page créée le 29.6.23, rédigée par : Martin Morard, mise à jour le : 9.7.2024. (version 6)
=> édition de la Biblia communis ; voir aussi : À la recherche de la Lettre commune.
L’ordo pariensis, facteur de stabilisation de la Vulgate du Moyen Âge tardif
Les inconstances du canon de la Vulgate tardive
Tableau 1: Variations quantitatives de la Vulgate tardive
Tableau 2 : Présence des apocryphes dans les témoins majeurs de la Bible latine au Moyen Âge tardif
Remarques préliminaires
1. La Bible est une bibliothèque (Sacra Bibliotheca) ou une collection de livres dont le contenu est défini par des « canons » ou liste de livres reçus par la communauté croyante. Le contenu des bibles copiées puis imprimées montre une grande diversité dans l’organisation et le contenu des Ecritures saintes.
2. Le nombre des livres qui forme « la Bible » n’a cessé de varier parce qu’il n’existe aucun consensus ni aucun critère matériel permettant de le fixer. C’est la réception effective par les communautés croyantes, leurs autorités et leurs érudits (pères de l’Eglise, maîtres et docteurs médiévaux) qui a, au fil du temps, avalisé des listes ou canons plus ou moins explicites, précisant le contenu des Ecritures Saintes reçues par les Eglises.
3. Le contenu de la Bible ne dépend pas seulement du nombre des livres. A l’intérieur de ceux-ci des chapitres ou des passages entiers ont été reçus ou rejetés parce qu’ils avaient ou non un équivalent dans la Bible massorétique ou dans la Bible grecque (Septante). La réception même de la Bible hébraïque ou de l’Ancien Testament comme Ecriture Sainte par les communautés chrétiennes des premiers siècles n’a pas été sans débats.
4. L’origine hébraïque a été un critère dominant, mais il est loin de s’être imposé à tous et toujours. Saint Jérôme traduit de l’hébreu et du grec et propose même, pour certains livres, plusieurs traductions, l’une établie sur l’hébreu, l’autre sur le grec. La Bible hébraïque massorétique et la Septante grecque sont chacune les témoins de traditions juives anciennes. Les découvertes de Qumran ont montré que les frontières de la Bible ont été beaucoup moins constantes qu’on a pu le croire.
5. Les Eglises chrétiennes, et spécialement l’Eglise d’Occident, n’a fixé le nombre des livres « canoniques » de la Bible qu’au concile de Florence (1442 Denzinger 1335), puis au concile de Trente (1546 Denzinger 1503-1504). Aucune des listes antérieures n’a jamais été adressée à l’Eglise universelle avec une intention définitive. Aucune forme n’a jamais été reçue comme normative et exclusive par les Eglises, ni en Occident, ni en Orient. Des conciles régionaux (canon 60 du concile de Laodicée vers 364), des documents pontificaux d’authenticité discutée, voire rejetée (Décret dit de Damase [v. 382] Denzinger 179-180 ; Décret dit de Gélase Denzinger 353-354) ont proposé des canons, c’est-à-dire des listes, qui n’ont pas été reçues par toutes les Eglises. Ces listes, bien que supposées avoir été proposées par le magistère romain ordinaire, ne correspondent pas dans les faits au canon fixé par le concile de Trente, pourtant oecuménique, c’est-à-dire avec l’autorité du magistère suprême et obligeant l’Eglise universelle. Ainsi, par exemple, certaines de ces listes anciennes souvent citées comme des documents authentiques du magistère romain, ignoraient des livres comme l’Apocalypse.
6. Ces canons anciens n’ont donc aucune valeur contraignante ; ils n’ont de canonique que le nom. Depuis l’Antiquité tardive et le canon de Muratori[1], ce sont toujours les témoins des usages de leur temps. Aucun canon n’a jamais empêché la Bible de vivre sa vie et de varier à la marge, comme on ajuste ourlets et ceintures à sa morphologie du moment, sans changer pour autant d’identité. Chaque liste doit être prise pour ce qu’elle est : une photographie d’un état de la réception des textes reconnus dans un contexte donné comme revêtu appartenant au corpus des écrits inspirés ou des livres saints de la religion chrétienne.
7. Le nombre des livres de la Bible est très variable selon les périodes et les traditions. Certaines variations, quantitativement impressionnantes, n’ont cependant pas de portée. On note en effet plusieurs façons de compter :
- par origine linguistique : hébreu ou grec, hébreu et grec, etc.
- par auteur : Esdras, Moïse, Salomon, Jérémie peuvent être comptés comme 1 seul livre chacun alors que plusieurs livres distincts ont pu leur être attribués, etc.
- par titre : les livres en plusieurs parties font l’objet de computs variés : Rois, Samuel, Paralipomènes, Esdras, etc. sont comptés comme tantôt comme un livre, tantôt comme 2 ou 4 etc.
8. La Bible latine AU Moyen Âge tardif ne se réduit pas à la Bible latine DU Moyen Âge tardif. En d’autres termes, la Vulgate lue à la fin du Moyen Âge inclut non seulement les textes et manuscrits produits à cette époque – biblie moderne ou modernorum- mais un ensemble beaucoup plus large de témoins qui inclut tous les manuscrits alors disponibles en latins, en grec et en hébreu. Cela signifie que les groupes humains religieux ou civils qui se référaient à la Bible comme à un Texte sacré entendaient par là non seulement les manuscrits produits à leur époque, mais toute la tradition du patrimoine biblique disponible, à la fois textuelle et herméneutique, sans oublier le consensus de la communauté confessante réceptrice, encadrée par ses pasteurs et ses docteurs.
9. Par conséquent, le « canon des Ecritures » n’est pas une donnée codicologique, mais ecclésiologique : la liste définie par l’autorité des livres reconnus par la communauté comme inspirés ou représentatifs de la forme écrite de la Révélation : « Une Ecriture Canonique est une Ecriture Sainte qui se diffuse par voie d'édition et de recension à partir d'un état textuel reconnu comme authentique par le pouvoir qui codifie la religion »[2].
10. Les témoins de la Vulgate DU Moyen Âge tardif ne se réduisent par davantage aux bibles pandectes, ni aux bibles portatives, même si celles-ci sont particulièrement représentatives de cette période donnée (années 1225-1275)[3].
11. L’ordre et surtout les textes contenus dans ces témoins sont très inégalement reproduits et font l’object d’une réception irrégulière. On observe néanmoins à la fin du Moyen Âge d’une part un noyau de livres consensuellement reçus et d’autre part une série de livres ou de parties de livres dont la traduction latine à partir du grec, certains sans équivalents dans l’hébreu, ont fait l’objet d’une réception hésitante.
