’édition électronique. Il aurait été fastidieux de les réinsérer dans le texte de la Littera communis affichable dans la marge du texte édité (Littera communis). Nous les remplaçons progressivement par l’insertion des numéros de versets bibliques modernes qui permet d’appeler l’affichage du texte de la postille en parallèle du texte biblique concerné.

66. Les renvois alphabétiques ont désormais deux fonctions : 1° ils permettent le repérage et les vérifications que le lecteur pourrait être amené à faire en recourrant à la reproduction en mode image de l’édition source, accessible par les hyperliens insérés dans les numéros de feuillets (insertion en cours, aléatoire pour le moment) ; 2° ils permettent le référencement précis des sentences de la postille : chaque sentence peut être citée par un identifiant unique composé comme suit :           
1° corpus :      
HSC1 = postille d’Hugues également qualifiée de version B dans la littérature scientifique ;
HSC2 = Glossa dominicana également qualifiée de version A dans la littérature scientifique  ;        
2° livre biblique = abréviation commune au site Gloss-e (voir intrumenta, sigles bibliques), par exemple « Mc. » ;  
3° chapitre et verset biblique  
4° numéro de feuillet de l’édition       
5° renvoi alphabétique : lettres rouges entre accolades dans l’édition : {g}   
= par exemple HSC1Ier2:3f35vb.g = Hugues de St-Cher, Postille (Ier. 2:3, f. 35vb, lemme g.

Colophon

67. Pour terminer on ne saurait mieux faire que reproduire l’adresse au lecteur du premier éditeur des Postilles, notre compatriote Jean Amerbach, de Bâle (1440-1513)[51]. Reproduite à la fin du tome 7 de l’édition de Venise (Ed1703, f. [430]), elle y fait suite à la lettre de remerciement qu’il adressa à son collègue et exact contemporain Anton Coburger (1440-1513). Datée du 7 novembre 1502 cette lettre laisse deviner le travail herculéen que demanda l’édition imprimée des Postilles. Elle apprend leur collaboration et l’aide que Coburger a apportée à Amerbach sans permettre hélas de savoir la forme exacte que pris leur collaboration. L’allusion aux « manuscrits dispersés et peu amendés » suggère que Coberger, qui disposait d’agent dans toutes les grandes villes d’Europe, a été sollicité pour vérifier ou corriger le texte. Quant à l’adresse au lecteur, elle n’invoque pas son indulgence mais l’exhorte à la modestie : avant de penser que le commentaire s’écarte du texte et que le texte édité est corrumpu, qu’il se renseigne et mette en question sa propre compréhension des difficultés que l’auteur de cette « Glose magistrale » s’est efforcé de dissiper avec profondeur, zèle et compétence.

{7.430} CLARISSIMO, AC PRUDENTISSIMO VIRO, ANTONIO COBURGER, CIVI NORIMBER<GENSI> JOAN<NES> AMERBACH BASILIEN<SIS> CIVIS S. P. D. - Etsi compluribus impulsus anfractibus periculosum tranaverim mare, excussisque scopulosis verticibus, Herculeum circumegerim sinum : Ope tamen divina, et opera mea qua lucubrando tempore multo defatigatus, jam nunc Operis finem, Præstantissime Vir, adeptus, gratiæ mihi referendæ sunt Deo nostro inexhaustæ, qui non modo quod nobis, sed quod toti Ecclesiæ noscit profuturum, consummare dedit felicissime, utpote, quia tanti, tamque profundi excellentissimique Doctoris per universum dispersi minusque emendatis codicibus ad hanc tam claram, prout fide conspicitur oculata, formam redigere. Verum ad hujus venerabilis Viri operis castigationem, meum duntaxat (quod sentio, quam sit exiguum) vix suffecisset ingenium, si non accessisset peritorum consultatio, et ferula discretæ directionis, quorum suffragio nixus in compluribus confragosis locis, cooperatores habuisse profuit, ad enavigandum hoc mare magnum, syrtes, Scyllæamque vitando rabiem ad portum descenderem optatum. Cum igitur exactæ petitioni desiderioque tuo morem gesserim,  imo Ecclesiæ Catholicæ haud parum profuerim, obsecro te, et quoscunque hoc Opus lecturos, quatenus non levi occasione, si quid perspexerint eorum judicio minus emendatum, vulnere me feriant arcuali, sed sensum cum littera rationis norma trutinent, et non quæ falsa, seu placita, sed vera sunt invenient. Tu quoque, optime Antoni, qui me ob studiorum tuorum diligentiam, hoc Opus Domini Hugonis elaborare, et in palam (quod sub modio latebat) ducere fecisti, accipe nunc lætus expostulatum, et me tibi semper facito commendatissimum. Habes Opus plane clarissimum alias invisum politione diligentissima limatum, quo et Ecclesia veniet erudienda, salus proficiet animarum, tibique laus accrescet immortalis perpetim duratura. Vale Virorum præstantissime.
Ex Basilea 7. Idus Novemb. 1502.