12. Il convient de distinguer le canon et l’ordre des livres bibliques. Ce dernier est purement pratique et factuel, même s’il a fait l’objet de tentatives de stabilisation à partir de critères historiques, thématiques, théologiques etc. On ne peut pas dire qu’il ait jamais été défini par l’autorité magistérielle, sinon indirectement et très tardivement par l’organisation pratique de la Sixto-Clémentine (1592-1593). Tous les commentateurs depuis Jérôme se sont ingéniés à classer et reclasser les livres de la Bible selon des critères théologiques différents sans que cette diversité ne soit jamais perçue comme mettant en péril l’orthodoxie ou l’unité du corps social.
L’ordo pariensis, facteur de stabilisation de la Vulgate du Moyen Âge tardif
13. L’ordre ou séquence des livres bibliques a été stabilisé à partir du 2e quart du 13e siècle grâce à la diffusion de la bible des libraires parisiens[4].
14. L'intégration d'un texte dans la bible parisienne n'est pas l'équivalent d'une reconnaissance de sa canonicité, comme le prouve l’histoire, l’économie et le contenu de la postille de Nicolas de Lyre.
15. La question d’un ordre codicologique continu ne s’était pas posée vraiment tant que la Bible latine, à l’instar de la Bible juive, circulait en plusieurs groupes de livres et que sa continuité était celle qu’imposait le cycle annuel des lectures liturgiques[1].
16. L’ordre des livres des bibles à la mode de Paris ne n’est pas imposé d’un coup de façon uniforme. Il n’a été que partiellement reçu par le corps enseignant et le magistère ecclésiastique qui ne se considéraient pas comme contraint par le choix des libraires du moment qu’ils n’en faisaient pas la théorie et ne cherchaient pas à le justifier par des critères doctrinaux qui n’étaient pas de leur ressort.
17. En dehors des bibles de petites tailles, toutes issues d’une même corporation, certaines bibles copiées au 13e s. portent la trace d’une réorganisation d’un texte ‘moderne’ selon le standar parisien, sous la forme de listes volantes de l’ordre des livres parisiens, parfois intégrées aux reliures. Le petit nombre de celles qui nous sont parvenues, en raison de la fragilité de leurs supports, suffit à indiquer que l’ordo parisiensis s’est imposé par la force du nombre et de l’habitude et qu’il n’était pas préalable à toute copie moderne du texte parisien.
18. L’ordo parisiensis résulte de la combinaison artificielle, non explicitée, de plusieurs paramètres théologiques, pratiques et matériels (codicologie matérielle).
19. L’ordre parisien ne s’explique uniquement ni par un hypothétique « sens littéral », ni par l’ordre historique du contenu des livres de la Bible, ni par l’ordre chronologique présumé de leurs auteurs. Ni les langues d’origine, ni la notion d’authenticité, ni les classements par genre de la Bible juive (prophètes, écrits, etc.) ni la façon dont les Pères de l’école biblico-pastorale parisienne ont compris et organisé le canon biblique dans leurs commentaires bibliques ne permettent d’en rendre compte aisément. L’Historia scolastica de Pierre le Mangeur propose un ordre historique différent, partiellement concordant, qui a pourtant fait autorité et été commenté par les maîtres de l’Université de Paris jusqu’au milieu du 13e siècle, alors même qu’il s’écartait de l’ordre de la bible des libraires de Paris.
20. Une source majeure se dégage nettement : le pseudo décret de Damase source supposée du pseudo décret dit de Gélase.
21. Les
libraires de Paris l’ont modifié sur plusieurs points :
a. Suppression de la répartition des livres bibliques en
« ordres » explicitement mentionnés, en l’occurrence ordo Veteris
Testamenti, ordo prophetarum, ordo storiarum, ordo Novi Testamenti.
b. Le Pentateuque, étendu à l’Octateuque et
associé aux livres des Rois correspond à
l’ordre de la Bible hébraïque exposé par le prologue galéatin de Jérôme (§ 1-2) suivi par l’Historia
scolastica de Pierre le Mangeur qui associe explicitement les Chroniques
aux livres des Rois : « Explicit historia librorum Regum, in quibus
comprehenduntur etiam libri Paralipomenon » (PL 198, 1432B-C). Entre 1220
et 1236, le prologue postille d’Hugues de Saint-Cher sur 1Par. rend raison de
la séquence Rg. – Par. - Esr. : « Liber iste post librum Regum
ponitur, quia communicat cum eo in materia, et quia est supplementum illius.
Que enim ibi minus dicuntur : hic aliquando supplentur. Sed cum liber
Regum agat de utroque regno, id est Iuda, et Israel, in hoc libro tantum de
regibus Iuda agitur. Preponitur autem Esdre, quia finis huius libri idem est
cum principio Esdre » (H16.3656.2)
Cette lecture historique conduit à la réorganisation des livres de l’ordo
storiarum dont la séquence Iob. Tb.
Esr. (libri 2) Est., Idt. 1-2Mcc. est transformée en
Esr. Tb. Idt. Est. Iob. + 1-2Mcc.
C’est donc l’évolution de Iob. Tb. Est. Idt. Mcc. en Tb. Idt. Est. Iob. et le
renvoi de Mcc. à la suite des prophètes mineurs qui est vraiment originale.
c. renvoi des Maccabées à la fin de l’Ancien Testament. Le renvoi de Mcc. après
les prophètes mineurs correspond peut-être à un certain historicisme puisque la
période couverte par les Macchabée correspond à la période la plus récente de
l’histoire biblique. Elle permet aussi de mettre le Psautier au milieu exact de
la Bible, conformément au statut prophétique supérieur que lui accorde la
théologie médiévale[5].
22. L’ordre parisien des livres du Nouveau Testament reprend purement et simplement celui de la lettre-préface Frater Ambrosius de Jérôme § 39-43. Il correspond à l’ordre byzantin : évangile, corpus paulinien, proxapostolos, c’est-à-dire ce qui suit l’Apôtre : les Actes, les épîtres catholiques et l’Apocalypse. Il concorde également avec le Décret dit de Damase, source supposée du Décret dit de Gélase[6].
Les inconstances du canon de la Vulgate tardive
23. Onze textes, excroissances textuelles de livres reçus, ou livres à part entière, s’écartent du noyau commun de la Vulgate tardive et semblent avoir été copiés ad libitum dans les bibles latines de type hiéronymien, selon des proportions qui varient selon les lieux de production majeurs (Paris, Angleterre, Italie, pour ne rien dire de l’Espagne et de l’Allemagne pour lesquels les informations sont insuffisantes). Ils ont fait l’object de choix inconstants jusqu’à la Sixto Clémentine[7].