[1] Cf. Nicole Bériou, « Federico Visconti, disciple de Hugues de Saint-Cher », dans Hugues de Saint-Cher (+ 1263), bibliste et théologien, 2000, Paris, p.253-272.

[2] Voir par exemple le prologue de la postille sur les Psaumes directement inspirée d’un sermon / prologue de Prévôtin de Crémone ; voir notre édition on-line sur Gloss-e ; Jean-Baptiste Lebigue, Thèse d’Ecole des chartes, M. Morard, « Hugues de Saint-Cher commentateur des Psaumes » (désormais Morard 2000) ; M. Morard, La harpe des clercs (désormais Morard 2008).

[3] Pour les Psaumes, cf. Morard 2000.

[4] HSC, Postille dominicaine (Is. 33, 1) : « Trieris proprie dicitur gallice dromo, teutoni<c>e kiel ».

[5] Morard 2000 ; Hugues de Saint-Cher, Postille in Ps., prol. (Gloss-e).

[6] Cf. Urfels-Capot, Le sanctoral dominicain.

[7] Voir Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (12 degrés : Ps. 83, 3.c ; 13 degrés Prv. 25, 12.e ; Sir. 7, 19). avec la note sur Prv. 25, 12.

[8] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Ps. 68, 37, t. 2.176vb) : « Item : [Semen servorum eius] sanctorum Confessorum qui Religiones instituerunt. Semen sancti Benedicti sunt Monachi, semen sancti Augustini Canonici, semen sancti Francisci : fratres minores, semen sancti Dominici : ordo Predicatorum. Hi ergo possidebunt eam. Et per quid ? Per amorem ».

[9] In Apc. 2, 13.

[10] Voir édition in loc. cit.

[11] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (1Cor. 7, 13 expositio glossae).

[12] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (1Cor. 14, 19, t. 7.113ra) : «Item reprehensio, comminatio, promissio, consolatio, interrogatio de viis eternis. Secundum fratrem Iordanem magistrum Ordinis : "Quid credendum, scilicet duodecim articuli ? Quid faciendum, scilicet decem precepta Decalogi ? Quid fugiendum, scilicet septem peccata mortalia ? Quid appetendum, scilicet gaudia Paradisi ? Quid timendum, scilicet supplicia inferni ?" »

[13] Cf. B. Hodel, Edifier par la parole. La prédication de Jourdain de Saxe, maître de l’ordre des prêcheurs (1222-1237), thèse de doctorat, Lyon-II, chap. 7.A, n. 528.

[14] Cf. M. Morard, « Hugues de Saint-Cher commentateur des Psaumes ».

[15] Voir encore M. Morard, « Hugues de Saint-Cher commentateur des Psaumes » et les observations faite à ce propos à propos de l’inachèvement de la postille sur les Psaumes.

[16] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (3Rg. 10, 22/b mystice), ed. M. Morard, in Glossae Scripturae Sacrae electronicae, IRHT-CNRS, 2022 : « Classis Salomonis, id est Christi, ordo predicatorum est. Classis nostra, conventus monachorum ».

[17] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Ps. 79, 9.o.mystice § 2) : « In Alvernia enim in aliquibus locis ita quandoque multiplicantur vinee quod quasi in silvas degenerant, et tunc homines comburunt eas et postea optime fructificant”.

[18]  Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Prv. 25, 12.e) : « Sicut frigus nivis ] id est nix frigida que artificiose servatur in estate ad mitigandum estum caloris et frigefaciendum vinum sicut fit Bisuntiid in die sancti Stephani in augusto ».