24. La notion de canon est profondément remise en question par les études récentes ; qu’il s’agisse de la bible hébraïque ou de la bible chrétienne. Pour le christianisme ancien et médiéval, la langue hébraïque n’est pas un critère de canonicité suffisant. L’absence de doute sur l’identité et l’historicité de l’auteur est un critère plus communément évoqué (cf. Bernardinus Gadolo : Tractatus de canonicis et non canonicis libris, in : Sacra Pagina). A vrai dire, d’un point de vue strictement historique, la canonicité des livres bibliques est toujours proportionnée à l’universalité de leur réception. Les canons évoluent, se combinent et se contaminent. Les Principia bibliques des auteurs scolastiques ne font pour ainsi dire jamais allusion à des arguments de droit ou d’autorité pour définir le contenu du canon des Ecritures. C’est donc le rapport entre le nombre total de témoins d’une unité biblique et le nombre total de témoins de sa version longue qui permet d’évaluer a posteriori, pour chaque unité biblique variante un 'taux de réception matérielle'.
25. Il en va de la Bibliotheca Sacra comme d’un système stellaire qui associe à un noyau de livres stables, analogue à l’étoile centrale, une série de livres indépendants, analogues aux planètes du système solaire, dont certaines sont dotés de satellites - les chapitres surnuméraires, plus ou moins distants, c'est-à-dire dont l’association au texte-mère est plus ou moins constante.
26. Le contenu du canon des bibles à la mode de Paris ne repose donc sur aucune définition doctrinale, ni même sur un consensus théologique explicite. Il se caractérise pragmatiquement par la cohabitation d’un fond commun de livres stables, reçu par tous, et d’un groupe de textes instables qui supposent une composition modulaire ou semi-modulaire des bibles à la mode de Paris. Mais le noyau constant du groupe des bibles de type parisien ne l’a pas toujours été. Il intègre des livres entiers dont la canonicité n’a pas toujours fait l’unanimité. Ainsi Tb. Idt. Est., Par., qui ont pu être inégalement reçus, ne font plus l’objet d’omissions notables au 13e siècle.
27. Les textes instables de la Vulgate tardive ne correspondent qu’en partie à ceux que Sixte de Sienne appellera deuterocanoniques à la fin du 16e. siècle. Il est d’autres livres deutérocanoniques ou considérés tels qui n’ont pas fait l’objet des mêmes hésitations[8]. La note d’antériorité qu’implique la notion de protocanonicité n’est pas le critère qui a déterminé le choix des libraires parisiens. Qualifier les unités bibliques variantes de la Vulgate tardive de "deutérocanonique" implique que les éléments du noyau stable seraient protocanoniques (comme Tobie ou 1-2Mcc.) ce qui est faux. Au contraire, l’absence de certitude sur la date de leur rédaction et l’identité de leur auteur interdit de les qualifier de deutérocanonique[9].
28. Quatre de ces textes (OrMan. Ps. 151 OrHier. OrSal.) ont une double caractéristique : 1° ils sont des centons de versets d’autres livres bibliques authentiques ; 2° ce sont des extensions des livres auxquels ils sont rattachés et non pas des livres indépendants.
29. On notera cependant que tous les centons ou réemplois bibliques n’ont pas fait l’objet des mêmes hésitations. Par exemple, des chapitres entiers des Paralipomènes sont des réemplois du livre des Rois, sans que leur intégration au canon ait été mise en cause, alors même que Pierre le Mangeur et Hugues considèrent ce livre comme un apocryphe.
30. Nicolas de Lyre, dont la postille copiées par milliers d’exemplaires en moins de 150 ans, puis imprimées à répétition jusqu’au 19e siècle, rejette l’autorité doctrinale de livres qu’elle appelle apocryphes (les futurs ‘deutérocanoniques’) et que le concile de Trente imposera comme faisant partie du Canon[10]. Il faut donc constater que Nicolas de Lyre a préparé le terrain des critiques luthériennes. Sur plus d’un point, Martin Luther n’a fait que répercuter et amplifier les thèses de Nicolas de Lyre largement reçues par le catholicisme de la fin du Moyen Âge. Pourtant Nicolas de Lyre, en dehors des débats théologiques dont il a fait l’objet, n’a pas été pour autant condamné.
Le canon de Salamanque
31. Le hasard d’une promenade catalographique a mis sous mes yeux au détour des feuilles d’un recueil de livres glosés un des rares témoins médiévaux de ce qu’il est convenu d’appeler un « canon » de la Bible, c’est-à-dire au sens technique une liste qui définit ce que contient ou doit contenir une Bible (voir plus-haut remarques préliminaires).
32. En l’occurence, le document ici reproduit et édité (Salamanca, Biblioteca General Histórica de la Universidad, Ms. 1976, f. 124v) appartient à un ensemble de textes ajoutés sur les espaces laissés vacants à la fin de plusieurs livres bibliques disparates, glosés avec la Glose universitaire qu’on appelle « ordinaire »[2] et densément apostillés au 13e siècle par des mains différentes. Ils ont ensuite été réunis en un volume entre la fin du siècle et le milieu du 14e siècle. Les additions les plus tardives illustrent une remarque d’Hugues de Saint-Cher qui raillait ces religieux qui déclarent à leurs supérieurs suivre des cours de théologie alors qu’ils suivent en cachette les leçons de droit canonique[3]. Ici il s’agissait plutôt de notes sur l’Ethique et la Réthorique d’Aristote, l’autre distraction des clercs médiévaux que la théologie ennuyait ; ces notes courrent d’un volume à l’autre en sautant à pieds joints par-dessus la Glose ordinaire. L’auteur renvoie d’un volume à l’autre, une fois l’espace disponible occupé. S’y ajoutent en fin de recueils le brouillon ou la copie de quelques suppliques adressées par l’université de Salamanque à Benoît XII (1334-†1342) et à Innocent VI (1352-†1362), ainsi qu’au cardinal Guillaume de la Jugie, alors cardinal diacre de Sainte Marie in Cosmedin, probablement à l’occasion de sa légation en Espagne en 1355.
33. Le canon appartient aux plus anciennes des additions tardives du manuscrit de Salamanque. Par comparaison et déduction, il est datable par l’écriture de la fin du 13e siècle. Il a été copié sur un feuillet laissé blanc à la fin de l’Apocalypse. Il décrit ce qu’était à son sens le contenu d’une bible pandecte. Ce bref document en dit plus qu’un long discours, tant il est révélateur. Son intérêt ne se comprend qu’à la lumière des recherches de Chiara Ruzzier sur la structure et le contenu des bibles portatives du 13e siècle[11]. Chiara Ruzzier met en évidence la spécificité du modèle de la Bible des libraires de Paris et les modalités de son impact sur la production des bibles de taille similaire en dehors de Paris. Elle constate le manque de donnée disponibles sur la production de la Bible en Espagne à la fin du Moyen Âge.
34. Le canon de Salamanque, que je crois inédit, apporte précisément un éclairage sur la réception au 14e siècle du modèle parisien en Espagne, et plus spécialement à l’université de Salamanque. Il confirme l’élasticité des frontières de la Bible latine médiévale, la conscience qu’en avait les contemporains, même après la diffusion massive des exemplaires produits par le commerce du livre parisien du 13e siècle, répandus dans toute l’Europe par les étudiants formés à Paris.
35. Le feuillet comporte deux parties. La première concerne l’ordre des livres de la Bible, la seconde est une sorte de clé qui définit leur contenu et aide à les identifier. Si le contenu est l’élément essentiel de tout canon, l’Eglise et la théologie n’ont jamais accordé grande importance à l’ordre des livres proprement dit, sinon dans le domaine liturgique, comme on l’a noté plus haut. Les théologiens ont trop aimé jouer à réorganiser la Sacra Bibliotheca en sous collections aux noms évocateurs pour chercher à fixer l’ordre des livres d’une bible de manière univoque.
36. Mais si l’ordre des livres a peu d’intérêt théologique, il a une importance pratique. Dans le canon de Salamanque, l’ordre des livres est l’élément premier. Il répond à une préoccupation observée à plusieurs occasions dans le contexte de la diffusion du texte parisien[12]. On observe un document similaire, sous une forme plus banale dans une bible de transition copiée à Toulouse à la même période. L’ordre des livres n'y est pas parisien mais il est rétabli par une note ajoutée à la fin du volume (f. 423r): « Infra scripti libri fu<er>unt correcti et esmendati : Iosue, Iudicum quatuor libri Regum, duo libri Paralipomenon, Esdras, Neemias, Thobias, Iudith, Ysayas Pentatecum ». « Libra insfrascripti continentur in hoc volumine » (al. m.) Les numéros de feuillet ont été ajoutés au 17e siècle, puis grattés (de Dn. à Apc. ; ordre non parisien). Au f. 423 verso, une main plus tardive (s14 2/2 ?) précise à nouveau : « Nota quod libri biblie ita ordinantur » (suit l’ordre parisien strict, de Gn. à 2Th.)
37. De telles listes à l’intention des copistes et des lecteurs des bibles de transition ne devaient pas être rares, mais la conservation de ces notes reproduites sur des feuillets de garde ou en tenant lieu était par nature mal assurée. Beaucoup ont disparu à l’occasion des campagnes de reliure tardives. Il serait utile de les recenser et de les étudier en série.
38. A Salamanque, l’écriture du registre A est appliquée, celle du registre B plus négligée mais nette et distincte. L’ordre des livres est indiqué à gauche sur le côté extérieur du feuillet, le long de la marge. Il prend la forme d’une liste ordonnée selon la séquence des livres de la Bible des libraires de Paris.
39. Dans le registre A, qui occupe la partie grisée du tableau ci-dessus, la liste des livres bibliques n’est pas vraiment structurée. La division du texte en paragraphe est difficile à interpréter. Les livres se suivent comme dans les bibles portatives, sans catégorisation en ensembles, sans même distinguer le Nouveau Testament de l’Ancien. J’ai numéroté les paragraphes qui semblent marqués par de légères mises en retrait. La liste originale contient 64 livres (et non « 63 ») ; si on intègre les épîtres de Paul, le total est de 74 livres, et non de « 72 ». L’auteur compte comme un seul livre les épîtres doubles (1-2Cor., 1-2Th., 1-2Tim.) et les épîtres canoniques, mais il considère comme des unités distinctes chacun des tomes des livres multiples de l’Ancien Testament. Les décomptes du paragraphe 6 sont donc antérieurs aux additions qui précisent le détail des épîtres canoniques et ajoutent l’épître apocryphe à Laodicée, sans quoi la somme des livres aurait été différente.
40. Le second registre (B) est consacré à l’identification précise des textes. Il prend la forme d’un plan de structure ou de la vue zénitale d’une arche à livres dont on aurait levé le battant pour laisser voir son contenu rangé dans des casiers, grossièrement esquissés à main levée par des traits de plumes. L’image renvoie à la nature originelle de la Bible, collection de livres ou Sacra Bibliotheca. La structure du canon de Salamanque se retrouve de manière presque identique, mais plus explicite, dans l’illustration initiale d’un exemplaire de la Bible historiale de Guiart Des Moulins, due peut-être à la main d’un artiste néerlandais travaillant à Paris vers 1415-1420 (voir illustration en tête de cette page), les livres y sont couchés sur le plat supérieur, le plat inférieur tourné vers le haut [13].
41. Dans le canon de Salamanque, chacun des casiers est consacré à un livre précis, identifiable par son incipit, son titre et son explicit, indiqués chacun sur une ligne différente. L’auteur signale plusieurs variations, hésite parfois et, bien sûr, ne dit pas tout ce que l’historien voudrait savoir. Les incipits et explicits sont parfois trop courts pour être identifiants. Les préfaces sont totalement passées sous silence. Pas un mot non plus des variations internes des livres apocryphes. Le détail du contenu des livres n’est pas précisé. On ne saura donc rien des textes connus sous les noms de Prière de Manassé, Prière de Jérémie, les variations des Lamentations, d’Esther, du dernier chapitre des Paralipomènes ou du Siracide.
42. Le registre B n’est pas formé de cellules régulières à la différence de celui du manuscrit de la Mazarine. Il se lit de gauche à droite et de haut en bas. Il contient plusieurs erreurs étranges qui témoignent d’une relative négligence : les livres d’Osée et Joel sont mentionnés une première fois entre 4Rg. et 1Par. (cellules 13-14 = 35-36). La cellule 51 contient un extrait de la Glose ordinaire sur Jérémie dont je ne comprend pas le sens. On a parfois l’impression du travail d’un copiste mercenaire qui aurait reproduit un document sans chercher à en comprendre la logique. D’autres détails sont de premier intérêt.
43. L’ordre des livres est celui de la Bible des libraires de Paris, mais il présente les particularités suivantes :
a. La Prière de Manassé (2Par. 37 ou OrMan.), exclue par les bibles et correctoires originaires de Paris (consensus correctoires, théologiens et Bible des libraires) fait partie du texte biblique canonisé en Italie (ΩBN) ; le canon de Salamanque n’envisage même pas son omission ; le texte n’est pas facultatif (cellule 16).
b. La Prière de Salomon (Sir. 52), à la suite de Sir. 51, fait l’objet de deux versions (cellule 28)[14]. La première intègre la Prière avec certaines bibles italiennes, la seconde (vel aliter) l’exclut avec le consensus des correctoires et des bibles témoins du texte reçu à Paris, tant par les libraires que par les bibles dominicaines et franciscaines.
c. Esdras : Toutes les bibles portatives parisiennes du 13e siècle ne retenaient pas 3Esr. Sa présence semble ici définitivement ‘canonisée’ (A.3). Or il n’en est rien. Le canon ne précise pas le quantième des livres d’Esdras. Pour 3Esr. les manuscrits hésitent depuis le 13e siècle entre « tertius Esdre » et « secundus Esdre », ce dernier semblant caractéristique de l’habillage parisien comme l’atteste le consensus des versions dominicaine (Hugues de St-Cher), franciscaine (Nicolas de Lyre) et Bible des libraires de Paris[15]. A Salamanque, la mention des trois livres d’Esdras, non numérotés ne correspond pas à la partition parisienne entre 1Esr. 2Esr. et 3Esr. Aux cellules 18-19, le canon propose ou constate deux usages : « Secundus Esdre » peut signifier soit ce qui correspond à Paris à Néhémie et 3Esr. (2-3Esr.), soit (vel aliter) au 2Esr. en 13 chapitres. L’apostille laconique « spatiose discernes » est aussi étrange que révélatrice : « tu discerneras longuement »... La formule a quelque chose d’un aveu d’impuissance. Elle ne manquera pas de faire sourire qui s’est penché sur le casse-tête que représente l’histoire de la partition des livres d’Esdras.