[19] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Apc. Vidit Iacob; Aser pinguis 19, 4) : « Ideo in Ecclesia Carnotensi, canonici non respondent ‘Amen’ in choro, quando celebrat episcopus, ne videantur minores vel idiote » : Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Apc. Aser pinguis 19, 4) : « Dicentes amen alleluia Confirmatio pertinet ad minores, unde dicit. [Amen] Laus ad maiores, unde dicit. [Alleluia] Maiores enim et seniores laudare debent, et non proprie confirmare. Unde in Ecclesia Carnotensi canonici in choro non respondent amen ne videantur minores vel idiote. 1Cor. 14.c. « Qui supplet locum idiote, quomodo dicet amen super tuam benedictionem ? ».

[20] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Ps. 67, 18, t. 2.168vb/ m) : « Currus Dei sunt, qui pro Deo pedites per mundum currunt, ut nomen eius per mundum portent. Hi sunt theophori, id est religiosi, qui se ad officium dedicaverunt. Et iste currus est multiplex decem millibus quia Dominus tales multiplicat, et iam multiplicavit et multiplicabit ultra decem millia. Iam etiam sunt fratres minores plus quam decem millia de paupertate ».

[21] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Ps. 71, 5 / b) : « Filios pauperum] Dei, non populi, id est imitatores verorum pauperum, scilicet Apostolorum. [...] Pauperes etiam fuerunt beatus Benedictus, cuius filii sunt Monachi, et beatus Augustinus cuius filii sunt Canonici, et beatus Franciscus, cuius filii sunt Fratres minores, et sic de aliis. Et hos filios debet Predicator salvare, id est salvos nunciare, si vestigia Patrum sanctorum sequuntur. Prv. 20.b. Iustus, qui ambulat in simplicitate sua, beatos post se filios derelinquit ».

[22] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (In Apc. 14, 9) : « Significatur autem hic tertius Angelus ultimus ordo predicatorum. Qui quanto plus appropinquare vident finem mundi, tanto magis quotidiane predicationi instabunt et omnem gloriam mundi contemnendam monstrabunt et mundanas persecutiones non esse timendas ».

[23] Hugo de Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Is. 21, 14/q mystice), ed. M. Morard, in Glossae Scripturae Sacrae electronicae, IRHT-CNRS, 2021. Consultation du 10/03/2022 : « Qui habitatis terram Austri id est claustrum sancti Iacobi, ubi lumen scientie et fervor caritatis ».

[24] Cf. Morard 2000.

[25] On ne peut exclure cependant qu’elle ait intégré des éléments de l’enseignement du maître franciscain recueillis dans les marges des exemplaires de la Magna Glossatura annotés par ses auditeurs dominicains.

[26] HSC1 (Is. 16) : “... et dulces constitutiones Augustini ». Sur cette question, voir aussi M. Morard, « Hugues de Saint-Cher commentateur des Psaumes ».

[27] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (In Gal. 3, 22.moral.) : « Conclusit omnia sub peccato Scriptura] ut intelligatur de scripturis superadditis, sicut sunt precipue Constitutiones Religiosorum. Unde possunt Claustrales dicere illud Lam. 4.b. Conclusit vias meas lapidibus [...] ».

[28] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (1Th. 4, 2 ) : « Lv. 26.b. Vetustissima Veterum comedetis, id est servabitis precepta antiquorum Patrum, regulam, scilicet Benedicti, vel Augustini, et novis Constitutionibus, scilicet supervenientibus vetera proiicietis, scilicet Constitutiones precedentis anni dimittetis, si fiant nove in sequenti anno : sicut aqua superveniens fugat aliam ».

[29] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Qo. 7, 29/mystice) ; ibid. (Sir. 24, 19 / mystice) : « Item oliva amara est in radice, sed dulcis in fructu et Beata Virgo peccati originalis amaritudinem habuit in sua conceptione, propter quod etiam Ecclesia non celebrat eius conceptionem ; qui autem celebrant, respectum habent ad eius sanctificationem in utero matris ; summam autem delectationem habuit in Christi nativitate». Ibid. (Lam. 4, 12) : « Per secundam portam, id est beatam Virginem, ingressus est hostis humani generis, id est peccatum originale, in quo concepta fuit, sed ab hoc sanctificata in utero et post conceptum Filii non potuit hostis ingredi quia etiam nec venialiter peccare potuit ».