d. Psautier : On note l’absence totale du Psautier dans les deux registres. L’instabilité codicologique de ce livre majeur, considéré au Moyen-Âge comme le plus important des livres prophétiques, est une des caractéristiques, à mon sens, des pérégrinations paradoxales du Psautier à l’époque de la généralisation de l’usage du bréviaire. Le bréviaire, encore adolescent au moment de la première publication de la Bible des libraires de Paris (1230-1235 c.) a de plus en plus systématiquement absorbé le Psautier. Plus encore que le bréviaire, la reproduction intégrale du texte des Psaumes dans la majorité des exemplaires de la Magna Glossatura, plat de résistance de la formation des clercs, explique qu’une part minoritaire mais considérable des commanditaires de bibles, n’y ont pas souhaité la présence des Psaumes, tant pour des raisons d’économie que d’ergonomie de lecture. Son absence du canon de Salamanque, en milieu universitaire, est une confirmation de notre interprétation du phénomène. Il faut cependant remarquer qu’il s’agit d’un phénomène codicologique et non théologique et que l’absence du Psautier de certaines bibles n’est pas circonscrite au 13e siècle. L’importance théologique que l’exégèse scolastique a donnée au Psautier n’a pas permis qu’il se détache vraiment du corpus de la Bible pandecte[16].
e. Baruc : La réintégration parisienne de Baruc est entérinée.
f. Paul. : Philémon, placé avant Hbr. dans le registre A, suit l’épître aux Hébreux dans le registre B. Il s’agit probablement d’un accident de copie comme on en a déjà noté un dans l’Ancien Testament.
g. Apocalypse. Une dernière particularité est dans la place de l’Apocalypse qui n’est pas à la fin du Nouveau Testament comme à Paris, mais entre les Actes des apôtres et les épîtres canoniques. Cette fois-ci on ne peut pas parler d’erreur. Les deux registres du canon concordent. Cet ordre est simplement l’ordre liturgique de la lecture continue de la Bible à l’office de nuit durant le temps pascal[4]. Il a été repéré dans quelques bibles par Samuel Berger[5].
44. Il reste maintenant à savoir si les bibles conservées en Espagne répondent à ces particularités et dans quelle mesure le canon de Salamanque, dont la copie me semble antérieure à la première diffusion des postilles de Nicolas de Lyre, reflète ou non l’état des bibles en usage dans les milieux universitaires hispaniques entre le milieu du 13e siècle et le deuxième tiers du 14e siècle. Il nous semble qu’il s’agit d’une version variante de l’habillage parisien qui montre que la réception de ce dernier dans les milieux universitaires n’était pas stabilisée, même parmi les théologiens de métier. En dehors de son milieu d’origine et de l’expertise des artisans qui l’avaient établi, l’ordo parisiensis est demeuré instable. La réception des apocryphes a continué à être une sorte de « marge molle » de la Bible à la mode de Paris, ouverte à la diversité. Comme l’analyse des bibles portatives l’indique désormais avec précision, la Bible des libraires de Paris est le fait du consensus pragmatique d’une corporation, celle du commerce du livre de la ville universitaire, plutôt que le fruit d’un ordre philologique argumenté et voulu par l’Université. Le canon de Salamanque confirme, s’il était besoin, que les théologiens étaient beaucoup plus libres à l’égard de l’ordo parisiensis que les professionnels de la production du livre. Il permet enfin de comprendre - et ce n’est pas son moindre intérêt - sous quelle forme la standardisation de la production des bibles pouvait - aussi - se réduire à quelques indications sommaires jetées sur un feuillet volant, sans obliger nécessairement à la confection et à la gestion, onéreuse et chronophage, d’exemplar et de peciae. Les erreurs et les éléments non pertinents du canon de Salamanque donnent l’impression d’un croquis pris à la hâte par dessus l’épaule d’un copiste professionnel. Peut-être même que le schéma de Salamanque et l’illustration de la Bible historiale reproduite au haut de cette page sont à comprendre l’un et l’autre, en raison de leur similitude, comme les esquisses de la forme du meuble matériel dans lequel les stationnaires médiévaux rangeaient les archétypes des textes qu’ils copiaient, qu’il s’agisse de peciae, de cahiers ou de livres entiers. L’hypothèse appelle la découverte d’autres documents semblables.
Edition
45. Dans l’édition ci-dessous je respecte l’orthographe, le type de signes de paragraphe, mais, par souci de clarté, je transcris à part le registre A qui énumère la liste des livres bibliques selon leur ordre de succession codicologique. Les numéros des cellules du registres B sont de mon fait.
A. ordre des livres
<1> ¶ Genesis ⎾ Exodus ⎾ Leviticus ⎾ Numerus ⎾ Deuteronomius ⎾ Iosue ⎾ Iudicum ⎾ Rut ⎾ Regum primus ⎾ secundus ⎾ tertius ⎾ quartus
<2> ¶ Paralipomenum[17] primus ⎾ Secundus.
<3> ¶Esdras ¶ Neemias ¶ Esdre[18] ⎾ Tobias. ¶ Iudit ¶ Hester ¶ Iob ¶ Parabole ¶ Ecclesiastes ¶ Cantica ¶ Sapientie ¶ Ecclesiasticus ¶ Ysayas ¶ Ieremias ¶ Trenis ¶ Baruc ¶ Ezechiel ¶ Daniel ¶ Osee ¶ Ioel ¶ Amos ¶ Abdias ¶ Ionas ¶ Micheas ¶ Naum ¶ Abacuc ¶ Sophonias ¶ Ageus ¶ Zacarias ¶ Malachias ¶ Macabeus primus ¶ secundus.
<4> ¶ Matheus ¶ Marcus ¶ Lucas ¶ Iohannes ¶ Ad Romanos ¶ Ad Corinthios ¶ Ad Galatas ¶ Ad Ephesios ¶Ad Philipenses ¶ Ad Colosenses ¶ Ad Laodicenses[19] Ad Thesolonicenses ¶ Ad Thimotheum ¶ Ad Titum ¶ Ad Philemon ¶ Ad Ebreos
<5> ¶ Actus ⎾Apocalypsis ¶ epistole septem canonice ¶ una[20] Iacobi ¶ duo[21] Petri ¶ tres[22] Iohannis ¶ Iude una.[23]
<6> ¶ Credo quod sint sexaginta tres omnes libri qui in Biblia continentur ordine supra dicto sed computando quamlibet epis<to>lam pro libro sunt libri in Biblia septuaginta et duo[24].
B. contenu des livres
á [voir ci-dessus : l’ordre des livres] â |
1. in principio GENESIS ¶Egypto |
2. hec sunt EXODUS <mansio>nes suas |
3. vocavit LEVITICUS Sinay |
4. loqutus NUMERI Iherico |
5. verba DEUTERONOMIUM transire |
||||||
|
6. Et factum IOSUE Efraym |
7. post IUDICUM faciebant |
8. in diebus RUHT David |
9. fuit REGUM 1us diebus |
10. factum SECUNDUS ab Israel |
||||||
|
11. et rex TERTIUS eius |
12.prevaricatus QUARTUS sue |
13. verbum OSEE in eis |
14. verbum IOEL Deus et re |
15. Adam set Enoc PARALIPOMENON PRIMUS terrarum |
||||||
|
16. confortatus SECUNDUS et ascendat[25] |
17. In anno PRIMUS ESDRAS filios |
18. Et factum est ESDRE SECUNDUS - NEEMIAS Dei I<s>r<ael[26] |
19 al<iter> ESDRE SECUNDUS incipit : Verba Neemie et explicit : « in bonum »[27] ; spatiose discernes. |
|||||||
|
20. Tobias TOBI terram |
21. Arphaxat IUDIT diem |
22. in diebus Hester prenotavimus |
23. vir IOB dierum |
24. parabole PARABOLE eius |
25. Verba ecclesiastes ECCLESIASTES sit |
26. Osculetur CANTICA aromatum |
||||
|
27. diligite SAPIENTIE eis |
28. omnis ECCLESIASTICUS |
29. visio YSAIAS omni carni |
30. Verba IEREMIE vehementer |
31. Trenis |
||||||
|
32. Et hec BARUC ! |
33. Et factum EZECHIEL idem amen |
34. anno DANIEL leonum |
35. verbum OSEE in eis |
36. verbum IOEL in Sion |
37. Verba AMOS tuus |
38. Visio ABDIAS regum |
39. Et factum IONAS non meum |
|||
|
40. temporibus MICHEAS antiquis |
41. Ninive honus NAUM semper |
42. honus quod ABACUC canentem |
43. verbum SOPHONIAS dominus |
44. in anno AGEUS exercituum |
45. in mense octavo ZACHARIUS in die illa |
|||||
|
46. honus verbi MALACHIAS anathemate |
47. et factum est MACHABEUS PRIMUS patrem suum |
48. fratribus SECUNDUS consummatus |
49. liber generationis MATHEUS seculi |
50. initium MARCHUS sequentibus signis |
||||||
51. si penitentiam egerit gens illa {mala[30]} a malo suo agam {id est non inducam} et ego penitentiam super malo quod cogitavi ut facerem ei. (Ieremie decimo octavo capitulo)[31] |
52. fuit in diebus LUCHAS benedicentes Deum |
53. in principio IOHANNES libros |
54 Paulus servus AD ROMANOS seculorum amen |
55. Paulus vocatus AD CORINTHIOS nobis amen |
56. Paulus apostolus AD GALATAS fratres amen |
||||||
57. Paulus apostolus Ihesu AD EPHESIOS in incorruptione amen |
58. Paulus et Thimotheus AD PHILIPPENSES nostro amen |
59. Paulus apostolus AD COLOSSENSES vobiscum amen |
60. Paulus et Silvanus AD THESSALONICENSES cum omnibus vobis amen. |
||||||||
61. Paulus apostolus Christi AD THIMOTHEUM gratia vobiscum amen |
62. Paulus servus Dei AD TITUM cum omnibus vobis amen |
63. multiphariam AD EBREOS gratia cum omnibus verba amen |
64. Paulus vinctus Ihesu Christi AD PHILEMONEM Spiritu Sancto amen |
65. primum quidem sermonem ACTUS APOSTOLORUM sine prohibitione amen |
|||||||
66. Apocalipsis Ihesu Christi APOCALIPSIS veni Domine Ihesu. Gratia Domini etc. |
67. Iacobus UNA IACOBI peccatorum |
68. Petrus apostolus PRIMA PETRI in Domino amen |
69. Simon Petrus SECUNDA PETRI eternitatis amen |
70. quod fuit PRIMA IOHANNIS a simulcris |
71. senior electe domine SECUNDA IOHANNIS gloria tecum amen |
||||||
72. senior Gaye karissimo TERTIA IOHANNIS amicos nominatim |
73. Iudas Ihesu Christi servus UNA IUDA et finitur et in omnia secula seculorum amen. Et sic totus liber Biblie est finitus in titulis supradictis |
||||||||||
Tableau 1: Variations quantitatives de la Vulgate tardive[xxxii]
46. Nous parlons de textes et non de livres, car les ensembles concernés sont pour la plupart de simples chapitres ou parties de livres bibliques canoniques reçus par l’usage.
47. L’adoption de ces textes, pour la plupart très courts, a eu peu d’incidence sur la copie des bibles, à l’exception de 3Esr. et surtout de 4Esr. dont l’importance quantitative et l’abondance de noms propres a être dissuasive. Bien que très courts, en raison de leur histoire propre, l’épître à Laodicée et le 151 n’ont cependant pas été très copiés. On ne peut donc pas assurer que la diffusion des textes est proportionnelle au nombre de leurs signes.