[30] Cf. Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Ier. 1, 5/e et b) : «{e} Et antequam etc. id est antequam natus esses de utero {f} Sanctificavi te id est ab originali mundavi te. In quo notatur expresse quod sanctificatus fuit in utero. Simile Is. 49.a. Dominus ab utero vocavit me, de ventre matris mee recordatus est nominis mei. Item, ibid. b. Formans me ex utero servum sibi. Unde potuit dicere illud Apostoli. Cum autem placuit ei, qui me segregavit ex utero matris mee et vocavit per gratiam suam, ut revelaret filium suum in me ut Evangelizarem illum in Gentibus. Hoc autem quod dicit. {b} Prius quam te formarem in utero, novi te . Dicunt aliqui quod annuntiatus fuit sue matri ante conceptionem quod futurus esset Nazareus. Unde et mater post ipsius conceptionem abstinuit ab his, a quibus abstinent Nazarei, propter quod dicitur, notus antequam natus. [...] {e} Et antequam exires de vulva] Beate Virginis. {f} Sanctificavi te non quia umquam peccatum habuit, sed in hoc dicitur sanctificatus, quia caro illa de qua corpus humanum contraxit, ab originali peccato mundata est. Qui et Propheta in Gentibus dictum est ». – Voir aussi Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Ct. 6, 9 ; Iob. 12 ; Is. 49 ; Lc. 16).

Gn. 5, 3 mystice : « marg.|Item nota quatuor generationis species. Prima sine viro, et femina ; secunda de viro sine femina ; tertia de viro, et femina : Omnes isti per peccatum corruerant, unde excogitavit Dominus quartum modum de femina sine viro. Hic fuit mirabilis. Ier. 31.d. Dominus creavit novum super terram, femina circumdabit virum. Hec generatio alias reformavit. infr. 15.d. Generatione quarta revertentur huc. Contra tres primas generationes providit Dominus tres regenerationes. Prima est in Baptismo, secunda in penitentia, tertia erit in gloria. Inde est, quod trium nativitates celebrantur in Ecclesia : Ioannis, Beate Virginis, Iesu Christi, quia sine peccato nati sunt. Beatus BERNARDUS contra illos qui non celebrant Conceptionem Virginis dicit : Etiam nec Nativitas celebraretur, si sine peccato nata non fuisset. Ioannes Domini gratia : Ecce prima regeneratio per gratiam baptismalem. Maria amarum mare : Ecce secunda in penitentia. Iesus Salvator. Ecce tertia, que erit in gloria.  ».

2Rg. 22, 31.a : « Deus immaculata] Deus ponitur hic, ut sequens relatio habeat locum, quasi dicat, Deus meus eripiet me, cuius via est immaculata, id est opera sancta, et iusta. Vel per se est via immaculata, qua itur ad celum, iuxta illud Io. 14.a. Ego sum via, veritas, et vita. Vel via eius in Virginem immaculata fuit, id est virgo sancta, et immaculata fuit ante partum, et in partu, et post partum. Unde Ez. 44.a. Porta hec clausa erit, et non aperietur, et vir non intrabit per eam, quoniam Dominus Deus Israel ingressus est per eam, eritque clausa Principi, et Princeps ipse sedebit in ea ». 3Rg. 10, 19.f allegorice : : « Due manus hinc atque inde] Hec sunt duo opera Spiritus sancti in Virgine, scilicet extinctio fomitis et conceptio Salvatoris ». (om. P363)

[31] Cf. Art. “Immaculée conception”, DTC 7/1, col. 1046.

[32] Cf. Art. “Immaculée conception”, DTC 7/1, col. 1036-1037.

[33] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Qo. 7, 29/mystice), ed. M. Morard, in Glossae Scripturae Sacrae electronicae, IRHT-CNRS, 2022 : « Mulierem vero] etc. que aliquid muliebritatis non haberet saltem originaliter. Etiam Beata Virgo originale habuit propter quod eius conceptio non celebratur. Tamen qui celebrant debent habere respectum ad sanctificationem eius qua sanctificata fuit in utero matris sue ».

[34] Cf. Richard Rouse, « The Impact of the Dominicans on Books at the University of Paris, 1217-1350 », The Medieval Dominicans: Books, Buildings, Music, and Liturgy, ed. Eleanor J. Giraud and Christian T. Leitmeir, Turnhout, 2021, p. 31–50, ici p. 36 : « Hugh’s postils were theoretically intended to supplement the Ordinary Gloss, but in fact they rapidly supplanted it for use in the classroom (not only Dominican classrooms) and they were repeatedly cited in the commentaries of later and, frankly, lesser scholars at Paris throughout the century ».

[35] Voir à ce sujet M. Morard, « La bibliothèque évaporée », 2013.

[36] Vercelli, Biblioteca Diocesana e Agnesiana, ms. 5. Le livre a d'abord appartenu à Bonfado, puis à  Jean de Verceil qui en a fait don au couvent de Vercelli en usant de son autorité de maître de l'ordre pour légitimer l'attribution du don au couvent et interdire son aliénation ; cf. f. 3v: "Iste liber est conventus fratrum Praedicatorum de Vercellis, concessus sibi a venerabili patre fratre Johanne Vercellensi,  magistro ordinis, pro remedio anime sue, tali pacto, quod non possit alienari nec mutuari extra conventum, et ut orent pro ipso et domino Bonfado, canonico Veronensi, cuius fuit ».

[37] Varna (Neustift/Novacella), Augustiner-Chorherrenstift, Cod. 156, saec. 14, f. 1ra.

[38] Voir Morard 2008, annexe : « La glose des maîtres de Paris » (séculiers en l'occurrence) ou transcription des scholies au prologue de la Glose de Pierre Lombard sur les Psaumes retrouvées dans plusieurs exemplaires parisiens. Cf. aussi RB-8877 : Brugge, Openbare Bibliotheek, Ms. 70 : manuscrit de la Glose ordinaire (s13 2/4) avec scholies (f. 1v-7r = Lc. 1:1-1:36), partiellement communes avec Hugues de St-Cher (RB-3721) et Nicolas de Tournai, maître parisien actif avant la période de publication de la postille d’Hugus (RB-6030). On pourrait multiplier les exemples de ces manuscrits de la Glose ordinaire apostillés avec des scholies qui sont soit la source, soit des extraits des postilles d’Hugues ou de la Glose dominicaine (V145).

[39] Ces exemplaires annotés sont repérables dans GLOSSEM (Gloss-e :  inventaire des bibles avec commentaires - par la mention "cum scholiis").

[40] Plus de 600 “versus” repérés dans la Postille dominicaine.

[41] Hugo de Sancto Caro, Postillae in Bibliam (Gn. 42, 11/m mystice), ed. M. Morard, in Glossae Scripturae Sacrae electronicae, IRHT-CNRS, 2022. Consultation du 10/03/2022 : « Unde si quis haberet spiritualem auditum, in quolibet penitente audiret dulcissimam melodiam ex contrariis vocibus, quam quilibet potest in se sentire. Et dicitur huiusmodi melodia in Gallico, plaurecant. Sed divites, qui hic recipiunt consolationes suas, ipsi habent canteplore. »

[42] Ed1703, t. 1, f. IIIr (Quid in expositione textus et Glosse Magistri observandum.) = Ed1703, t. 7, f. 430r (Joannes Amerbach ad lectorem) : «Adverte, quisquis es diligens Lector, frequentius hunc nostrum Hugonem Doctorem eximium, qui eruditioni quorumlibet intendens omnibus prodesse studuit, non modo in sua explanatione textum sacre Scripture, sed et Glossam magistralem in suis difficultatibus exposuisse, ut et studio suo, quod frequens erat, efficax prestaret adminiculum : et studiosis sacre Scripture profundam [profunda t. 7] altius investigandi daret occasionem, Quapropter si nonnumquam [+ in septimo tomo t. 1] tibi visa fuerit Expositio aliena, et preter littere processum, noli existimare corruptum, quod a textu devium putatur, sed diligenti scrutamine considerare festina, que difficilia in Glossa magistrali minus erudito videntur, et scopulosa invenies hic ea ipsa candide, lucidissimeque pertractata, et complanata. Vale. [+ Finis. t. 7]

[43] Cf. Morard 2008 (La harpe des clercs).

[44] La Glossa dominicana semble préférer le terme de responsio ; voir notre édition du prologue « Quattuor circulos » in Mt. (Sacra Pagina).

[45] C’est notamment le cas de la Magna Glossatura de Pierre Lombard pour les Ps. et le corpus paulinien.

[46] Voir par exemple In Lc. 2.

[47] Nicolas de Lyre appliquera par la suite systématiquement cette méthode dans ses Postilles sur toute la Bible, au point que les explications au sens spirituel feront l’objet d’une diffusion spécifique.