|
Biblia communis |
|
chapitres |
versets |
mots |
signes |
signes espaces compris |
textes communs à toutes les bibles du Moyen Âge tardif |
Gn.-Apc. |
|
1326 |
35575 |
610 767 |
3 259 910 |
3 870 677 |
textes communs aux bibles parisiennes |
+ Baruch |
Bar. 1-5 |
5 |
142 |
3 635 |
19 029 |
22 663 |
|
+°Epistola Hieremie |
Bar. 6 |
1 |
72 |
1 196 |
6 321 |
7 516 |
|
+ Oratio Hieremiae |
Lam. 5 |
1 |
22 |
213 |
1 245 |
1 457 |
total des textes parisiens constants |
|
|
1333 |
35811 |
615 811 |
3 286 505 |
3 902 313 |
textes inégalement attestés dans les bibles du Moyen âge tardif [xxxiii] |
Oratio Manasse |
2Par. 37 |
1 |
15 |
217 |
1 234 |
1 452 |
|
Oratio Salomonis |
Sir. 52 |
1 |
13 |
233 |
1 122 |
1 335 |
|
3Esr. |
|
9 |
453 |
7 896 |
43159 |
51 054 |
|
4Esr. |
|
16 |
878 |
14 288 |
74582 |
88 870 |
|
Ps. 151 |
|
1 |
9 |
118 |
622 |
740 |
|
Laod. |
|
1 |
20 |
251 |
1295 |
1 545 |
total parisiens inconstants |
|
|
2695 |
73010 |
1 254 625 |
6 695 024 |
7 949 622 |
|
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL des textes de la Bible latine |
|
|
1 362 |
37 199 |
638 814 |
3 408 519 |
4 047 309 |
Tableau 2 : Présence des apocryphes dans les témoins majeurs de la Bible latine au Moyen Âge tardif
|
Oratio Manasse |
3 Esdras |
4 Esdras |
4Esr. |
Esther |
Ps. 151 |
Ps.-H |
Oratio Salomonis |
Oratio Ieremie |
Baruch |
EpIer. |
Dn. 13-14 |
Laod. |
|
=2Par. 37 |
|
|
|
=10:4-16:24 |
|
|
= Sir. 52 |
=Lam . 5 |
Bar. 1-5 |
=Bar. 6 |
|
|
desinit |
celorum... seculorum Amen |
Dei Israel |
devorationem ignis |
|
inobedentie |
filiis Israel |
|
|
vehemener |
ipso |
ab obprobriis |
coram eo |
Colossensium vobis |
hébreu |
om. |
|
|
aliqui |
--- |
--- |
Textus |
|
|
om. |
om. |
om. |
--- |
grec |
om. |
|
aliqui |
aliqui |
Textus |
Textus |
Textus |
|
|
Textus |
Textus |
Textus |
aliqui codd. |
Vetus latina |
Sabatier
3 |
versio altera : P111=Sabatier |
|
|
|
aliqui |
--- |
|
|
Textus :CΛ |
Textus |
|
|
biblie ‘antique’ |
|
|
aliqui |
aliqui |
AGCΣΛKΦ Bam1 |
aliqui |
om. |
GAΛZTSMΦm |
ACΣΛOTΦ |
Θ |
Θ |
ACΣΛOSZMΦ |
FMQBDΛ |
|
|
|
|
|
|
|
|
om. Bam1 |
|
|
|
|
|
Glossae priscae vel |
aliqui |
om. |
om. |
om. |
Textus |
aliqui |
om. |
aliqui. |
aliqui. |
aliqui |
om. |
aliqui |
aliqui |
Glossa ordinaria s12 |
aliqui recensement en cours |
om. |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
|
Textus |
om. |
om. |
Textus |
om. |
ΩD |
Textus |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
ΩJ |
ajouté en marge |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
|
Textus |
om. |
ΩL |
Textus (post 2Esr.) |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
|
Textus |
om. |
Douai 17 |
Textus (post 2Par.) |
Textus (entre 4Esr.3 et 4) |
à préciser |
à préciser |
à préciser |
om. |
om. |
om. |
à préciser |
à préciser |
à préciser |
à préciser |
à préciser |
ΩM |
Textus |
Textus |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
Textus |
om. |
Textus |
Textus |
|
Textus |
om. |
ΩN |
Textus |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
Textus sine titulo |
Textus cum titulo |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
ΩS |
Textus |
|
om. |
Textus |
om. |
om. |
|
Textus |
Textus |
|
Textus |
om. |
|
ΩT |
additio post. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Glossa magna |
--- |
--- |
--- |
--- |
--- |
om. |
perraro |
--- |
--- |
--- |
--- |
--- |
--- |
Texte des écoles (bibles glosées) |
Textus
|
om. |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
|
Textus |
om. |
bibles des libraires de Paris |
Textus |
plerique codd. (Parisiis : 93%) |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
|
Textus |
aliqui |
correctoires Cor1ALP Cor2FV |
om. |
om. |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
|
Textus |
om. |
CorS1 |
om. cum hebreo |
om. |
om. |
om. |
Textus |
|
|
om. |
|
Textus |
|
|
|
CorS2 |
om. |
om. |
om. |
om. |
de decimo capitulo et deinceps nihil in exemplari nostro ! |
|
|
om. |
|
Textus |
|
|
|
Hugues de S-C |
Textus |
om. |
om. |
om. |
Textus |
om. |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
Glossa dominicana |
|
Textus sine postilla |
om. |
|
|
|
|
om. |
|
|
|
|
|
Nicolas de Lyre |
om. |
aliqui codd. |
om. |
om. |
om. |
om. |
om. |
apocryphe |
Textus |
Textus |
Textus |
apocryphe |
om. |
Gutenberg |
Textus |
Textus |
om. |
Textus |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
|||
Rusch |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
Textus |
om. |
om. |
Textus sine titulo |
Textus |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
Sixto-Clémentine |
appendix |
appendix |
appendix |
om. |
Textus |
om. |
om. |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
Edmaior. |
om. |
appendix |
appendix |
om. |
Textus |
appendix |
om. |
Textus |
Textus |
Textus |
|
Textus |
appendix |
Weber |
appendix |
appendix |
appendix |
om. |
Textus |
appendix |
Textus |
Textus |
Textus |
Textus |
|
Textus |
appendix |
Biblia communis |
Textus |
Textus |
Textus |
om. |
Textus |
Textus |
om. |
Textus Esc5 P18 |
Textus |
Textus |
|
Textus |
appendix |
[1] Les canons bibliques doivent être distingués des « ordines legendi », listes qui indiquent l’ordre dans lequel les livres de la Bible doivent être lus à l’office de nuit. L’ordre de lecture liturgique des livres de la Bible est le seul qui ait vraiment retenu l’attention des canonistes, bien qu’il relève plus de la coutume que de la loi. Cet ordre s’appuye est calqué sur celui de l’ordre des répons de l’antiphonaire nocturnal ; tous deux varient selon les rites, les ordres religieux, le cursus monastique et le cursus romain. Un ordo legendi relève moins en réalité de la codicologie biblique que de la liturgie. L’ordre liturgique ne s’est que rarement imposé à la codification de la Bible. Mais les ordines legendi sont révélateurs des titulatures et des coutumes monastiques propres à certaines abbayes et ordres religieux qui ont parfois choisi l’ordre liturgique de la lecture continue des livres de la Bible comme principe d’assemblage de leurs bibles de choeur. Dom De Bruyne a édité deux de ces ordines à la fin des Préfaces de la Bible latine, 1920, p. 265-266. Ses archives en signalent d’autres dans les manuscrits « Casanatense, 722 ; Metz, [BM, cod.] 184, f. 32v ; Saint-Gall, [Stifstbibl.] 349 ; Pal. [lat.] 277 ; [Firenze, BML,] 15.10 (Bandini, t. 1, p. 51) ». Voir aussi Michel Andrieu, Les ordines romani du Haut Moyen Âge, ordo 13, recensions A B C D, ordo 14, ordo 16. On ne confondra pas les ordines legendi avec les comes, autres type de codification qui concerne les lectures de la messe.