[48] L’explication de ce système de renvoi se lit dans l’avertissement au lecteur de l’édition princeps de la série, Venise, apud Sessas, 1600... 1703... 1754, t. 1 : {t. 1, f. II.} « PIO LECTORI. Quibus Characteribus Expositionis Sensus indicentur. // Scio te haud parum posse admirari, Candide Lector, cum in hac operis insignis editione varios, multosque introspexeris characteres, signaque, et notas non usquequaque forte omnibus aliunde cognitas. Qua ut te levemus ambiguitate, dabimus operam. Quatuor esse modos, sive sensus sacram exponendi Scripturam, reor, te haud ignorare : Historicum videlicet, sive litteralem, primo, per quem res gesta ad litteram recitatur. Est deinde Allegoricus, per quem alius ex alio sumitur intellectus, diciturque Mystica, vel interpretativa locutio. Tertius est sensus Tropologicus, id est Moralis, per quem mores ornantur, et dicitur sermo conversivus. Quartus est Anagogicus, ab ana, quod sursum significat, per quem ad celestia ascendimus : Et de his tractatum habemus. His quatuor modis, quasi quatuor rotis divina Scriptura tota revolvitur. Auctor autem huius operis postillando Bibliam, non singula capitula omnibus his exponit sensibus, sed aliqua dumtaxat uno, pleraque pluribus interpretatur intellectibus. Nos vero cum Auctoris postillationem textui Biblie applicare aggressi sumus, enixius observare curavimus, ut in qualibet facie, sive aspectu folii, sive uno, sive pluribus textus exponatur sensibus, tantum tamen semper de postilla, quantum de textu ipso reposuimus. Et si quando uno solo textus exponitur sensu, nullum speciale comperies signum, eo quod textus, et expositio consequenter de latere folii unius in aliud latus continuentur. Sin vero pluribus exponitur sensibus, diligentius animadvertendum est. In continuatione sensus Historici, sive Litteralis, tale Δ apponi signum, cum verbo videlicet, in quo talis sensus in alio latere folii cum eodem Δ signo continuatur. Porro ubi sensus Allegorici denotatur continuatio, talem Λ Lector comperies notam, et ea quidem pariformiter, cum verbi in quo talis sensus in alio folii latere continuatur repetitione. Quod si Mysticus continuandus veniat sensus huiusmodi, haud dubio comperies Θ signum, et id quidem similiter, ut prediximus, cum verbo continuationis in alio latere equali signo Θ notato. Postremo si quando Tropologicam, sive Moralem Auctor comperitur fecisse expositionem, talem offendes * Indicem, denuo cum verbo, in quo idem sensus in alio folii latere cum consimilis signi * repetitione ».

[49] Il est à noter que d’après le témoignage même du correctoire dominicain généralement (mais tardivement) attribué à Hugues de Saint-Cher, le correctoire biblique est postérieur aux postilles ; cf. v. g. Correctorium biblicum Cor1 (Iob. 1, 16) in Edmaior. (Biblia sacra, Romae, 1951) : « Philippus auditor [...] qui Iob exposuit habet tactas, postille : cunctas ».

[50] Ed1703, t. 1, f. IIIr : « MARGINARIE AUCTORITATES, ET LECTIONES varie quomodo applicentur. Neque id te lateat velim, quod si quandoque eveniat aliquam concordantiam, sive auctoritatem sumptam ex Biblia, Decretorum libro, aut aliis Auctoribus poni in loco, ubi simul textus, et apparatus concurrunt, si tunc ante talem concordantiam, sive auctoritatem comperitur huiusmodi signum †, scito, illam concordantiam ad apparatum Expositionis spectare. Sin vero nullum appositum concordantie fuerit signum, ipsam ad textum pertinere intelligas. Nisi quando textus huius nostre Biblie ab aliis communibus Bibliis discrepet, tunc etenim consimile † signum circa verbum in textu discordans, et consimile in margine cum hac adiectione Alias † positum reperitur ».

[51] D’après l’édition de 1703, t. 7, f.  qui la reproduit alors que le texte de l’édition de Venise semble meilleur et que la mise en page du texte glosé diffère radicalement de celle de l’édition de 1503.


Comment citer cette page ?
Martin Morard, Les postilles d’Hugues de Saint-Cher : un apparatus ad Glossam. Réflexions en marge de l’édition électronique in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 28/03/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=7)