[2] Sur le sens à donner à ce terme, cf. Martin Morard, Les noms donnés à la Bible glosée. Notes de lexicographie historique in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 03/07/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=205)
[3] Hugo de Sancto Caro, Postilla in Prv. 3:34, Sacra Pagina CNRS, HSC1.28.3.34.9 : « Illusor est qui simulat se audire Deum et non audit, ut multi religiosi qui dicunt se audire Theologiam et audiunt Decreta »
[4] Cf. Ordines legendi, in : ed. D. De Bruyne, Préfaces de la Bible latine, p. 625.19-21.
[5] S. Berger, , Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du Moyen-Âge, appendice 1, Ordre des livres du Nouveau Testament, p. 340, n° 9 : Stichométrie de Mommsen ; Paris, BnF, lat. 166 (s13 ; VL188A) ; lat. 15468, f. 345 (Paris, 1200-1230); Mazarine 624 ; Reims, BM, ms 43 ; Metz, BM, ms. 7. Plusieurs de ces manuscrits (*) ont été copié au 13e siècle à Paris et sont des bibles munies des Interpretationes nominum hebraicorum avec capitulation parisienne.
[1] Cf. Martin Morard, Les prologues ‘Primo omnium’, ‘Epistole Pauli’ et le canon de Muratori au Mont-Cassin in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 02/07/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=203).
[2] J.-D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testamen, t. 3, Fribourg-CH – Göttingen, 1992, p. ii.44-46.
[3] Cf. Chiara Ruzzier, Entre université et ordres mendiants. La production des bibles portatives latines au xiiie siècle, Berlin – Boston, 2022 et ici Martin Morard, « Bible des libraires de Paris ou Texte de l’Université ? A propos des bibles portatives » in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=193)
[4] Cf. Chiara Ruzzier, Entre université et ordres mendiants. La production des bibles portatives latines au xiiie siècle, Berlin – Boston, 2022.
[5] Les relevés codicologiques de Chiara Ruzzier confirment cette observation qu’il faut associer à la prééminence accordée au Psautier sur tous les livres de l’Ancien Testament par le christianisme occidental de la première moitié du Moyen Âge ; cf. M. Morard, La Harpe des clercs, 2008, III.6.B : Le psautie, livre canonique.
[6] Éd. Turner, Journal of Theological Studies, 1 (1900), 556-559, 560
[7] Sur cette question comme sur l’ensemble de ce chapitre, voir les données et les analyses de Chiara Ruzzier, La production des livres portatives latines au 13e siècle, Berlin-Boston, 2022, p. 55-64 et passim.
[8] Par exemple les livres des Maccabées ; cf. Nicolas de Lyre, Postilla in 1Mcc., Ed1486.
[9] Le terme « deutérocanonique », corollaire de « protocanonique », est inusité au Moyen Âge. Inventé par Sixte de Sienne (Bibliotheca sacra, Venetiis, 1566, p. 67 et passim), il repose sur une historiographie du texte biblique aujourd’hui anachronique, selon laquelle la canonicité serait liée à une rédaction originale en langue hébraïque correspondant au Pentateuque et à certains livres de la Bible massorétique, sans tenir compte des variations internes à l’histoire de la Bible hébraïque, ni de l’histoire même des livres de la bible juive, elle-même plus complexe qu’on ne pouvait le soupçonner au 16e siècle. La redécouverte du texte pré-massorétique, traduit par les Septante, puis celle des manuscrits de Qumran au 20e siècle, ont permis de prendre conscience que tout canon est d’abord la conjonction conjecturale d’une sélectection théologique ou érudite et d’un consensus sociologique ou ecclésiastique.
[10] Cf. Martin Morard, « Lyra electronica. Note d'orientation à propos des postilles de Nicolas de Lyre et de leur édition électronique » in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024.. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=87)
[11] Ruzzier 2022 avec mon compte-rendu (Mabillon 2024) et ici Martin Morard, Bible des libraires de Paris ou Texte de l’Université ? A propos des bibles portatives in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 02/07/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=193). (version de Mabillon 2024, augmentée de quelques développements et notes).
[12] Voir aussi ΩT (Toulouse, BM, ms. 3.gardes inf.) avec les notes publiées ici Instrumenta> Bibliae codices.
[13] Sur ce manuscrit, cf. Base Initiale, IRHT Paris, Mazarine, ms.313, f. https://initiale.irht.cnrs.fr/codex/6400/8870
[14] C’est déjà le cas à Paris au 13e siècle, mais Chiare Ruzzier n’en a malheureusement pas tenu compte.
[15] Pour une contextualisation de cette problématique, cf. outre Ruzzier 2022, Bogaert, RevBén., et Martin Morard, Bibliotheca Sacra. Les variations des livres d'Esdras dans la Bible latine in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 02/07/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=182).
[16] Voir à ce sujet M. Morard, La harpe des clercs, 2008, p. 320-327 avec désormais les précisions statistique apportées par Chiara Ruzzier grâce à l’analyse des bibles portatives.
[17] On notera le titre « Paralipomenon » retenu par les bibles à la mode de Paris de préférence à « Chroniques ».
[18] Il manque ici le quantième du livre d’Esdras que précisera le registre B du canon. Sur la question, cf. outre Ruzzier 2022, Bogaert, RevBén., et Martin Morard, Bibliotheca Sacra. Les variations des livres d'Esdras dans la Bible latine in : Sacra Pagina, IRHT-CNRS, 2024. Consultation du 02/07/2024. (Permalink : https://gloss-e.irht.cnrs.fr/php/page.php?id=182).
[19] Ad Laodicenses a été rajouté en marge, avec signe de renvoi dans le texte, sans doute par le scripteur principal, mais à une période ultérieure
[20] una] scrips., .I. cod.
[21] duo] scrips., .II. cod.
[22] tres] scrips., .III. cod.
[23] Le détail des épîtres canoniques (una... una) a été ajouté en marge, avec signe de renvoi dans le texte, sans doute par le scripteur principal, mais à une période ultérieure.
[24] sed computando... duo] ajouté sans doute par le scripteur principal, mais à une période ultérieure.
[25] OrMan.= 2Par. 37, 15.
[26] 3Esr. 9, 56 ; cf. ΩM où 2Esr. se termine à cet endroit mais sans numéro de livre explicite.
[27] 2Esr. 13, 31.
[28] OrMan=Sir. 52, 13.
[29] Sir. 51, 38
[30] mala] interl. supra illa
[xxxii] Données établies à partir du texte numérisé de la Vulgate Sixto-Clémentine (Vulsearch) complété par l’édition Sacra Pagina des appendices de la Sixto Clémentine (3-4Esr., Ps. 151, et des passages non attestés par l’hébreu massorétique, omis par la version Vulsearch ; les signes de ponctuation et les numéros de versets bibliques ont été exclus du décompte.
[xxxiii] Sur ces textes et leur présence dans les bibles latines de petit format, voir Chiara Ruzzier, Entre université et ordres mendiants. La production des bibles portatives latines au xiiie siècle, Berlin – Boston, 2022, p. 55-58.